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Docteur irrefragable; il nous doit être permis d'appeller des décifions d'Ariftote, d'Horace, & de celles de leurs fectateurs modernes, que nous refpectons encore plus qu'Horace & qu'Ariftote, à des tribunaux plus autorifez que les leurs ; je veux dire à ceux de la droite raifon & de la verité, de la fainteté & de la juftice, qui font bleffées par les regles pretendues de ces maîtres; je veux dire à ceux de Platon & de Ciceron, à ceux des Peres de l'Eglife dont le jugement eft encore plus feur que celui de ces deux Philofophes.

Alex.

Mais n'y auroit-il jamais cû de poetes, fi les hommes avoient toûjours été affez fages & affez heureux, pour conferver les traditions qu'Adam avoit laiffées à fes enfans, & pour ne s'écarter jamais du culte du vrai Dieu; fi les premiers poëtes des Grecs n'avoient point divinité des Clem. hommes impurs & cruels ;- s'ils n'avoient pas fait des Déeffes, je ne fçai quelles chan- gentes. teufes qui s'étoient rendues celebres par la mufique; s'ils n'avoient point celebré dans leurs vers les montagnes, les vallées, les fontaines, les bois & tous les lieux où ils les compofoient ? Cette penfée doit paroître à tout le monde entierement oppofée au bon fens & à la raifon. Les poëtes Hebreux avoient compofé leurs poë

mes fans ce ftile; un grand nombre de Chrétiens ca ont compofé de trés-excellens fans avoir eû befoin du fyfteme fabuleux; ce fyfteme n'eft donc point de l'effence de la poëfie, & c'eft une injuftice manifefte, & même une tyrannie, d'y vouloir affujerir ceux qui font capables de compofer en ce genre. Ils feroient infiniment mieux, s'ils pouvoient fe défaire de tous ces mauvais reftes de la pouffiere du College.

XXXI.

Il faut efperer que de fi faux préjugez fe diffiperont un jour, & que l'on profferira la fable de la poëfie; au moins cet que je dis, fervira peut-être à interrompre en quelque manière un abus fi honteux, & à ramener quelque jour les poëtes aux lumieres de la verité & de la raison. Car il ne faut pas attendre que ceux d'aujourd'hui changent. Nous tenons trop aux vices & aux enchantemens qui nous viennent, ou de nôtre mauvais naturel, ou de nôtre malheureufe éducation. Ita pervicax vel in vitiis, vel in nugis eft humanum ingenium, vel iniquè natum, vel perperam educatum.

Enfin nous avons fur cela une autorité qui doit faire plier nôtre raison & détruire

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Douter.

12.34

tous nos préjugez. Dieu avoit commandé à fon peuple de détruire tous les monumens & tous les veftiges de l'idolâtrie, de 23. 13. renverfer les Autels, & d'effacer tous les noms des faux Dieux, quand il feroit en poffeffion de la terre promife: c'étoit fans doute, afin que ce peuple ne nommant point ces Dieux, en perdît abfolument le fouvenir. Quel bonheur pour le Chriftianifme, files noms de ces Dieux avoient été effacez, & de tous les monumens des anciens, & de toutes les compofitions des Chrétiens; puifque les penfées & les noms de ces Dieux ne fe prefentent guéres à leur efprit, qu'avec les traits de l'injuftice & de l'impureté, qui font le caractere de ces Divinitez odieufes ; & que toutes, ces pensées font, ou du tort, ou de la peine à l'innocence de leur ame & à la pureté de leurs mœurs. Mais que ne font-elles point dans ces vers dont la cadence & le fublime nous charment ? Et nos poëtes croiront pouvoir fans crime rapeller dans nôtre memoire, ce que Dieu a voulu que: l'on en effaçât?

XXXII.

Au refte il ne faut pas. conclure de ce que la fiction, ni, la fable ne doivent point paroître dans nos vers, qu'il

en faille bannir toutes les figures. Ce feroit anéantir la poëfie, puifque c'est proprement par ces figures hardies & par ces images furprenantes & extraordinaifous lefquelles les Poëtes reprefentent les chofes, que la poëfie fe diftingue de la profe, qu'elle tranfporte & qu'elle ravit. Les poëtes facrez le font fervi utilement de ces figures & de ces images, pour faire comprendre la grandeur & la toutepuiffance de Dieu, la facilité & la promp titude avec laquelle il opere les chofes qui nous étonnent le plus. Et il feroit trésafé de faire voir que les tours & les expreffions que l'on admire le plus dans les profanes, font tirées des poëtes facrez & fur-tout des Pfeaumes, où David animé de l'efprit de Dieu, s'efforce de donner de fa puiffance, de fa fageffe & de tous les autres attributs, les plus hauts fentimens qu'il foit poffible à l'homme d'en concevoir. C'eft le fentiment de Clement Alexandrin, comme je l'ay dit cy-deffus, & celui de faint Auguftin dans fon Livre des Locutions, ou des Façons de parler des. Livres de Moïfe; il dit que toutes les fi gures du difcours que les Grammairiensadmirent, tirent leur origine de l'Ecriture.

Ces poetes perfonifient par tout les chofes infenfibles; ils leur donnent de la

raifon & du jugement, tantôt pour les porter à la reconnoiffance du Dieu qui les a créé, tantôt pour leur faire admirer fa puiffance & publier fes loüanges;afin d'exciter les hommes à les imiter & les confondre de leur ingratitude envers le Dieu, de la bonté duquel ils ont reçû l'être, & dont ils reçoivent encore tous les jours tant de bienfaits. C'est ce que les encore imité.

payens ont

Je dirai la même chofe de ces petites fables ou apologues ingenieufement inventées, pour inftruire les hommes des plus belles maximes de la Morale. L'E criture nous en a donné l'exemple. Elles font toutes fans venin & d'une merveil leufe utilité, pour infinuer d'une maniere également fpirituelle & agreable, les plus belles & les plus folides regles des mœurs dans l'efprit de la jeuneffe elles ont un air de fimplicité & de naïveté qui plaît même infiniment aux vieillards.

XXXIII.

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Mais enfin on me pourra dire que chacun a fon goût; que fi le mien n'eft pas pour les poëtes profanes & pour la fable, je ne dois pas pretendre qu'il foit la regle de celui des autres ; que le goût le plus commun doit paffer pour le meilleur,

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