Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie; Digne ennemi de mon plus grand bonheur, M'es-tu donné pour venger mon honneur? Il vaut mieux courir au trépas; Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon pere: J'attire, en me vengeant, sa haine et sa colere; J'attire ses mépris en ne me vengeant pas. mon plus doux espoir l'un me rend infidele, Et l'autre, indigne d'elle. Mon mal augmente à le vouloir guérir; Allons, mon ame, et, puisqu'il faut mourir, Mourir sans tirer ma raison ! Rechercher un trépas si mortel à ma gloire ! ce penser suborneur N'écoutons plus ce Qui ne sert qu'à ma peine: Allons, mon bras, sauvons du moins l'honneur, Puisqu'après tout il faut perdre Chimene. Oui, mon esprit s'étoit déçu; Je dois tout à mon pere avant qu'à ma maîtresse : reçu. Et, tout honteux d'avoir tant balancé, Puisque aujourd'hui mon pere est l'offensé, FIN DU PREMIER ACTE. ACTE SECOND. SCENE I. D. ARIAS, LE COMTE. LE COMTE. Je l'avoue entre nous, quand je lui fis l'affront, E J'eus le sang un peu chaud, et le bras un peu prompt. Qu'aux volontés du roi ce grand courage cede;. Aussi vous n'avez point de valable défense: LE COMTE. Le roi peut, à son gré, disposer de ma vie. D. ARIAS. De trop d'emportement votre faute est suivie. Le roi vous aime encore, apaisez son courroux; LE COMTE. Monsieur, pour conserver ma gloire et mon estime, Désobéir un peu n'est pas un si grand crime; Et, quelque grand qu'il fût, mes services présents Pour le faire abolir sont plus que suffisants. D. ARIAS. Quoi qu'on fasse d'illustre et de considérable, LE COMTE. Je ne vous en croirai qu'après l'expérience. D. ARIAS. Vous devez redouter la puissance d'un roi. LE COMTE. Un jour seul ne perd pas un homme tel que moi. Que toute sa grandeur s'arme pour mon supplice, Tout l'état périra, s'il faut que je périsse. D. ARIAS. Quoi! vous craignez si peu le pouvoir souverain... LE COMTE. D'un sceptre qui, sans moi, tomberoit de sa main. D. ARIAS. Souffrez que la raison remette vos esprits; LE COMTE. Le conseil en est pris. D. ARIAS. Que lui dirai-je enfin? je lui dois rendre compte. LE COMTE. Que je ne puis du tout consentir à ma honte. D. ARIAS. Mais songez que les rois veulent être absolus. LE COMTE. Le sort en est jeté, monsieur, n'en parlons plus. D. ARIAS. Adieu donc, puisqu'en vain je tâche à vous résoudre. Tout couvert de lauriers, craignez encor la foudre. Nous verrons donc par là don Diegue satisfait. Qui ne craint point la mort ne craint point les menaces: Et l'on peut me réduire à vivre sans bonheur, |