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Que t'a-t-il répondu sur la secrete brigue

Que font auprès de toi don Sanche et don Rodrigue?
N'as-tu point trop fait voir quelle inégalité

Entre ces deux amants me penche d'un côté?

ELVIRE.

Non: j'ai peint votre cœur dans une indifférence
Qui n'enfle d'aucun d'eux ni n'abat l'espérance,
Et, sans les voir d'un œil trop sévère ou trop doux,
Attend l'ordre d'un pere à choisir un époux.

Ce respect l'a ravi; sa bouche et son visage
M'en ont donné sur l'heure un digne témoignage;
Et, puisqu'il faut encor vous en faire un récit,
Voici d'eux et de vous ce qu'en hâte il m'a dit :

«< Elle est dans le devoir; tous deux sont dignes d'elle, Tous deux formés d'un sang noble, vaillant, fidele, Jeunes, mais qui font lire aisément dans leurs yeux L'éclatante vertu de leurs braves aïeux.

Don Rodrigue, sur-tout, n'a trait en son visage
Qui d'un homme de cœur ne soit la haute image,
Et sort d'une maison si féconde en guerriers,
Qu'ils y prennent naissance au milieu des lauriers.
La valeur de son père en son temps sans pareille,
Tant qu'a duré sa force, a passé pour merveille;
Ses rides sur son front ont gravé ses exploits,
Et nous disent encor ce qu'il fut autrefois.'
Je me promets du fils ce que j'ai vu du père;
Et ma fille, en un mot, peut l'aimer et me plaire.
Il alloit au conseil, dont l'heure qui pressoit

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A tranché ce discours qu'à peine il commençoit ;
Mais à ce peu de mots je crois que sa pensée
Entre vos deux amants n'est pas fort balancée.
Le roi doit à son fils élire un gouverneur;
Et c'est lui que regarde un tel degré d'honneur:
Ce choix n'est pas douteux; et sa rare vaillance
Ne peut souffrir qu'on craigne aucune concurrence.
Comme ses hauts exploits le rendent sans égal,
Dans un espoir si juste il sera sans rival;
Et, puisque don Rodrigue a résolu son père
Au sortir du conseil à proposer l'affaire,

Je vous laisse à juger s'il prendra bien son temps,
Et si tous vos désirs seront bientôt contents.

CHIMENE.

Il semble toutefois que

mon ame troublée

Refuse cette joie, et s'en trouve accablée.

Un moment donne au sort des visages divers;
Et dans ce grand bonheur je crains un grand revers.

ELVIRE.

Vous verrez cette crainte heureusement déçue.

CHIMENE.

Allons, quoi qu'il en soit, en attendre l'issue.

SCENE II.

L'INFANTE, LÉONOR, UN PAGE.

L'INFANTE.

Page, allez avertir Chimene de ma part

Qu'aujourd'hui pour me voir elle attend un peu tard, Et que mon amitié se plaint de sa paresse.

SCENE III.

L'INFANTE, LÉONOR.

LÉONOR.

Madame, chaque jour même désir vous presse;
Et dans son entretien je vous vois chaque jour
Demander en quel point se trouve son amour.

L'INFANTE.

Ce n'est pas sans sujet : je l'ai presque forcée
A recevoir les traits dont son ame est blessée.
Elle aime don Rodrigue, et le tient de ma main;
Et par moi don Rodrigue a vaincu son dédain:
Ainsi de ces amants ayant formé les chaînes,
Je dois prendre intérêt à voir finir leurs peines.
LÉONOR.

Madame, toutefois, parmi leurs bons succès,
Vous montrez un chagrin qui va jusqu'à l'excès.
Cet amour qui tous deux les comble d'alégresse
Fait-il de ce grand cœur la profonde tristesse?
Et ce grand intérêt que vous prenez pour eux
Vous rend-il malheureuse alors qu'ils sont heureux?
Mais je vais trop avant, et deviens indiscrete.

L'INFANTE.

Ma tristesse redouble à la tenir secrete.

Écoute, écoute enfin comme j'ai combattu;
Et, plaignant ma foiblesse, admire ma vertu.
L'amour est un tyran qui n'épargne personne:
Ce jeune chevalier, cet amant que je donne,

Je l'aime.

LÉONOR.

Vous l'aimez !

L'INFANTE.

Mets la main sur mon cœur,

Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur, Comme il le reconnoît.

LÉONOR.

Pardonnez-moi, madame,

Si je sors

Choisir

du respect pour blâmer cette flamme. pour votre amant un simple chevalier!

Une grande princesse à ce point s'oublier! que dira le roi? que dira la Castille?

Et

Vous souvenez-vous bien de qui vous êtes fille?

L'INFANTE.

Oui, oui, je m'en souviens; et j'épandrai mon sang
Avant que je m'abaisse à démentir mon rang.
Je te répondrois bien que dans les belles ames
Le seul mérite a droit de produire des flammes;
Et, si ma passion cherchoit à s'excuser,
Mille exemples fameux pourroient l'autoriser:
Mais je n'en veux point suivre où ma gloire s'engage.
Si j'ai beaucoup d'amour, j'ai bien plus de courage;
Un noble orgueil m'apprend qu'étant fille de roi

Tout autre qu'un monarque est indigne de moi..
Quand je vis que mon cœur ne se pouvoit défendre,
Moi-même je donnai ce que je n'osois prendre;

Je mis, au lieu de moi, Chimene en ces liens,
Et j'allumai leurs feux pour éteindre les miens.
Ne t'étonne donc plus si mon ame gênée
Avec impatience attend leur hyménée;
Tu vois que mon repos en dépend aujourd'hui.
Si l'amour vit d'espoir, il périt avec lui;
C'est un feu qui s'éteint faute de nourriture;
Et, malgré la rigueur de ma triste aventure,
Si Chimene a jamais Rodrigue pour mari,
Mon espérance est morte, et mon esprit guéri.

Je souffre cependant un tourment incroyable;
Jusques à cet hymen Rodrigue m'est aimable:
Je travaille à le perdre, et le perds à regret ;
Et de là prend son cours mon déplaisir secret.
Je suis au désespoir que l'amour me contraigne
À pousser des soupirs pour ce que je dédaigne;
Je sens en deux partis mon esprit divisé :
Si mon courage est haut, mon cœur est embrasé.
Cet hymen m'est fatal; je le crains, et souhaite;
Je n'ose en espérer qu'une joie imparfaite:

Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d'appas,
Que je meurs s'il s'acheve, ou ne s'acheve pas.

LÉONOR.

Madame, après cela je n'ai rien à vous dire,
Sinon que de vos maux avec vous je soupire:

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