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J'en ai fait contre toi quand j'en ai fait pour lui.
Il revient; quel malheur, si l'amour de sa femme
Ne peut non plus sur lui que le mien sur ton ame!

SCENE VI.

HORACE, CURIACE, SABINE, CAMILLE.

D

CURIACE.

Dieux! Sabine le suit! Pour ébranler mon cœur,
Est-ce peu de Camille? y joignez-vous ma sœur?
Et, laissant à ses pleurs vaincre ce grand courage,
L'amenez-vous ici chercher même avantage?

SABINE.

Non, non, mon frere, non; je ne viens en ce lieu
Que pour vous embrasser et pour vous dire adieu.
Votre sang est trop bon; n'en craignez rien de lâche,
Rien dont la fermeté de ces grands cœurs se fâche:
Si ce malheur illustre ébranloit l'un de vous,
Je le désavouerois pour frere ou pour époux.
Pourrai-je toutefois vous faire une priere
Digne d'un tel époux, et digne d'un tel frere?
Je veux d'un coup si noble ôter l'impiété,
À l'honneur qui l'attend rendre sa pureté,
La mettre en son éclat sans mélange de crimes;
Enfin je vous veux faire ennemis légitimes.

Du saint nœud qui vous joint je suis le seul lien ;
Quand je ne serai plus, vous ne vous serez rien.

Brisez votre alliance, et rompez-en la chaîne;

Et, puisque votre honneur veut des effets de haine, Achetez par ma mort le droit de vous hair.

Albe le veut, et Rome; il faut leur obéir:

l'autre me venge;

Qu'un de vous deux me tue, et que
Alors votre combat n'aura plus rien d'étrange,
Et du moins l'un des deux sera juste agresseur,
Ou pour venger sa femme, ou pour venger sa sœur.
Mais quoi! vous souilleriez une gloire si belle,
Si vous vous animiez par quelque autre querelle:
Le zele du pays vous défend de tels soins,

Vous feriez peu pour
lui si vous vous étiez moins;
Il lui faut, et sans haine, immoler un beau-frere.
Ne différez donc plus ce que vous devez faire;
Commencez par sa sœur à répandre son sang;
Commencez par sa femme à lui percer le flanc;
Commencez par Sabine à faire de vos vies

Un digne sacrifice à vos cheres patries :

Vous êtes ennemis en ce combat fameux,

Vous d'Albe, vous de Rome, et moi de toutes deux.
Quoi! me réservez-vous à voir une victoire
Où, pour haut appareil d'une pompeuse gloire,
Je verrai les lauriers d'un frere ou d'un mari
Fumer encor d'un sang que j'aurai tant chéri?
Pourrai-je entre vous deux régler alors mon ame,
Satisfaire aux devoirs et de sœur et de femme,
Embrasser le vainqueur en pleurant le vaincu ?
Non, non: avant ce coup Sabine aura vécu;

Ma mort le préviendra, de qui que je l'obtienne;
Le refus de vos mains y condamne la mienne.
Sus done! qui vous retient? Allez, cœurs inhumains,
J'aurai trop de moyens pour y forcer vos mains;
Vous ne les aurez point au combat occupées,
Que ce corps au milieu n'arrête vos épées;
Et, malgré vos refus, il faudra que leurs coups
Se fassent jour ici pour aller jusqu'à vous.

HORACE.

O ma femme!

CURIACE.

O ma sœur!

CAMILLE.

Courage! ils s'amollissent.

SABINE.

Vous poussez des soupirs, vos visages pâlissent! Quelle peur vous saisit? sont-ce là ces grands cœurs, Ces héros qu'Albe et Rome ont pris pour défenseurs?

HORACE.

Que t'ai-je fait, Sabine? et quelle est mon offense
Qui t'oblige à chercher une telle vengeance?
Que t'a fait mon honneur? et par quel droit viens-tu
Avec toute ta force attaquer ma vertu?
Du moins contente-toi de l'avoir étonnée,
Et me laisse achever cette grande journée.
Tu me viens de réduire en un étrange point;
Aime assez ton mari pour n'en triompher point:
Va-t'en, et ne rends plus la victoire douteuse;

La dispute déja m'en est assez honteuse;

Souffre qu'avec honneur je termine mes jours.

SABINE.

Va, cesse de me craindre, on vient à ton secours.

SCENE VII.

LE VIEIL HORACE, HORACE, CURIACE, SABINE, CAMILLE.

LE VIEIL HORACE.

Qu'est-ce ci, mes enfants? écoutez-vous vos flammes ?
Et perdez-vous encor le temps avec des femmes ?
Prêts à verser du sang, regardez-vous des pleurs?
Fuyez, et laissez-les déplorer leurs malheurs.

Leurs plaintes ont pour vous trop d'art et de tendresse;
Elles vous feroient part enfin de leur foiblesse :
Et ce n'est qu'en fuyant qu'on pare de tels coups.

SABINE.

N'appréhendez rien d'eux, ils sont dignes de vous:
Malgré tous nos efforts, vous en devez attendre
Ce que vous souhaitez et d'un fils et d'un gendre;
Et, si notre foiblesse avoit pu les changer,
Nous vous laissons ici pour les encourager,

Allons, ma sœur, allons, ne perdons plus de larmes;
Contre tant de vertus ce sont de foibles armes ;
Ce n'est qu'au désespoir qu'il nous faut recourir:
Tigres, allez combattre, et nous, allons mourir.

SCENE VIII.

LE VIEIL HORACE, HORACE, CURIACE.

HORACE.

Mon pere, retenez des femmes qui s'emportent,
Et, de grace, empêchez sur-tout qu'elles ne sortent;
Leur amour importun viendroit avec éclat
Par des cris et des pleurs troubler notre combat;
Et ce qu'elles nous sont feroit qu'avec justice
On nous imputeroit ce mauvais artifice.

L'honneur d'un si beau choix seroit trop acheté
Si l'on nous soupçonnoit de quelque lâcheté.

LE VIEIL HORACE.

J'en aurai soin. Allez, vos freres vous attendent; Ne pensez qu'aux devoirs que vos pays demandent.

CURIACE.

Quel adieu vous dirai-je? et par quels compliments...

LE VIEIL HORACE.

Ah! n'attendrissez point ici més sentiments.

Pour vous encourager, ma voix manque de termes, Mon cœur ne forme point de pensers assez fermes; Moi-même en cet adieu j'ai les larmes aux yeux. Faites votre devoir, et laissez faire aux dieux.

FIN DU SECOND ACTE.

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