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Que pour les surmonter il faudroit des miracles.
J'espere toutefois qu'à force d'y rêver...

MAXIME.

Éloigne-toi; dans peu j'irai te retrouver :
Cinna vient, et je veux en tirer quelque chose,
Pour mieux résoudre après ce que je me propose.

SCENE II.

CINNA, MAXIME.

MAXIME.

Vous me semblez pensif.

CINNA.

Ce n'est pas sans sujet.

MAXIME.

Puis-je d'un tel chagrin savoir quel est l'objet?

CINNA

Émilie et César. L'un et l'autre me gêne;

L'un me semble trop bon, l'autre trop inhumaine.
Plût aux dieux que César employât mieux ses soins,
Et s'en fît plus aimer, ou m'aimât un peu moins!
Que sa bonté touchât la beauté qui me charme,
Et la pût adoucir comme elle me désarme!
Je sens au fond du cœur mille remords cuisants,
Qui rendent à mes yeux tous ses bienfaits présents.
Cette faveur si pleine, et si mal reconnue,

Par un mortel reproche à tous moments me tue:

Mon chagrin t'importune, et le trouble où je suis Veut de la solitude à calmer tant d'ennuis.

MAXIME.

Vous voulez rendre compte à l'objet qui vous blesse
De la bonté d'Octave et de votre foiblesse :
L'entretien des amants veut un entier secret;
Adieu je me retire en confident discret.

SCENE III.

CINNA.

Donne un plus digne nom au glorieux empire
Du noble sentiment que la vertu m'inspire,

Et

que

l'honneur oppose au coup précipité De mon ingratitude et de ma lâcheté :

Mais plutôt continue à le nommer foiblesse, Puisqu'il devient si foible auprès d'une maîtresse; Qu'il respecte un amour qu'il devroit étouffer, que, s'il le combat, il n'ose en triompher. En ces extrémités quel conseil dois-je prendre? De quel côté pencher? à quel parti me rendre?

Ои

Qu'une ame généreuse a de peine à faillir! Quelque fruit que par là j'espere de cueillir, Les douceurs de l'amour, celles de la vengeance, La gloire d'affranchir le lieu de ma naissance, N'ont point assez d'appas pour flatter ma raison, S'il les faut acquérir par une trahison;

S'il faut percer le flanc d'un prince magnanime
Qui du peu que je suis fait une telle estime,

Qui me comble d'honneurs, qui m'accable de biens,
Qui ne prend pour régner de conseils que les miens.
O coup, ô trahison trop indigne d'un homme!
Dure, dure à jamais l'esclavage de Rome,
Périsse mon amour, périsse mon espoir,
Plutôt que de ma main parte un crime si noir!
Quoi! ne m'offre-t-il pas tout ce que je souhaite,
Et qu'au prix de son sang ma passion achete?
Pour jouir de ses dons faut-il l'assassiner?
Et faut-il lui ravir ce qu'il me veut donner?

Mais je dépends de vous, ô serment téméraire! O haine d'Émilie! ô souvenir d'un pere!

Ma foi, mon cœur, mon bras, tout vous est engagé,
"Et je ne puis plus rien que par votre congé :
C'est à vous à régler ce qu'il faut que je fasse;
C'est à vous, Émilie, à lui donner sa grace:
Vos seules volontés président à son sort,

Et tiennent en mes mains et sa vie et sa mort.
O dieux, qui comme vous la rendez adorable,
Rendez-la, comme vous, à mes vœux exorable;
Et, puisque de ses lois je ne puis m'affranchir,
Faites qu'à mes desirs je la puisse fléchir!
Mais voici de retour cette aimable inhumaine.

SCENE IV.

ÉMILIE, CINNA, FULVIE.

ÉMILIE.

Graces aux dieux, Cinna, ma frayeur étoit vaine;
Aucun de tes amis ne t'a manqué de foi,
Et je n'ai point eu lieu de m'employer pour toi.
Octave, en ma présence, a tout dit à Livie,
Et par cette nouvelle il m'a rendu la vie.

CINNA.

Le désavouerez-vous? et du don qu'il me fait
Voudrez-vous retarder le bienheureux effet?

L'effet est en ta main.

ÉMILIE.

CINNA.

Mais plutôt en la vôtre.
ÉMILIE.

Je suis toujours moi-même, et mon cœur n'est point autre:
Me donner à Cinna, c'est ne lui donner rien;
C'est seulement lui faire un présent de son bien.

CINNA.

Vous pouvez toutefois... O ciel! l'osé-je dire?

Que puis-je? et que

ÉMILIE.

crains-tu?

CINNA.

Je tremble, je soupire,

Et vois que, si nos cœurs avoient mêmes desirs,
Je n'aurois pas besoin d'expliquer mes soupirs ;
Ainsi je suis trop sûr que je vais vous déplaire :
Mais je n'ose parler, et je ne puis me taire.

ÉMILIE.

C'est trop me gêner; parle.

CINNA.

Il faut vous obéir:

Je vais donc vous déplaire, et vous m'allez haïr.
Je vous aime, Émilie; et le ciel me foudroie

Si cette passion ne fait toute ma joie,

Et si je ne vous aime avec toute l'ardeur

Que peut un digne objet attendre d'un grand cœur! Mais voyez à quel prix vous me donnez votre ame; En me rendant heureux vous me rendez infame: Cette bonté d'Auguste...

ÉMILIE.

Il suffit, je t'entends;

Je vois ton repentir et tes vœux inconstants.
Les faveurs du tyran emportent tes promesses;
Tes feux et tes serments cedent à ses caresses;
Et ton esprit crédule ose s'imaginer
Qu'Auguste pouvant tout peut aussi me donner;
Tu me veux de sa main plutôt que de la mienne:
Mais ne crois pas qu'ainsi jamais je t'appartienne.
peut faire trembler la terre sous ses pas,

II

Mettre un roi hors du trône et donner ses états,

De ses proscriptions rougir la terre et l'onde,

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