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P'unité, de la bonté, de la verité, de la fainteté, de la fageffe, de la juftice & de l'ordre, parce que Dieu eft effentiellement toutes ces chofes ; c'eft par l'ordre qu'il fait fubfifter toutes les créatures, & qu'il les orne de toutes les beautez que nous admirons. En effet, fr notre ame ici bas eft continuellement brûlée d'une foif ardente pour fon fouverain bien; elle ne fçauroit être foulagée que par quelques goûtes de ce torrent de délices, dont les ames bienheureuses feront perpetuellement enyvréesdans le ciel.

X.

Ces veritez fupofées comme certaines & inconteftables, nous ferons affeurez que nôtre efprit eft veritablement d'accord avec la raifon, & que nôtre ame eft dans a difpofition qui lui convient; fi d'un côté elle ne fe plaît dans les chofes, qu'au fant qu'elle y aperçoit les traits & les écoulemens des perfections divines, qu'autant que ces chofes purifient fes defirs, & qu'el les font propres à foutenir les efperances, & à la rendre digne de poffeder le bien-ai mé de fon cœur; & fide l'autre, elle rebute & rejette tout ce qui ne peut que tromper fes defirs & fes efperances, l'attacher des biens frivolles & perifables, & la

détourner du droit chemin dans lequel elle doit marcher pour arriver à son fouverain bien.

L'homme qui fe trouve dans cette heureufe difpofition, eft certainement un homme de bon goût. Il a les yeux du cœur é clairez pour le difcernement du bien & du mal, & un efprit propre pour démêler la verité de l'erreur. Et cet homme ne fçauroit manquer d'être touché de plaifir dans la lecture des ouvrages où la verité eft traitée avec beaucoup de methode & de dt-i gnité, où les principes font bien établis, & les confequences bien tirées, où tout rend au même but, & y conduit par les voyes les plus droites, où l'éloquence eft employée avec fageffe, pour faire fentir & toute la beauté, & toute la force de la verité, où tous les agrémens font ménage avec tant d'art, qu'ils paroiffent moins recherchez pour plaire, que pour inftruire & pour perfuader, où les figures font naturelles & les expreffions propres, où les comparaifons font bien choifies, où le fttle enfin eft par tout digne des chofes qui y font traitées. Cet homme (dis-je ) aperçoit du premier coup d'œil routes ces beautez, & plus il examine de tels ouvrages, plus juge qu'ils meritent toute fon eftime; plus il aime à les lire pour augmenter

les lumieres de fon efprit, & pour purifier de plus en plus les affections de fon cœur.

Voila d'où refulte toute la folidité, la grandeur & la vraye beauté, en un mot, tout le merite des compofitions de l'efprit, quand tout y conduit à la verité, quand tout y porte à la vertu, & fert de dégré à l'ame pour s'élever à Dieu. Car ce n'eft qu'en cette maniere que l'éloquence eft veritablement le langage de la fageffe: EloSicer. quentia nihil eft aliud quàm copiosè loquens fapientia. La fublimité des penfées, la nobleffe des fentimens, la beauté du stile, & les richeffes de l'expreffion fe doivent mefurer par cette fin, & fi elles ne nous y menent pas, les penfées font fauffes, les fentimens font mauvais, le ftile & les expreffions font mal employées, & l'Orateur a mal répondu aux preceptes de la: Rhetorique.

Si nous étions fans vice & fans paffion, finous avions l'efprit fain & le cœur droit, on n'auroit pas befoin de tant d'art pour mettre-la verité en œuvre. Grande, belle & aimable comme elle eft par elle-même, elle n'auroit qu'à fe faire voir, pour le faire aimer. Mais nous fommes tous plus ou moins malades; la verité route nue n'a point de charmes pour nous, & nous n'avons point de goût pour elle, parce qu'elle

combat trop ouvertement nos inclinations perverles; la verité eft amere & trifte, dit faint Jerôme. De forte que c'eft une neceffité de nous l'affaifonner, & certe necef fité a produit ce que l'on appelle la Rhetorique ; c'eft-à-dire l'art de perfuader la verité, de faire aimer la vertu, qui n'eft proprement que l'exercice de nôtre amour pour la verité.

C'eft fur ces principes que nous devons juger de toutes les compofitions de l'efprit, foit en profe, foit en vers; puifque les pieces de vers ne doivent differer de celles de profe, que par la hardieffe des figures, la fublimité des expreffions, & la regularité des mefures; & ceux qui voudront y trouver d'autres differences, ne feront que donner à connoître, que la litterature profane leur a dépravé le goût & gâté le jugement..

XI.

Mais fil'homme veritablement fpirituel & de bon goût, eftime & aime les ouvrages qui ont pour objet la verité & la vertu, il ne fent au contraire que du dégoût. & de l'averfion, pour ceux où la verité eft bleffée, & les vices déguifez en vertus ; ouvrages qui font plus communs dans la publique des lettres qu'on ne le croit.

Quand ils furpafferoient par l'excellence de leur compofition, ce qui fe trouve de plus achevé dans les anciens & dans les modernes, l'homme de bon goût n'en a que du mépris, il fent une veritable douleur de voir tant de rares talens employez à faire valoir des chofes fi mauvaises.

On me dira peut être, qu'il y a des pieces qui tiennent un certain milieu. Quoiqu'elles ne tendent pas à perfuader la verité, ou la vertu, elles n'infpirent pas auffs l'erreur ni le déreglement des mœurs. Cependant la lecture donne beaucoup de plaifir, tant à cause de la politeffe avec laquel le elles font écrites, que de l'efprit qui y brille par tour. S'il y a en effet de ces compofitions qui fe puiffent appeller indifferentes, l'homme de bon goût ne les confidere que comme des colifichers, qu'un Pere de l'Eglife apelle une laboricufe Aug. inutilité, operofa inutilitas; ou fi on veut, comme les parteres qui ne font faits que pour amufer la concupifcence des yeux. On peut dire aux Auteurs de ces compofitions, ce que dit un payen au fujet des Plin. Ep. amusemens des villes, Qu'il vaut mieux ne rien faire, que de faire des riens. Car peut-on imaginer de plus grands riens que ce qui n'eft qu'un amusement. Les perSonnes de bon goût, n'ont point de goût

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