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SABINE.

Les dieux n'avoueront point un combat plein de crimes.
J'en espere beaucoup, puisqu'il est différé;
Et je commence à voir ce que j'ai desiré.

SCENE III.

SABINE, CAMILLE, JULIE.

SABINE.

Ma sœur, que je vous dise une bonne nouvelle.

CAMILLE.

Je pense la savoir, s'il faut la nommer telle;
On l'a dite à mon pere, et j'étois avec lui:

Mais je n'en conçois rien qui flatte mon ennui.

Ce délai de nos maux rendra leurs coups plus rudes;
Ce n'est qu'un plus long terme à nos inquiétudes;
Et tout l'allégement qu'il en faut espérer,

C'est de pleurer plus tard ceux qu'il faudra pleurer.

SABINE.

Les dieux n'ont pas en vain inspiré ce tumulte.

CAMILLE.

Disons plutôt, ma sœur, qu'en vain on les consulte.
Ces mêmes dieux à Tulle ont inspiré ce choix,
Et la voix du public n'est pas toujours leur voix.
Ils descendent bien moins dans de si bas étages,
Que dans l'ame des rois, leurs vivantes images,
De qui l'indépendante et sainte autorité

Est un rayon secret de leur divinité.

JULIE.

C'est vouloir sans raison vous former des obstacles

Que de chercher leur voix ailleurs qu'en leurs oracles;
Et vous ne vous pouvez figurer tout perdu,
Sans démentir celui qui vous fut hier rendu.

CAMILLE.

Un oracle jamais ne se laisse comprendre;

On l'entend d'autant moins que plus on croit l'entendre; Et, loin de s'assurer sur un pareil arrêt,

Qui n'y voit rien d'obscur doit croire que tout l'est.

SABINE.

Sur ce qu'il fait pour nous prenons plus d'assurance,
Et souffrons les douceurs d'une juste espérance.
Quand la faveur du ciel ouvre à demi ses bras,
Qui ne s'en promet rien ne la mérite pas:
Il empêche souvent qu'elle ne se déploie;
Et, lorsqu'elle descend, son refus la renvoie.

CAMILLE.

Le ciel agit sans nous en ces événements,
Et ne les regle point dessus nos sentiments.

JULIE.

Il ne vous a fait peur que pour Vous faire grace.
Adieu: je vais savoir comme enfin tout se passe.
Modérez vos frayeurs; j'espere, à mon retour,
Ne vous entretenir que de propos d'amour,
Et que nous n'emploierons la fin de la journée
Qu'aux doux préparatifs d'un heureux hyménée.

J'ose encor l'espérer.

SABINE.

CAMILLE.

Moi, je n'espere rien.

JULIE.

L'effet vous fera voir que nous en jugeons bien.

SCENE IV.

SABINE, CAMILLE.

SABINE.

Parmi nos déplaisirs, souffrez que je vous blâme;
Je ne puis approuver tant de trouble en votre ame.
Que feriez-vous, ma sœur, au point où je me vois,
Si vous aviez à craindre autant que je le dois,
Et si vous attendiez de leurs armes fatales

Des maux pareils aux miens, et des pertes égales?

CAMILLE.

Parlez plus sainement de vos maux et des miens.
Chacun voit ceux d'autrui d'un autre œil que les siens :
Mais, à bien regarder ceux où le ciel me plonge,
Les vôtres auprès d'eux vous sembleront un songe.
La seule mort d'Horace est à craindre
pour vous;
Des freres ne sont rien à l'égal d'un époux :
L'hymen qui nous attache en une autre famille
Nous détache de celle où l'on a vécu fille;

On voit d'un œil divers des noeuds si différents,

Et pour suivre un mari l'on quitte ses parents.

Mais si près d'un hymen l'amant que donne un pere
Nous est moins qu'un époux, et non pas moins qu'un frere;
Nos sentiments entre eux demeurent suspendus,

Notre choix impossible, et nos vœux confondus.

Ainsi, ma sœur, du moins vous avez dans vos plaintes
Où porter vos souhaits et terminer vos craintes;
Mais, si le ciel s'obstine à nous persécuter,

Pour moi j'ai tout à craindre, et rien à souhaiter.

SABINE.

Quand il faut que l'un meure, et par les mains de l'autre,
C'est un raisonnement bien mauvais que le vôtre.
Quoique ce soient, ma sœur, des noeuds bien différents,
C'est sans les oublier qu'on quitte ses parents:
L'hymen n'efface point ces profonds caracteres;
Pour aimer un mari, l'on ne hait pas ses freres;
La nature en tout temps garde ses premiers droits;
Aux dépens de leur vie on ne fait point de choix;
Aussi bien qu'un époux ils sont d'autres nous-mêmes,
Et tous maux sont pareils alors qu'ils sont extrêmes.
Mais l'amant qui vous charme, et pour qui vous brûlez,
Ne vous est, après tout, que ce que vous voulez :
Une mauvaise humeur, un peu de jalousie,

En fait assez souvent passer la fantaisie.
Ce que peut le caprice, osez-le par raison,
Et laissez votre sang hors de comparaison.
C'est crime qu'opposer des liens volontaires
À ceux que la naissance a rendus nécessaires.

Si donc le ciel s'obstine à nous persécuter,

Seule j'ai tout à craindre, et rien à souhaiter:

Mais, pour vous, le devoir vous donne dans vos plaintes Où porter vos souhaits et terminer vos craintes.

CAMILLE.

Je le vois bien, ma sœur, vous n'aimâtes jamais;
Vous ne connoissez point ni l'amour ni ses traits:
On peut lui résister quand il commence à naître,
Mais non pas le bannir quand il s'est rendu maître,
Et que l'aveu d'un pere, engageant notre foi,
A fait de ce tyran un légitime roi.

Il entre avec douceur, mais il regne par force;
Et, quand l'ame une fois a goûté son amorce,
Vouloir ne plus aimer, c'est ce qu'elle ne peut,
Puisqu'elle ne peut plus vouloir que ce qu'il veut;
Ses chaînes sont pour nous aussi fortes que

SCENE V.

belles.

LE VIEIL HORACE, SABINE, CAMILLE.

LE VIEIL HORACE.

Je viens vous apporter de fâcheuses nouvelles,
Mes filles; mais en vain je voudrois vous celer

Ce qu'on ne vous sauroit long-temps dissimuler:
Vos freres sont aux mains, les dieux ainsi l'ordonnent.

SABINE.

Je veux bien l'avouer, ces nouvelles m'étonnent;

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