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L'INFANTE.

Tu ne dois pas pourtant le redouter beaucoup,
Il est trop amoureux pour te vouloir déplaire,
Et deux mots de ta bouche arrêtent sa colère.

Et,

CHIMENE.

S'il ne m'obéit point, quel comble à mon ennui ! s'il peut m'obéir, que dira-t-on de lui? Étant né ce qu'il est, souffrir un tel outrage! Soit qu'il cède ou résiste au feu qui me l'engage, Mon esprit ne peut qu'être ou honteux ou confus De son trop de respect, ou d'un juste refus.

L'INFANTE.

Chimene est généreuse, et, quoique intéressée,
Elle ne peut souffrir une lâche pensée :
Mais si, jusques au jour de l'accommodement,
Je fais mon prisonnier de ce parfait amant,
Et que j'empêche ainsi l'effet de son courage,
Ton esprit amoureux n'aura-t-il point d'ombrage?

CHIMENE.

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Ah, madame! en ce cas je n'ai plus de souci.

SCENE IV.

L'INFANTE, CHIMENE, LÉONOR, un page.

L'INFANTE.

Page, cherchez Rodrigue, et l'amenez icì.

LE PAGE.

Le comte de Gormas et lui...

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CHIMENE.

Bon Dieu! je tremble.

L'INFANTE.

Parlez.

LE PAGE.

De ce palais ils sont sortis ensemble.

CHIMENE.

Seuls?

LE PAGE.

Seuls, et qui sembloient tout bas se quereller.

CHIMENE.

Sans doute ils sont aux mains, il n'en faut plus parler.
Madame, pardonnez à cette promptitude.

SCENE V.

L'INFANTE, LÉONOR.

L'INFANTE.

Hélas! que dans l'esprit je sens d'inquiétude!
Je pleure ses malheurs; son amant me ravit;
Mon repos m'abandonne, et ma flamme revit.
Ce qui va séparer Rodrigue de Chimene

Fait renaître à la fois mon espoir et ma peine;
Et leur division, que je vois à regret,
Dans mon esprit charmé jette un plaisir secret.
LÉONOR.

Cette haute vertu qui regne dans votre ame

Se rend-elle sitôt à cette lâche flamme?

L'INFANTE.

Ne la nomme point lâche, à présent que chez moi
Pompeuse et triomphante elle me fait la loi;
Porte-lui du respect puisqu'elle m'est si chere;
Ma vertu la combat, mais malgré moi j'espère;
Et d'un si fol espoir mon cœur mal défendu
Vole après un amant que Chimene a perdu.
LÉONOR.

Vous laissez choir ainsi ce glorieux courage;
Et la raison chez vous perd ainsi son usage.
L'INFANTE.

Ah! qu'avec peu d'effet on entend la raison
Quand le cœur est atteint d'un si charmant poison!
Et lorsque le malade aime sa maladie,

Qu'il a peine à souffrir que l'on y remédie!

LÉONOR.

Votre espoir vous séduit; votre mal vous est doux;
Mais enfin ce Rodrigue est indigne de vous.

L'INFANTE.

Je ne le sais que trop; mais si ma vertu cède,
Apprends comme l'amour flatte un cœur qu'il possède.
Si Rodrigue une fois sort vainqueur du combat,
Si dessous sa valeur ce grand guerrier s'abat,
Je puis en faire cas, je puis l'aimer sans honte;
Que ne fera-t-il point s'il peut vaincre le comte?
J'ose m'imaginer qu'à ses moindres exploits
Les royaumes entiers tomberont sous ses lois;

SCENE VII.

D. FERNAND, D. SANCHE, D. ARIAS.

D. SANCHE.

Peut-être un peu de temps le rendroit moins rebelle,
On l'a pris tout bouillant encor de sa querelle;
Sire, dans la chaleur d'un premier mouvement,
Un cœur si généreux se rend mal-aisément :
Il voit bien qu'il a tort; mais une ame si haute
N'est pas sitôt réduite à confesser sa faute.

D. FERNAND.

Don Sanche, taisez-vous, et soyez averti
Qu'on se rend criminel à prendre son parti.

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Qu'une ame accoutumée aux grandes actions

Ne se peut abaisser à des soumissions.

Elle n'en conçoit point qui s'expliquent sans honte;
Et c'est à ce mot seul qu'a résisté le comte.

Il trouve en son devoir un peu trop de rigueur,
Et vous obéiroit s'il avoit moins de cœur,

Commandez que son bras, nourri dans les alarmes,

Répare cette injure à la pointe des armes;
Il satisfera, Sire; et vienne qui voudra,
Attendant qu'il l'ait su, voici qui répondra.

D. FERNAND.

Vous perdez le respect; mais je pardonne à l'âge,
Et j'excuse l'ardeur en un jeune courage.
Un roi dont la prudence a de meilleurs objets
Est meilleur ménager du sang de ses sujets;
Je veille pour les miens, mes soucis les conservent,
Comme le chef a soin des membres qui le servent.
Ainsi votre raison n'est pas raison pour moi:
Vous parlez en soldat; je dois agir en roi;

Et quoi qu'on veuille dire, et quoi qu'il ose croire,
Le comte à m'obéir ne peut perdre sa gloire.
D'ailleurs l'affront me touche; il a perdu d'honneur
Celui que de mon fils j'ai fait le gouverneur.,
S'attaquer à mon choix, c'est se prendre à moi-même,
Et faire un attentat sur le pouvoir suprême.

N'en parlons plus. Au reste, on a vu dix vaisseaux
De nos vieux ennemis arborer les drapeaux;
Vers la bouche du fleuve ils ont osé paroître.

D. ARIAS.

Les Maures ont appris par force à vous connoître;
Et, tant de fois vaincus, ils ont perdu le cœur
De se plus hasarder contre un si grand vainqueur.

D. FERNAND.

Ils ne verront jamais, sans quelque jalousie,

Mon sceptre, en dépit d'eux, régir l'Andalousie;

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