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flots de fang, & à commettre toutes fortes de violences; enfin, paffionnément dévouées à la Maison de Céfar dont elles avoient déja reçu, & dont elles attendoient encore des récompenfes exceffives. Les provinces, long-temps opprimées par les Miniftres d'une République orageufe, foupiroient après le gouvernement d'un feul homme, qui fût le maître & non le complice de cette foule de petits tyrans. Le peuple de Rome, triomphant en fecret de la chûte de l'Aristocratie, ne demandoit que du pain & des fpectacles; & il étoit féduit par la libéralité d'Augufte, qui s'empreffoit de fatisfaire à fes defirs. Les plus riches habitans de l'Italie avoient prefque tous embrassé la philosophie d'Epicure; ils jouiffoient des douceurs de la paix & d'une heureuse tranquillité, fans fe livrer aux idées de cette ancienne liberté fi tumultueufe, dont le souvenir auroit pu troubler le fonge agréable d'une vie entièrement confa

crée au plaifir. Le Sénat perdit fa puiffance avec fa dignité. La plupart› des familles nobles étoient éteintes ; les Républicains dont le zèle & les talens auroient pu fauver l'Etat, avoient péri dans les profcriptions, ou les armes à la main. Ce Sénat, fi long-temps renommé pour fa fageffe, étoit compofé de plus de mille perfonnes, multitude raffemblée fans choix, & qui, loin de retirer quelque luftre de leur rang, dégradoient, par leur conduite, la dignité dont elles fe trouvoient revêtues (1).

le Sénat,

Lorsqu'Augufte n'eut plus d'ennemis, I réforme il montra, par le foin qu'il prit de réformer le Sénat, qu'il ne vouloit pas être le tyran de fa patrie, mais qu'il afpiroit à en être le père. Elu Cenfeur avec fon fidèle Agrippa, il examina la lifte des Sénateurs, il en chaffa un petit

(1) Jules-Céfar introduifit dans le Sénat des foldats, des étrangers & des Barbares nouvellement conquis (Suétone, vie de Céfar, c. 77, 80 ). Après fa mort, cet abus devint encore plus fcandaleux.

Il réfigne fon pouvoir.

nombre dont les vices ou l'opiniâtreté exigeoient un exemple public. Près de deux cents, à sa perfuafion, prévinrent, par une retraite volontaire, la honte d'une expulfion. Il fut ordonné que l'on ne pourroit entrer dans le Sénat fans pofféder environ deux cent mille livres. De nouvelles familles patriciennes remplirent le vuide qu'avoient occafionné les fureurs des guerres civiles. Enfin Augufte fe fit nommer Prince du Sénat; titre honorable, que les Cenfeurs n'avoient jamais donné qu'au citoyen le plus diftingué par fon crédit & par fes fervices (1). Mais tandis qu'il rétablissoit la dignité de ce Corps refpectable, il en détruifoit l'indépendance. Les principes d'une conftitution libre font perdus. à jamais, lorsque l'autorité législative eft créée par la puiffance exécutrice.

Auguste crut devoir paroître déférer aux avis d'une affemblée qu'il avoit lui

(1) Dion Caffius, l. 111, p. 693. Suétone, vie d'Augufte, c. ss.

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même formée. Il prononça devant elle un difcours étudié où l'ambition étoit cachée fous le voile du patriotisme. «Il déploroit, il juftifioit même fa con» duite paffée; la piété filiale avoit exigé qu'il vengeât le meurtre de fon » père; fon humanité s'étoit trouvée » quelquefois obligée de céder aux loix » cruelles de la néceffité; il s'étoit vu » forcé de s'unir à d'indignes collègues. » La République, menacée par Antoine, » lui avoit défendu de la livrer entre » les mains d'un citoyen déshonoré & » d'une Reine barbare. Libre maintenant » de fatisfaire à-la-fois fon devoir & fon » inclination, il rendoit folemnellement » au Sénat & au Peuple ieurs anciens » droits. Son feul defir étoit de fe mêler » dans la foule de fes concitoyens, & » de partager avec eux le bonheur dont jouiffoit la patrie (1)

(1) Dion Caffius (1. LIII, p. 698) met à cette occafion dans la bouche d'Augufte un difcours pro

Si Tacite avoit été préfent à cette fous le titre féance, il n'eût appartenu qu'à ce grand

On l'engage à le reprendre

d'Empereur &

de Général. Ecrivain d'exprimer l'agitation du Sénat.

Sa plume feule auroit pu décrire les fentimens cachés des uns, & le zèle affecté des autres. Il étoit dangereux d'ajouter foi aux paroles d'Auguste; paroître douter de fa fincérité, auroit pu devenir encore plus funefte. Les avantages refpectifs de la Monarchie & du Gouvernement Républicain avoient fouvent été balancés. La grandeur de Rome, la corruption des mœurs, la licence des foldats faifoient pencher beaucoup de fpéculatifs du côté de la Monarchie; ces principes généraux d'administration se trouvoient mêlés avec les efpérances & avec les caintes de chaque particulier. Au milieu de cette incertitude, la réponse des Sénateurs fut unanime & décifive; ils refusèrent d'accepter la résignation d'Auguste; ils le conjurèrent

lixe & enflé. J'ai emprunté de Tacite & de Suétone les expreffions qui pouvoient convenir à ce Prince.

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