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Son courage sans force est un débile appui;
Voulant venger son frere, il tombe auprès de lui.
L'air résonne des cris qu'au ciel chacun envoie;
Albe en jette d'angoisse, et les Romains de joie.
Comme notre héros se voit près d'achever,
C'est peu pour lui de vaincre, il veut encor braver:
« J'en viens d'immoler deux aux mânes de mes freres,
Rome aura le dernier de mes trois adversaires;
C'est à ses intérêts que je vais l'immoler »

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Dit-il; et tout d'un temps on le voit y voler.
La victoire entre eux deux n'étoit pas incertaine;
L'Albain, percé de coups, ne se traînoit qu'à peine;
Et, comme une victime aux marches de l'autel,
Il sembloit présenter sa gorge au coup mortel:!!
Aussi le reçoit-il, peu s'en faut, sans défense;
Et son trépas de Rome établit la puissance.
LE VIEIL HORACE.

O mon fils! ô ma joie! ô l'honneur de nos jours!
'O d'un état penchant l'inespéré secours!

Vertu digne de Rome, et sang digne d'Horace!
Appui de ton pays, et gloire de ta race!
Quand pourrai-je étouffer dans tes embrassements
L'erreur dont j'ai formé de si faux sentiments?
Quand pourra mon amour baignér avec tendresse
Ton front victorieux de larmes d'alégresse?

VALERE.

Vos caresses bientôt pourront se déployer:
Le roi dans un moment vous le va renvoyer,

SCENE IV.

CAMILLE.

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Oui, je lui ferai voir par d'infaillibles marques
Qu'un véritable amour brave la main des Parques,
Et ne prend point de lois de ces cruels tyrans
Qu'un astre injurieux nous donne pour parents.
Tu blâmes ma douleur! tu l'oses nommer lâche!
Je l'aime d'autant plus que plus elle te fâche,
Impitoyable pere! et, par un juste effort,
Je la veux rendre égale aux rigueurs de mon sort.
En vit-on jamais un dont les rudes traverses
Prissent en moins de rien tant de faces diverses;
Qui fût doux tant de fois, et tant de fois cruel,
Et portât tant de coups avant le coup mortel?
Vit-on jamais une ame en un jour plus atteinte
De joie et de douleur, d'espérance et de crainte;
Asservie en esclave à plus d'événements,
Et le piteux jouet de plus de changements?
Un oracle m'assure; un songe me travaille:
La paix calme l'effroi que me fait la bataille:
Mon hymen se prépare; et, presque en un moment,
Pour combattre mon frere on choisit mon amant:
Ce choix me désespere, et tous le désavouent;
La partie est rompue; et les dieux la renouent!
Rome semble vaincue, et seul des trois Albains

Curiace en mon sang n'a point trempé ses mains;
O dieux! sentois-je alors des douleurs trop légeres
Pour le malheur de Rome et la mort de deux freres?
Et me flattois-je trop, quand je croyois pouvoir
L'aimer encor sans crime et nourrir quelque espoir?
Sa mort m'en punit bien, et la façon cruelle
Dont mon ame éperdue en reçoit la nouvelle;
Son rival me l'apprend, et, faisant à mes yeux
D'un si triste succès le récit odieux,

Il porte sur le front une alégresse ouverte
Que le bonheur public fait bien moins que ma perte,
Et, bâtissant en l'air sur le malheur d'autrui,
Aussi bien que mon frere il triomphe de lui.
Mais ce n'est rien encore au prix de ce qui reste:
On demande ma joie en un jour si funeste!
Il me faut applaudir aux exploits du vainqueur,
Et baiser une main qui me perce le cœur !
En un sujet de pleurs si grand, si légitime,
Se plaindre est une honte; et soupirer, un crime:
Leur brutale vertu veut qu'on s'estime heureux;
Et si l'on n'est barbare on n'est point généreux!
Dégénérons, mon cœur, d'un si vertueux père ;
Soyons indigne sœur d'un si généreux frere;
C'est gloire de passer pour un cœur abattu
Quand la brutalité fait la haute vertu.

Éclatez, mes douleurs; à quoi bon vous contraindre?
Quand on a tout perdu, que sauroit-on plus craindre?
Pour ce cruel vainqueur n'ayez point de respect;

Loin d'éviter ses yeux, croissez à son aspect,
Offensez sa victoire, irritez sa colere,

Et prenez, s'il se peut, plaisir à lui déplaire.
Il vient: préparons-nous à montrer constamment
doit une amante à la mort d'un amant.

Ce que

SCENE V.

HORACE, CAMILLE; PROCULE, portant en sa main les trois épées des Curiaces.

HORACE.

Ma sœur, voici le bras qui venge nos deux freres;
Le bras qui rompt le cours de nos destins contraires,
Qui nous rend maîtres d'Albe; enfin voici le bras

Qui seul fait aujourd'hui le sort de deux états.
Vois ces marques d'honneur, ces témoins de ma gloire;
Et rends ce que tu dois à l'heur de ma victoire.

CAMILLE.›

Recevez donc mes pleurs; c'est ce que je lui dois.

HORACE.

Rome n'en veut point voir après de tels exploits;
Et nos deux freres morts dans le malheur des armes
Sont trop payés de sang pour exiger des larmes.
Quand la perte est vengée, on n'a plus rien perdu.

CAMILLE.

Puisqu'ils sont satisfaits par le sang épandu,
Je cesserai pour eux de paroître affligée,

Et j'oublierai leur mort que vous avez vengée.
Mais qui me vengera de celle d'un amant,
Pour me faire oublier sa perte en un moment?

HORACE.

Que dis-tu, malheureuse?

CAMILLE.

O mon cher Curiace!

HORACE.

O d'une indigne sœur insupportable audace!
D'un ennemi public, dont je reviens vainqueur,
Le nom est dans ta bouche, et l'amour dans ton cœur!
Ton ardeur criminelle à la vengeance aspire!

Ta bouche la demande, et ton cœur la respire!
Suis moins ta passion, regle mieux tes desirs;
Ne me fais plus rougir d'entendre tes soupirs.
Tes flammes désormais doivent être étouffées;
Bannis-les de ton ame, et songe à mes trophées;
Qu'ils soient dorénavant ton unique entretien..

CAMILLE.

Donne-moi donc, barbare, un cœur comme le tien;
Et, si tu veux enfin que je t'ouvré mon ame,
Rends-moi mon Curiace, ou laisse agir ma flamme.
Ma joie et mes douleurs dépendoient de son sort;
Je l'adorois vivant, et je le pleure mort.
Ne cherche plus ta sœur où tu l'avois laissée;
Tu ne revois en moi qu'une amante offensée,
Qui, comme une furie attachée à tes pas,
Te veut incessamment reprocher son trépas.

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