le droit de bourgeoisie & les honneurs attachés au nom de Citoyen avoient paffé aux Habitans des Provinces, qui n'avoient jamais connu, ou qui ne se rappelloient qu'avec horreur l'administration tyrannique de leurs Conquérans, le fouvenir des maximes républicaines s'étoit infenfiblement effacé. Les nations vaincues voyoient avec joie le Souverain de Rome poffèder, dans toute fon étendue, la prérogative royale, quoique par respect pour d'anciens préjugés, il s'abftînt du nom de Roi. Cette obfervation n'a pas échappé aux Historiens Grecs (1) qui vivoient dans le fiècle des Antonins. Sous le règne de Sévère, le Sénat fut rempli d'Orientaux qui venoient étaler dans la Capitale le luxe & la politeffe de leur patrie. Ces efclaves éloquens & doués d'une imagination brillante, cachèrent la flatterie fous le voile d'un fophifme ingénieux, & rẻ (1) Appien, in proem. duifirent la fervitude en principes. La Cour les applaudiffoit avec transport; & le Peuple les écoutoit avec indifférence, lorfque, pour défendre la caufe du defpotifme, ils démontroient la nécessité d'une obéiffance paffive, ou qu'ils déploroient les malheurs inévitables qu'entraîne la liberté. Les Jurifconfultes & les Hiftoriens enfeignoient également quela. Puiffance Impériale n'étoit point une fimple délégation; mais que le Sénat avoit irrévocablement cédé tous fes droits aux Souverain. Ils répétoient que l'Empereur ne devoit point être fubordonné aux Loix; que fa volonté arbitraire s'étendoit fur la vie & fur la fortune des Citoyens, & qu'il pouvoit difpofer de l'Etat comme de fon patrimoine (1). Les plus habiles de ces Jurifconfultes, & (1) Dion Caffius femble n'avoir eu d'autre but, en écrivant, que de raffembler ces opinions dans un fystême hiftorique. D'un autre côté, les Pandectes montrent avec quelle affiduité les Jurifconfultes travailloient pour la caufe de la prérogative impériale. principalement Papinien, Paulus & Ulpien, fleurirent fous les Princes de la maifon de Sévère. Ce fut à cette époque que la Jurifprudence Romaine, liée intımement au systême de la Monarchie, parut avoir atteint le dernier degré de perfection & de maturité. Les contemporains de Sévère, éblouis par l'état heureux & floriffant de fon règne, lui pardonnèrent les cruautés qui lui avoient frayé le chemin au trône. Leur poftérité, qui éprouva les fuites funeftes de fes maximes & de fon exemple, le regarda, à jufte titre, comme le principal auteur de la décadence deș Romains. Grandeur & agitation CHAPITRE VI Mort de Sévère. Tyrannie de Caracalla. Ufurpation de Macrin. Folies d'Elagabale. Vertus d'Alexandre Sévère. Licence des Troupes. État général des finances des Romains. Les routes qui mènent à la grandeur, E de Sévère. font efcarpées & bordées de précipices. Cependant un efprit actif, en parcourant cette carrière dangereufe, trouve fans ceffe un nouvel attrait dans la difficulté de l'entreprise, & dans le développement de ses propres forces; mais la poffeffion même d'un trône ne pourra jamais fatisfaire un homme ambitieux. Sévère fentit bien vivement cette trifte vérité. La fortune & le mérite l'avoient tiré d'un état obfcur pour l'élever à la première place du Monde.» J'ai été tout, s'écrioit-il; & tout a bien peu de va » leur (1) ». Agité fans ceffe L'Impératrice Julie fa Ce Prince, comme prefque tous les Africains, s'appliquoit avec la plus femme. grande ardeur aux vaines études de la divination & de la magie; il étoit profondément verfé dans l'interprétation des fonges & des présages, & connoissoit parfaitement l'Aftrologie judiciaire ; fcience qui de tout temps, excepté dans notre fiècle, a confervé fon Empire fur l'efprit de l'homme. Sévère avoit perdu (1) Hift. Aug. p. 71. « Omnia fui ; & nihil expedit ». |