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Sire, ainsi ces cheveux blanchis sous le harnois, Ce sang pour vous servir prodigué tant de fois, Ce bras, jadis l'effroi d'une armée ennemie, Descendoient au tombeau tout chargés d'infamie, Si je n'eusse produit un fils digne de moi, Digne de son pays, et digne de son roi. Il m'a prêté sa main, il a tué le comte, Il m'a rendu l'honneur, il a lavé ma honte. Si montrer du courage et du ressentiment, Si venger un soufflet mérite un châtiment, Sur moi seul doit tomber l'éclat de la tempête: Quand le bras a failli, l'on en punit la tête.

Qu'on nomme crime, ou non, ce qui fait nos débats,

Sire, j'en suis la tête, il n'en est que le bras.

Si Chimene se plaint qu'il a tué son père,
Il ne l'eût jamais fait si je l'eusse pu faire.
Immolez donc ce chef que les ans vont ravir,
Et conservez pour vous le bras qui peut servir;
Aux dépens de mon sang satisfaites Chimene,
Je n'y résiste point, je consens à ma peine;
Et, loin de murmurer d'un rigoureux décret,
Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret.

D. FERNAND.

L'affaire est d'importance, et, bien considérée,
Mérite en plein conseil d'être délibérée.

Don Sanche, remettez Chimene en sa maison;
Don Diegue aura ma cour et sa foi pour prison.

Qu'on me cherche son fils. Je vous ferai justice.

CHIMENE.

Il est juste, grand roi, qu'un meurtrier périsse.

D. FERNAND.

Prends du repos, ma fille, et calme tes douleurs.

M'ordonner du

CHIMENE.

repos, c'est croître mes malheurs.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE TROISIEME.

SCENE I.

D. RODRIGUE, ELVIRE.

ELVIRE.

RODRIGUE, qu'as-tu fait? Où viens-tu, misérable?

D. RODRIGUE.

Suivre le triste cours de mon sort déplorable.

ELVIRE.

Où prends-tu cette audace et ce nouvel orgueil
De paroître en des lieux que tu remplis de deuil?
Quoi! viens-tu jusqu'ici braver l'ombre du comte?
Ne l'as-tu pas tué?

D. RODRIGUE.

Sa vie étoit ma honte;

Mon honneur de ma main a voulu cet effort.

ELVIRE.

Mais chercher ton asile en la maison du mort!.

Jamais un meurtrier en fit-il son refuge?

D. RODRIGUE.

Et je n'y viens aussi que m'offrir à mon juge.
Ne me regarde plus d'un visage étonné;

Je cherche le trépas après l'avoir donné.

Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimene:
Je mérite la mort de mériter sa haine;

Et j'en viens recevoir, comme un bien souverain,
Et l'arrêt de sa bouche, et le coup de sa main.

ELVIRE.

Fuis plutôt de ses yeux, fuis de sa violence;
À ses premiers transports dérobe ta présence;
Va, ne t'expose point aux premiers mouvements
Que poussera l'ardeur de ses ressentiments.

D. RODRIGUE.

Non, non, ce cher objet, à qui j'ai pu déplaire,
Ne peut pour mon supplice avoir trop de colère;
Et d'un heur sans pareil je me verrai combler,
Si, pour mourir plus tôt, je puis la redoubler.

ELVIRE.

Chimene est au palais, de pleurs toute baignée,
Et n'en reviendra point que bien accompagnée.
Rodrigue, fuis, de grace, ôte-moi de souci :
Que ne dira-t-on point si l'on te voit ici?

Veux-tu qu'un médisant, pour comble à sa misere,
L'accuse d'y souffrir l'assassin de son père?.
Elle va revenir... elle vient, je la voi;

Du moins pour son honneur, Rodrigue, cache-toi.

(Il se cache.)

SCENE II.

D. SANCHE, CHIMENE, ELVIRE.

D. SANCHE.

Oui, madame, il vous faut de sanglantes victimes:
Votre colere est juste, et vos pleurs légitimes;
Et je n'entreprends pas, à force de parler,
Ni de vous adoucir, ni de vous consoler.
Mais, si de vous servir je puis être capable,
Employez mon épée à punir le coupable;
Employez mon amour à venger cette mort:
Sous vos commandements mon bras sera trop fort.

CHIMENE.

Malheureuse!

D. SANCHE.

De grace, acceptez mon service.

CHIMENE.

J'offenserois le roi, qui m'a promis justice.

D. SANCHE.

Vous savez qu'elle marche avec tant de langueur,
Qu'assez souvent le crime échappe à sa longueur;
Son cours lent et douteux fait trop perdre de larmes:
Souffrez qu'un chevalier vous venge par
les armes;
La voie en est plus sûre et plus prompte à punir.

CHIMENE.

C'est le dernier remede; et s'il y faut venir,

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