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Deux sceptres en ma main, Albe à Rome asservie,
Parlent bien hautement en faveur de sa vie :
Sans lui j'obéirois où je donne la loi,

Et je serois sujet où je suis deux fois roi.

Assez de bons sujets dans toutes les provinces

Par des voeux impuissants s'acquittent vers leurs princes;
Tous les peuvent aimer: mais tous ne peuvent pas
Par d'illustres effets assurer leurs états;

Et l'art et le pouvoir d'affermir des couronnes
Sont des dons que le ciel fait à peu de personnes.
De pareils serviteurs sont les forces des rois,
Et de pareils aussi sont au-dessus des lois.
Qu'elles se taisent donc; que Rome dissimule
Ce
que dès sa naissance elle vit en Romule:
Elle peut bien souffrir en son libérateur

Ce qu'elle a bien souffert en son premier auteur.
Vis donc, Horace, vis, guerrier trop magnanime;
Ta vertu met ta gloire au-dessus de ton crime:
Sa chaleur généreuse a produit ton forfait;
D'une cause si belle il faut souffrir l'effet.

Vis pour servir l'état; vis, mais aime Valere:

Qu'il ne reste entre vous ni haine ni colere;
Et, soit qu'il ait suivi l'amour ou le devoir,
Sans aucun sentiment résous-toi de le voir.
Sabine, écoutez moins la douleur qui vous presse;
Chassez de ce grand cœur ces marques de foiblesse :
C'est en séchant vos pleurs que vous vous montrerez
La véritable sœur de ceux que vous pleurez.

Mais nous devons aux dieux demain un sacrifice;
Et nous aurions le ciel à nos vœux mal propice
Si nos prêtres, avant que de sacrifier,
Ne trouvoient les moyens de le purifier.
Son pere en prendra soin: il lui sera facile
D'apaiser tout d'un temps les mânes de Camille.
Je la plains; et pour rendre à son sort rigoureux
Ce
que peut souhaiter son esprit amoureux,
Puisqu'en un même jour l'ardeur d'un même zele
Acheve le destin de son amant et d'elle,

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Je veux qu'un même jour, témoin de leurs deux morts, Dans un même tombeau voie enfermer leurs corps.

FIN D'HORACE.

SCENE IV.

JULIE.

Camille, ainsi le ciel t'avoit bien avertie
Des tragiques succès qu'il t'avoit préparés;-
Mais toujours du secret il cache une partie
Aux esprits les plus nets et les plus éclairés.

Il sembloit nous parler de ton proche hyménée,
Il sembloit tout promettre à tes vœux innocents;
Et, nous cachant ainsi ta mort inopinée,

Sa voix n'est que trop vraie en trompant notre sens.

« Albe et Rome aujourd'hui prennent une autre face. Tes vœux sont exaucés; elles goûtent la paix; Et tu vas être unie avec ton Curiace,

Sans qu'aucun mauvais sort t'en sépare jamais.

"

EXAMEN D'HORACE.

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C'EST une croyance assez générale que cette piece pourroit passer pour la plus belle des miennes, si les derniers actes répondoient aux premiers. Tous veulent que la mort de Camille en gâte la fin, et j'en demeure d'accord; mais je ne sais si tous en savent la raison. On l'attribue communément à ce qu'on voit cette mort sur la scene; ce qui seroit plutôt la faute de l'actrice que la mienne, parceque, quand elle voit son frere mettre l'épée à la main, la frayeur si naturelle au sexe lui doit faire prendre la fuite, et recevoir le coup derriere le théâtre, comme je le marque dans cette impression. D'ailleurs, si c'est une regle de ne le point ensanglanter, elle n'est pas du temps d'Aristote, qui nous apprend que, pour émouvoir puissamment, il faut de grands déplaisirs, des blessures, et des morts en spectacle. Horace ne veut pas que nous y hasardions les événements trop dénaturés, comme de Médée qui tue ses enfants; mais je ne vois pas qu'il en fasse une règle générale pour toutes sortes de morts, ni que l'emportement d'un homme passionné pour sa patrie, contre une sœur qui la maudit en sa présence avec des imprécations horribles, soit de même nature que la cruauté de cette mere. Séneque l'expose aux yeux du peuple en dépit d'Ho

race; et chez Sophocle, Ajax ne se cache point aux spectateurs lorsqu'il se tue. L'adoucissement que j'apporte dans le second de mes discours, pour rectifier la mort de Clytemnestre, ne peut être propre ici à celle de Camille. Quand elle s'enferreroit d'ellemême par désespoir en voyant son frere l'épée à la main, ce frere ne laisseroit pas d'être criminel de l'avoir tirée contre elle, puisqu'il n'y a point de troisieme personne sur le théâtre à qui il pût adresser le coup qu'elle recevroit, comme peut faire Oreste à Égiste. D'ailleurs, l'histoire est trop connue pour retrancher le péril qu'il court d'une mort infame après l'avoir tuée; et la défense que lui prête son pere pour obtenir sa grace n'auroit plus de lieu s'il demeuroit innocent. Quoi qu'il en soit, voyons si cette action n'a pu causer la chute de ce poëme que par là, et s'il n'a point d'autre irrégularité que de blesser les yeux.

Comme je n'ai point accoutumé de dissimuler mes défauts, j'en trouve ici deux ou trois assez considérables. Le premier est que cette action, qui devient la principale de la piece, est momentanée, et n'a point cette juste grandeur que lui demande Aristote, et qui consiste en un commencement, un milieu, et une fin. Elle surprend tout d'un coup; et toute la préparation que j'y ai donnée par la peinture de la vertu farouche d'Horace, et par la défense qu'il fait à sa sœur de regretter qui que ce soit de lui ou de

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