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Mais le temps est trop cher pour le perdre en paroles;
Je t'arrête en discours, et je veux que tu voles :
Viens, suis-moi; va combattre, et montrer à ton roi
Que ce qu'il perd au comte il le recouvre en toi.

FIN DU TROISIEME ACTE.

ACTE QUATRIEME.

SCENE I.

CHIMENE, ELVIRE.

CHIMENE.

N'EST-CE point un faux bruit? Le sais-tu bien, Elvire?

ELVIRE.

Vous ne croiriez jamais comme chacun l'admire,
Et porte jusqu'au ciel, d'une commune voix,

De ce jeune héros les glorieux exploits.

Les Maures devant lui n'ont paru qu'à leur honte;

Leur abord fut bien prompt, leur fuite encor plus prompte:

Trois heures de combat laissent à nos guerriers

Une victoire entiere, et deux rois prisonniers;
La valeur de leur chef ne trouvoit point d'obstacles.

CHIMENE.

Et la main de Rodrigue a fait tous ces miracles!

ELVIRE.

De ses nobles efforts ces deux rois sont le prix;
Sa main les a vaincus, et sa main les a pris.

CHIMENE.

De qui peux-tu savoir ces nouvelles étranges?

ELVIRE.

Du peuple, qui par-tout fait sonner ses louanges,
Le nomme de sa joie et l'objet et l'auteur,
Son ange tutélaire, et son libérateur.

CHIMENE.

Et le roi, de quel œil voit-il tant de vaillance?

ELVIRE.

Rodrigue n'ose encor paroître en sa présence;
Mais don Diegue ravi lui présente enchaînés,
Au nom de ce vainqueur, ces captifs couronnés,
Et demande pour grace à ce généreux prince
Qu'il daigne voir la main qui sauve la province.

CHIMENE.

Mais n'est-il point blessé?

ELVIRE.

Je n'en ai rien appris.

Vous changez de couleur ! Reprenez vos esprits.

CHIMENE.

Reprenons donc aussi ma colere affoiblie:

Pour avoir soin de lui, faut-il que je m'oublié?
On le vante, on le loue, et mon cœur y consent!
Mon honneur est muet, mon devoir impuissant!
Silence, mon amour! laisse agir ma colere:
S'il a vaincu deux fois, il a tué mon pere;

Ces tristes vêtements où je lis mon malheur
Sont les premiers effets qu'ait produits sa valeur:
Et, quoi qu'on dise ailleurs d'un cœur si magnanime,
Ici tous les objets me parlent de son crime.

Vous, qui rendez la force à mes ressentiments,
Voiles, crêpes, habits, lugubres ornements,
Pompe que me prescrit sa premiere victoire,
Contre ma passion soutenez bien ma gloire;
Et, lorsque mon amour prendra trop de pouvoir,
Parlez à mon esprit de mon triste devoir;

Attaquez, sans rien craindre, une main triomphante.

ELVIRE.

Modérez ces transports, voici venir l'infante.

SCENE II.

L'INFANTE, CHIMENE, LÉONOR, ELVIRE.

L'INFANTE.

Je ne viens pas ici consoler tes douleurs;
Je viens plutôt mêler mes soupirs à tes pleurs.

CHIMENE.

Prenez bien plutôt part à la commune joie ;
Et goûtez le bonheur que le ciel vous envoie.
Madame, autre que moi n'a droit de soupirer:
Le péril dont Rodrigue a su vous retirer,

Et le salut public que vous rendent ses armes,
À moi seule aujourd'hui permet encor les larmes.
Il a sauvé la ville, il a servi son roi,

Et son bras valeureux n'est funeste qu'à moi.

L'INFANTE.

Ma Chimene, il est vrai qu'il a fait des merveilles.

CHIMENE.

Déja ce bruit fâcheux a frappé mes oreilles;
Et je l'entends par-tout publier hautement
Aussi brave guerrier que malheureux amant.
L'INFANTE.

Qu'a de fâcheux pour toi ce discours populaire?
Ce jeune Mars qu'on loue a su jadis te plaire:
Il possédoit ton ame, il vivoit sous tes lois;
Et vanter sa valeur, c'est honorer ton choix.

CHIMENE.

Chacun peut la vanter avec quelque justice;
Mais pour moi sa louange est un nouveau supplice.
On aigrit ma douleur en l'élevant si haut;

Je sens ce que je perds, quand je vois ce qu'il vaut.
Ah! cruels déplaisirs à l'esprit d'une amante!

Plus j'apprends son mérite, et plus mon feu s'augmente.
Cependant mon devoir est toujours le plus fort,
Et, malgré mon amour, va poursuivre sa mort.
L'INFANTE.

Hier ce devoir te mit en une haute estime;
L'effort que tu te fis parut si magnanime,
Si digne d'un grand cœur, que chacun à la cour
Admiroit ton courage, et plaignoit ton amour.
Mais croirois-tu l'avis d'une amitié fidele?

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Ce qui fut juste alors ne l'est plus aujourd'hui.

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