Et que de mes malheurs cette pitié vous dure, Vous serez libre alors de venger mon injure. D. SANCHE. C'est l'unique bonheur où mon ame prétend, SCENE III. CHIMENE, ELVIRE. CHIMENE. Enfin je me vois libre, et je puis sans contrainte Mon pere est mort, Elvire, et la premiere épée ELVIRE. Reposez-vous, madame. CHIMENE. Ah! que mal-à-propos, Dans un malheur si grand, tu parles de repos! Et que puis-je espérer qu'un tourment éternel, Si je poursuis un crime, aimant le criminel? ELVIRE. Il vous prive d'un pere, et vous l'aimez encore? CHIMENE. C'est peu de dire aimer, Elvire, je l'adore: ELVIRE. Pensez-vous le poursuivre? CHIMENE.. Ah! cruelle pensée, Et cruelle poursuite où je me vois forcée! ELVIRE. Quittez, quittez, madame, un dessein si tragique; Ne vous imposez point de loi si tyrannique. CHIMENE. Quoi ! j'aurai vu' mourir mon pere entre mes bras, ELVIRE. Madame, croyez-moi, vous serez excusable Vous avez vu le roi; n'en pressez point d'effet, CHIMENE. Il y va de ma gloire, il faut que je me venge; ELVIRE. Mais vous aimez Rodrigue, il ne peut vous déplaire. Je l'avoue. CHIMENE. ELVIRE. Après tout, que pensez-vous donc faire? CHIMENE. Pour conserver ma gloire et finir mon ennui, SCENE IV. D. RODRIGUE, CHIMENE, ELVIRE. D. RODRIGUE. Hé bien ! sans vous donner la peine de poursuivre, Assurez-vous l'honneur de m'empêcher de vivre. CHIMENE. Elvire, où sommes-nous? et qu'est-ce que je voi? Rodrigue en ma maison ! Rodrigue devant moi! D. RODRIGUE. N'épargnez point mon sang; goûtez sans résistance La douceur de ma perte et de votre vengeance. CHIMENE. Hélas! D. RODRIGUE. Écoute-moi. CHIMENE. Je me meurs. D. RODRIGUE. Un moment. CHIMENE. Va, laisse-moi mourir. D. RODRIGUE. Quatre mots seulement; Après, ne me réponds qu'avecque cette épée. CHIMENE. Quoi! du sang de mon père encor toute trempée ? Ma Chimene. D. RODRIGUE. CHIMENE. Ote-moi cet objet odieux, Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux. D. RODRIGUE. Regarde-le plutôt pour exciter ta haine, CHIMENE. Il est teint de mon sang. D. RODRIGUE. Plonge-le dans le mien, Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien. CHIMENE. Ah! quelle cruauté, qui tout en un jour tue Le pere par le fer, la fille le fer, la fille par la vue! Ote-moi cet objet, je ne le puis souffrir: Tu veux que je t'écoute, et tu me fais mourir! D. RODRIGUE. Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l'envie Tu sais comme un soufflet touche un homme de cœur: |