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pour ces fortes d'ouvrages, parce qu'aprés avoir bien lû les pieces de cette nature, on eft comme cer homme dont parle le Prophete, Qui s'étant couché avec la faim Isa, 29, & la foif, a revé qu'il beuvoir & mangeoit, & qui à fon reveil s'eft trouvé aussi vuide & auffi affamé qu'auparavant. De bonne foi quelle nourriture, quel foûtien, & quelle force l'ame peut-elle tirer de femblables lectures?

Mais je dirai plus, fi ces lectures ne peavent fervir de rien, elles nuifent neceffairement. Il en eft de l'efprit comme de l'eftomac; ce qui n'eft bon ni à l'un, ni à Pautre, leur eft infailliblement mauvais. Ils ont l'un & l'autre une capacité bornée, & fi ce qui les remp'ir, n'eft pas propre à les nourrir, il leur devient un polon mortel. Il n'y a peut-être rien qui gâte plus les efprits, que ces repletions de chofes vaines & frivoles. Elles les accoutument à ne fe repaître que de vanité, & n'en font jamais que des airains fonnans & des cymbales retentiffantes. Elles ne forment que des hommes qui ne penfent jamais à s'inftruire de leurs veritables obligations, & qui meurent fans avoir fait reflexion, qu'ils devoient mourir. Lemonde fourmille de gens de ce caractere.

Je ne dis rien de l'ufage que les Auteurs

de ces pieces font de leur fcience & de leur efprit. C'eft à eux à voir, s'ils pouront les faire paffer dans le compte, qu'ils doivent au fouverain Pere de famille, qui fe fera rendre raifon des talens qu'il leur a donné, & même des paroles inutiles.

J'ay bien voulu fupofer qu'il y a des ouvrages indiff tens, & qui ne font ni bons, ni mauvais pour les chofes. Cependant je ferai voir dans la fuite par des exem ples trés-remarquables, que les compofitions de beaucoup d'Auteurs du premier rang, que l'on regarde même comme abfolument bonnes, cachent pourtant beaucoup de venin, & un venin d'autant plus dangereux, que la politeffe du langage & le brillant des pensées le font avaler avec plaifir. Par là on pourà juger de celles qu'on s'imagine être indifferentes qui ne font point de mal, fi elles ne font point de bien.

Ce font là les regles fur lefquelles on peut juger de fon goût & de celui des autres. Ces regles font feures, car comme le plaifir que nous prenons dans les mets, qui conviennent au corps, cft tout en femble la preuve & de la bonne conftitution de notre corps, & du bon goût de nôtre langue; la bonne nourriture dont nous prenons plaifir de nourrir nôtre ame, est tout

enfemble la preuve & de la bonne conftitution de notre ame, & du bon goût de nôtre efprit.

XII.

On a vû au commencement de ce Difcours, que le goût & le jugement étoient la même chofes on peut dire qu'il en eft de même du goût & de la fageffe. Les Auteurs Latins employent le même mot pour fignifier être fage & avoir le goût de l'efprit ; & la définition de Me. Dacier convient également à la fageffe & au bon goût. Les Philofophes nous ont fait de la fageffe de pompeufes defcriptions, qui n'éroiene propres qu'à flater leur vanité, & qui convenoient moins à la fageffe de l'homme, que les armes de Goliat au petit David. L'harmonie, ou l'accord de l'efprit & de la raison eft la plus jufte définition qui s'en puiffe donner. Car s'il eft vrai que fe conduire fagement, c'eft fuivre en tout les lumieres de la raifon ; il eft certain que la fageffe de l'homme naît du parfait accord de fon efprit avec la raifon.

Cette définition eft d'autant plus vraye, qne la beatitude regardant tous les hommes, la fageffe doit auffi leur être commune. Les perfonnes de tour fexe & de toutesconditions, les ignorans comme les

fçavans doivent tous y avoir part, parce que la fageffe nous doir conduire à la bea titude. Or les Philofophes fuperbes vouloient une fageffe qui ne convînt qu'aux fçavans, & qu'ils puffent fe vanter de poffeder à l'exclufion du refte des hommes.

Quoiqu'en effet ils fuffent plus éloignez de la connoiffance des chofes divines & humaines, en quoi ils mettoient leur fagef fe, que le ciel ne l'eft de la terre. Mais l'accord de l'efprit & de la raison, fe peut trouver auffi-bien dans les femmes, que dans les hommes, dans les perfonnes de toutes conditions, & dans les fimples. comme dans les Philofophes.

En effet, la fageffe de l'homme ne peut être qu'une imitation de celle de Dieu. Ec fi Dicu a créé chacune des creatures en particulier; s'il a reglé leur grandeur, leur fituation, leurs fonctions & leur durée, par raport au tout qu'il vouloir former de leur affemblage & de leur harmonie; auffi l'homme fage, c'est-à-dire, le Chrétien, car il n'y a de veritable fage que le Chréfes tien, doit regler ses penfées, fes vûës, entreprises, les paroles & fes actions par raport à fa fin, felon les talens qu'il a re

de Dieu, & felon la profeffion où il l'a appellé, pour former & le corps politique avec les autres citoyens, & le corps de

Jefus Chrift avec les autres Chrétiens, afin d'arriver ainfi à la poffeffiou du bien, qui feul peur faire la felicité. Or il ne fçauroie y réüffir heureusement, qu'autant que fon efpriteft d'accord avec la raison. Car c'eft par ce feul accord qu'il eft le maî re de fes paffions, qu'il poff de fon ame en paix, & qu'il jouit de cette heureuse liberté, qui eft neceffaire pour porter toûjours des jugemens juftes fur la valeur de chaque chofe, pour ordonner fes affections, fes empreffemens & fes recherches fuivant les jugemens, en un mot, pour fuivre icûjours les regles de fes devoirs.

Si felon les mai res de l'éloquence & de la poëfie, il eft vrai que les pieces de profe & de vers que nous admirons, foient le fruit de la fagefle des Auteurs; il est certain que la beauté de ces pieces ne peut être ni connuë, ni goûtée que par la fageffe des Lecteurs. Ainfi on ne peut pas contefter que la fagcffe & le bon goût ne foient les effets de la même caufe, & ne refultent des mêmes principes, je veux dire de l'harmonie de l'efprit & de la raison. De forte qu'il eft clair que le jugement, la fageffe & le bon goût peuvent être.confi derez comme la même perfection de l'efprit, que l'on appelle de differens noms par raport aux choses differentes dont il s'agit.

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