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piece1 de M. Corneille que je ferois passer encore avant la plus belle des deux.

On apprendra dans les examens de M. Corneille, mieux que l'on ne feroit ici, l'histoire de Théodore, d'Héraclius, de Don Sanche d'Aragon, d'Andromede, de Nicomede, et de Pertharite. On y verra pourquoi Théodore et Don Sanche réussirent fort peu, et pourquoi Pertharite tomba absolument. On ne put souffrir, dans Théodore, la seule idée du péril de la prostitution; et, si le public étoit devenu si délicat, à qui M. Corneille devoit-il s'en prendre qu'à lui-même? Avant lui, le viol réussissoit dans les pieces de Hardy. Il manqua à Don Sanche un suffrage illustre 2, qui lui fit manquer tous ceux de la cour: exemple assez commun de la soumission des François à de certaines autorités. Enfin, un mari qui veut racheter sa femme en cédant un royaume fut encore sans comparaison plus insupportable dans Pertharite que la prostitution ne l'avoit été dans Théodore. Le bon mari n'osa se mon

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2 Celui de Louis de Bourbon, prince de Condé.

trer au public que deux fois. Cette chute du grand Corneille peut être mise parmi les exemples les plus remarquables des vicissitudes du monde; et Bélisaire demandant l'aumône n'est pas plus étonnant.

Il se dégoûta du théâtre, et déclara qu'il y renonçoit, dans une petite préface assez chagrine qu'il mit au-devant de Pertharite. Il dit pour raison qu'il commence à vieillir; et cette raison n'est que trop bonne, sur-tout quand il s'agit de poésie et des autres talents de l'imagination. L'espece d'esprit qui dépend de l'imagination, et c'est ce qu'on appelle communément esprit dans le monde, ressemble à la beauté, et ne subsiste qu'avec la jeunesse. Il est vrai que la vieillesse vient plus tard pour l'esprit ; mais elle vient. Les plus dangereuses qualités qu'elle lui apporte sont la sécheresse et la dureté; y a des esprits qui en sont naturellement plus susceptibles que d'autres, et qui donnent plus de prise aux ravages du temps: ce sont ceux qui avoient de la noblesse, de la grandeur, quelque chose de fier et d'austere. Cette sorte de caractere contracte aisément par les années je ne sais quoi de sec et de dur. .

il

.

et

C'est à peu près ce qui arriva à M. Corneille. ~

Il ne perdit pas en vieillissant l'inimitable noblesse de son génie, mais il s'y mêla quelquefois un peu de dureté. Il avoit poussé les grands sentiments aussi loin que la nature pouvoit souffrir qu'ils allassent; il commença de temps en temps à les pousser un peu plus loin. Ainsi, dans Pertharite, une reine consent à épouser un tyran qu'elle déteste, pourvu qu'il égorge un fils unique qu'elle a, et que, par cette action, il se rende 'aussi odieux qu'elle souhaite qu'il le soit. Il est aisé de voir que ce sentiment, au lieu d'être noble, n'est que dur; et il ne faut pas trouver mauvais que le public ne l'ait pas goûté.

Après Pertharite, M. Corneille, rebuté du théâtre, entreprit la traduction en vers de l'Imitation de Jésus-Christ. Il y fut porté par des peres jésuites de ses amis, par des sentiments de piété qu'il eut toute sa vie, et peut-être aussi par l'activité de son génie, qui ne pouvoit demeurer oisif. Cet ouvrage eut un succès prodigieux, et le dédommagea en toutes manieres d'avoir quitté le théâtre. Cependant, si j'ose en parler avec une liberté que je ne devrois peutêtre pas me permettre, je ne trouve point dans la traduction de M. Corneille le plus grand

charme de l'Imitation de Jésus-Christ, je veux dire sa simplicité et sa naïveté. Elle se perd dans la pompe des vers, qui étoit naturelle à M. Corneille; et je crois même qu'absolument la forme des vers lui est contraire. Ce livre, le plus beau qui soit parti de la main d'un homme, puisque l'Évangile n'en vient pas, n'iroit pas droit au cœur comme il fait, et ne s'en saisiroit pas avec tant de force, s'il n'avoit un air naturel et tendre, à quoi la négligence même du style aide beaucoup.

Il se passa six ans pendant lesquels il ne parut de M. Corneille que l'Imitation en vers. Mais enfin, sollicité par M. Fouquet, qui négocia en surintendant des finances, et peut-être encore plus poussé par son penchant naturel, il se rengagea au théâtre. M. le surintendant, pour lui faciliter ce retour et lui ôter toutes les excuses que lui auroit pu fournir la difficulté de trouver des sujets, lui en proposa trois. Celui qu'il prit fut OEdipe; M. Corneille son frere prit Camma, qui étoit le second. Je ne sais quel fut le troisieme.

La réconciliation de M. Corneille et du théâtre fut heureuse; OEdipe réussit fort bien.

La Toison d'or fut faite ensuite à l'occasion

du mariage du roi; et c'est la plus belle piece à machines que nous ayons. Les machines, qui sont ordinairement étrangeres à la piece, deviennent par l'art du poëte nécessaires à cellelà; et sur-tout le prologue doit servir de modele aux prologues à la moderne, qui sont faits pour exposer, non pas le sujet de la piece, mais l'occasion pour laquelle elle a été faite.

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Ensuite parurent Sertorius et Sophonisbe. Dans la premiere de ces deux pieces, la grandeur romaine éclate avec toute sa pompe; et l'idée qu'on pourroit se former de la conversation de deux grands hommes qui ont de grands intérêts à démêler est encore surpassée par la scene de Pompée et de Sertorius. Il semble que M. Corneille ait eu des mémoires particuliers sur les Romains. Sophonisbe avoit déja été traitée par Mairet avec beaucoup de succès, et M. Corneille avoue qu'il se trouvoit bien hardi d'oser la traiter de nouveau. Si Mairet avoit joui de cet aveu, il en auroit été fort glorieux, même étant vaincu.

Il faut croire qu'Agésilas est de M. Corneille, puisque son nom y est, et qu'il y a une scene d'Agésilas et de Lysander qui ne pourroit pas facilement être d'un autre.

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