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Le moyen ni l'espoir de s'acquitter vers toi.
Mais les deux rois captifs seront ta récompense;
Ils t'ont nommé tous deux leur Cid en ma présence:
Puisque Cid, en leur langue, est autant que seigneur,
Je ne t'envierai pas ce beau titre d'honneur.

Sois désormais le Cid; qu'à ce grand nom tout cede;
Qu'il comble d épouvante et Grenade et Tolede;
Et qu'il marque à tous ceux qui vivent sous mes lois,
Et ce que
tu me vaux, et ce que je te dois.

D. RODRIGUE.

Que votre majesté, Sire, épargne ma honte;
D'un si foible service elle fait trop de compte,
Et me force à rougir devant un si grand roi
De mériter si peu l'honneur que j'en reçoi.
Je sais trop que je dois au bien de votre empire,
Et le sang qui m'anime, et l'air que je respire;
Et, quand je les perdrai pour un si digne objet,
Je ferai seulement le devoir d'un sujet.

D. FERNAND.

Tous ceux que ce devoir à mon service engage
Ne s'en acquittent pas avec même courage;
Et, lorsque la valeur ne va point dans l'excès,
Elle ne produit point de si rares succès.
Souffre donc qu'on te loue; et de cette victoire
Apprends-moi plus au long la véritable histoire.

D. RODRIGUE.

Sire, vous avez su qu'en ce danger pressant
Qui jeta dans la ville un effroi si puissant

Une troupe

d'amis chez mon pere assemblée
Sollicita mon ame encor toute troublée...
Mais, Sire, pardonnez à ma témérité,
Si j'osai l'employer sans votre autorité;
Le péril approchoit; leur brigade étoit prête;
Me montrant à la cour, je hasardois ma tête;
Et, s'il falloit la perdre, il m'étoit bien plus doux
De sortir de la vie en combattant pour vous.

D. FERNAND.

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J'excuse ta chaleur à venger ton offense,
`Et l'état défendu me parle en ta défense.
Crois
que dorénavant Chimene a beau parler,
Je ne l'écoute plus que pour la consoler.
Mais poursuis.

D. RODRIGUE.

Sous moi donc cette troupe s'avance,

Et porte sur le front une mâle assurance.

Nous partîmes cinq cents; mais, par un prompt renfort,
Nous nous vimes trois mille en arrivant au port,
Tant à nous voir marcher en si bon équipage
Les plus épouvantés reprenoient de courage!
J'en cache les deux tiers, aussitôt qu'arrivés,
Dans le fond des vaisseaux qui lors furent trouvés;
Le reste, dont le nombre augmentoit à toute heure,
Brûlant d'impatience, autour de moi demeure,
Se couche contre terre, et, sans faire aucun bruit,
Passe une bonne part d'une si belle nuit.

Par mon commandement la garde en fait de même,

Et, se tenant cachée, aide à mon stratagême;
Et je feins hardiment d'avoir reçu de vous
L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne à tous.
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles
Enfin avec le flux nous fait voir trente voiles;
L'onde s'enfle dessous, et d'un commun effort
Les Maures et la mer montent jusques au port.
On les laisse passer; tout leur paroît tranquille;
Point de soldats au port, point aux murs de la ville.
Notre profond silence abusant leurs esprits,
Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris;
Ils abordent sans peur, ils ancrent, ils descendent,
Et courent se livrer aux mains qui les attendent.
Nous nous levons alors, et tous en même temps
Poussons jusques au ciel mille cris éclatants.
Les nôtres à ces cris de nos vaisseaux répondent;
Ils paroissent, armés. Les Maures se confondent,
L'épouvante les prend à demi descendus ;
Avant que de combattre ils s'estiment perdus.

Ils couroient au pillage, et rencontrent la guerre;
Nous les pressons sur l'eau, nous les pressons sur terre,
Et nous faisons courir des ruisseaux de leur sang
Avant qu'aucun résiste, ou reprenne son rang.

Mais bientôt, malgré nous, leurs princes les rallient,
Leur courage renaît, et leurs terreurs s'oublient;
La honte de mourir sans avoir combattu

Arrête leur désordre, et leur rend la vertu.

Contre nous de pied ferme ils tirent leurs épées:

Des plus braves soldats les trames sont coupées;
Et la terre, et le fleuve, et leur flotte, et le port,
Sont des champs de carnage où triomphe la mort.

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O combien d'actions, combien d'exploits célebres
Sont demeurés sans gloire au milieu des ténebres,
Où chacun, seul témoin des grands coups qu'il donnoit,
Ne pouvoit discerner où le sort inclinoit!
J'allois de tous côtés encourager les nôtres,

Faire avancer les uns, et soutenir les autres,
Ranger ceux qui venoient, les pousser à leur tour,
Et ne l'ai pu savoir jusques au point du jour.
Mais enfin sa clarté montre notre avantage;
Le Maure voit sa perte, et perd soudain courage;
En voyant un renfort qui nous vient secourir,
L'ardeur de vaincre cede à la peur de mourir.

Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles,
Poussent jusques aux cieux des cris épouvantables,
Font retraite en tumulte, et sans considérer

Si leurs rois avec eux peuvent se retirer.
Ainsi leur devoir cede à la frayeur plus forte;
Le flux les apporta, le reflux les remporte,
Cependant que leurs rois engagés parmi nous,
Et quelque peu des leurs tout percés de nos coups,
Disputent vaillamment et vendent bien leur vie.
À se rendre moi-même en vain je les convie;
Le cimeterre au poing ils ne m'écoutent pas:
Mais voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats,
Et que seuls désormais en vain ils se défendent,

Ils demandent le chef: je me nomme; ils se rendent :
Je vous les envoyai tous deux en même temps;
Et le combat cessa, faute de combattants.
C'est de cette façon que, pour votre service...

SCENE IV.

D. FERNAND, D. DIEGUE, D. RODRIGUE, D. ARÍAS, D. SANCHE, D. ALONSE.

D. ALONSE.

Sire, Chimene vient vous demander justice.

D. FERNAND.

La fâcheuse nouvelle, et l'importun devoir!

Va, je ne la veux pas obliger à te voir:

Pour tous remerciements il faut que je te chasse;

Mais avant que sortir, viens, que ton roi t'embrasse.

(D. Rodrigue rentre.)

D. DIEGUE.

Chimene le poursuit, et voudroit le sauver.

D. FERNAND.

On m'a dit qu'elle l'aime, et je vais l'éprouver.
Montrez un œil plus triste.

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