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Santeüil.

nous nous affujettir à autre chofe qu'aux regles effentielles de la poëfie, aux regles communes à tous les temps & à tous les pays, c'eft-à-dire aux loix feules de la raifon & de la nature, qu'ont pratiquées les poëtes Hebreux ?

S'il y a des modelles à imiter, ce ne peut être que ceux que les profanes ont voulu imiter, & qu'ils ont mal imitez. S'il y avoit des expreffions que l'on dût affecter dans la poëfie, ce feroit celles de ces parfaits originaux. Neanmoins avec cette retenue qu'on ne s'ingere point de vouloir paroître infpiré ; car fi les poëtes payens ont contrefait les entoufiaftes pour imiter les Prophetes, il me femble que c'eft une impieté & une efpece d'idolâtrie à nous de contrefaire en cela les payens.

Sublime ingenium fucum faftidit & umbras

Nativis gaudet luxuriare bonis,

O fi naturæ noffent myfteria vates

Ingenua fimplex crefferet arte labor.

On ne fçauroit donc affez s'étonner que cet arbitre du bon goût, l'Auteur de l'Art poetique, veuille que les façons de parler qui fe tirent du fyfteme fabuleux, foient les vrais ornemens de la poefie; & qu'il fe mocque des Auteurs qui ont des fcru

pules fur ces reftes de l'idolâtrie, comine. il le fait dans ces vers.

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Mais dans une profane & riante peinture
De n'ofer de la fable employer la figure,
De chaffer les Tritons de l'empire des eaux
D'ôter à Pan fa flute, aux Parques leurs cifeaux,
D'empêcher que Caron dans fa fatale barque,
Ainfi que le Berger ne paffe le Monarque ;
C'est d'un fcrupule vain s'allarmer fottement,
Et vouloir au Lecteur plaire fans agrément.

Si ce font des agrémens, ce font ceux qu'affectent les Courtifanes, mais que les femmes fages méprifent & rejettent. La fimplicité qui naît du feul fond de la nature plaira toûjours infiniment davantage aux perfonnes de bon goût, que ce ridicule affemblage de tant de picces, qui ne conviennent ni à nos mœurs, ni à nôtre religion..

Eft-il donc poffible que des gens de bon fens ayent penfé, que l'on ne peut compofer des vers excellens fans les bizares expreffions de la fable? Les Auteurs de ces belles inventions feroient bien furpris s'ils revenoient au monde, & qu'ils viffent de graves perfonnages comme les Chrétiens, faire tant d'honneur à leursfonges &à leurs impietez, que de s'en fera

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Santeüil..

vir pour donner de la grandeur & de la fublimité à leur poëfic. Ils croiroient au contraire que les Chrétiens devroient, ou méprifer ces chofes comme des amufemens d'enfans, ou les détefter comme les trophées des victoires que le demon a remportées fur le genre humain ; & que pour relever & ennoblir leurs vers, ils devroient chercher le grand & le fublime dans leur propre religion, dont ils adorent les merveilles & les myfteres. Voila. ce que leur feroit penfer le bon fens..

O utinam prifci remearent lucis in auras,

Redirent ipfos quos coluere Deos.

Si on dit pour la défenfe de l'Auteur que c'est seulement dans les fujets profanes, qu'il veur qu'on puiffe employer les Dieux de la fable, c'eft défendre une faute par une autre puifque la raifon ne peut fouffrir qu'un Chrétien traite des. fujets de cette nature, qui offenfent & la. dignité de fon être & la fainteté de fa vocation. Un Chrétien doit laiffer aux profanes les peintures profanes, & fe contenter d'exercer fon genie fur des fujets. graves & ferieux, ou au moins qui n'ayent rien de profane, comme ceux que nous. fourniffent toutes les merveilles de l'art & de la nature..

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Mais il me femble que j'entends Meffieurs du Parnaffe s'élever en foule, & s'écrier, qui eft donc ce nouvel Aristarque, qui fe méle de nous reprendre, qui s'ingere de donner des loix dans un païs qu'il ne connoit point, & où il n'eft point connu ? Je les vois deja prêts à me reduire en poudre par leurs vers foudroyans à me traiter d'impie comme un Zoile, & d'infenfé comme un Ariphrade; ou peutêtre me méprifer ce qui leur paroîtra fans doute une punition plus digne de mon audace & de mon ignorance. Peutêtre même qu'ils ne me feront pas l'honneur de croire que je peche par ignorance; parce que, comme le dit un d'eux, l'ignorance n'eft pas toujours malheureufe, il M. Des n'eft pas poffible qu'elle rencontre toûjours la poët. fi mal; il faut que j'aye ou un deffein for. d'Arifie mé de trouver mauvais les meilleures cho- C. 26. Les, ou le fens fi peu juste, que je ne sçaurois jamais rien prendre que de travers.

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A la verité, fi ces Meffieurs fe tenoient toujours fur le Parnaffe, ou s'ils étoient toûjours en l'air montez fur le cheval volant, fans defcendre jamais parmi nous autres habitans de la terre; on pourroit: las laiffer vivre felon leurs loix, & ne fe

cier fur

mettre pas en peine de ce qu'ils feroient dans leur focieté. Mais ils veulent faire la loi à tous les autres Ecrivains, & fi on ne fe foumet à leurs décifions, on et auffitôt exposé aux traits piquans de leurs fatyres. Ils fe rendent les arbitres de la reputation des Auteurs, & exercent un empire tyrannique dans la republique des lettres.

Parlons plus ferieufemint & avec plus. de fens froid. Je les prie de me dire pourquoi ils pretendent, qu'on doit tellement refpecter les fentimens d'Ariftote & d'Ho race dans le Chriftianifme, que l'on ne puiffe s'en éloigner fans crime, dans les chofes même que condamne vifiblement la raifon, & qui repugnent à la fainteté de la religion que nous profeffons. Il faudroit qu'un Legiflateur d'une autorité reconnue de tous les hommes, nous cût donné les regles de la poëfie, pour reduire à la neceffité d'obéir tous ceux qui voudroient écrire en ce genre. Or nous n'avons point de Legiflateur de ce cara&tere, qui nous ait défendu de faire des vers de quelque efpece que ce foit, fans des noms honteux au genre humain, & des fictions oppofées à la religion.

Mais s'il n'y a point dans la republique des lerrres de Legislateur abfolu, ni de

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