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XIII.

Saint Paul renferme tout ce que je viens de dire dans ces paroles de fon Epitre aux Phil. 4.Philippiens: Mes Freres, med tez fans ceffe ce qui eft vrai, ce qui eft chafte, ce qui est juste, ce qui eft faint, ce qui eft aimable, ce qui fait une bonne reputation, ce qui eft felon la vertu & l'ordre de la dif cipline. Car ce font là les délices de l'homme d'un jugement fain, de l'homme fage & de bon goût, en quelque état & en quelque profeffion qu'il foit, du simple, comme du fçavant, du plus petit, comme du plus grand, felon la mesure de la fcience & des talens que Dieu a diftribué à un chacun de nous.

Ce même Apôtre nous marque le dernier trait de l'homme de bon goût dans ces autres paroles de fon Epître aux Collofiens; Mes Freres, fi vous êtes refsuscitez avec Jefus-Chrift, cherchez les chofes d'en-haut, goûtez les chofes du ciel & non celles de la terre. En effet, l'homme resfufcité, l'homme nouveau, l'homme li bre de la liberté des enfans de Dieu, qu'eft ca autre chofe qu'un homme dont l'efprit est toujours d'accord avec la raifon, qui n'a que du mépris ou de l'indifference pour les choles terreftres & paffa

geres

geres, & quin'eft veritablement touché, que de la beauté des chofes celeftes & éternelles, ou de celles qui en portent les traits & les caracteres ? En un mot, un homme qui n'aime rien, qui ne cherche rien que dans l'ordre de Dieu, & dépendemment de fon amour.

Enfin n'eftil pas évident que le bon goût des hommes qui habitent encore fur la terre, doit être l'avant-goût des chofes qui font la vie & les délices des habitans du ciel? Car fi la beatitude perfectionne la nature, elle ne la change pas. Si JefusChrift eft la vie des Saints dans le ciel, il doit commencer de fêtre fur la terre. Ses preceptes font la voye dans laquelle nous devons prendre plaifir à marcher; & sa verité doit être nôtre lumiere dans ce lieu de tenebres, fi nous voulons qu'il foit nôtre vie dans l'éternité. Autrement nous ne fçaurions nous réjouir dans l'efperance d'être admis au feftin éternel, que Dieu a preparé à ceux qui l'aiment; à ce feftin où les amis de l'époux feront éternellement enyvrez de ce que l'œil n'a point vû, que l'oreille n'a point entendu, & qu'il eft impoffible à l'efprit de l'homme de conce

voir.

Qu'on fe regle fur les paroles de l'Apôtre pour examiner le plaifir qu'on prend

G

dans la lecture; que l'on mefure à ces regles qui ne fçauroient nous tromper, les deffeins, les fentimens & les expreffions de tous les Auteurs qu'on admire, foit anciens, foit modernes; s'ils en approchent, foyons perfuadez que l'eftime que nous en en faifons, eft raifonnable, & que nôtre goût eft bon. Mais fi ces regles les condamnent, ne doutons point que nôtre goût ne foit mauvais; & fi ces ouvrages nous ont plû, c'est à causedu raport, ou pour ainfi dire, de laconfonnance où nous nous trouvons par le déreglement, & par la corruption de nôtre cœur. Un de ces Auteurs même l'a remarqué, lorsqu'il a dit que d'ordiLe Chr. naire ce qui plaît ne vient pas tant de la de Meré. perfection, que d'un certain temperament

qui s'accommode à nos fentimens naturels. Ces paroles font conformes à l'idée du goût en general, qué j'ay raportée cideffus.

Par exemple trouveroit-on du plaifir à voir les Poëtes & les Orateurs même chrétiens, s'épuifer pour nous donner une haute idée de l'ame d'Alexandre, parce qu'il avoit formé le deffein de fe rendre maître de tout le monde, parce qu'il en avoit ravagé une grande partie, & qu'il avoit dé folé des peuples qui ne l'avoient jamais offenfe, qui n'avoient pas même oüi par

lerde lui? Trouveroit-on bon qu'on nous propofât Cefar comme le modelle des heros, parce qu'il avoit porté la guerre par tout, & que par tout il avoit cû des maîtreffes? Approuveroit-on que l'on appellât generolité & magnanimité, l'orgueil de cette fiere nation qui vouloit foûmertre toutes les autres & marcher fur la tête des Rois, fi on n'étoit atteint des mêmes paffions, que les Poëtes & les Orateurs nous peignent dans ces perfonnages comme des vertus, fi on n'étoit ambitieux, fuperbe & voluptueux comme eux ?

Un homme qui fent fon cœur, qui fçait ce qu'il vaut, & pourquoi il eft fait, ne trouve que de la folie dans les deffeins d'Alexandre, qui s'imaginoït que les chofes fenfibles étoient capables de remplit le fien.

Un homme qui aime la juftice, n'a que de l'averfion pour ceux de Cefar, qui défola fa patrie & opprima la liberté de fes concitoyens, pour fatisfaire la vanité, & qui, quoiqu'il voulût être le maître de tous, étoit pourtant l'efclave des plus honteufes voluptez.

Un homme enfin qui fçait l'usage qu'il doit faire de fon efprit & de fes talens, n'eft touché que de pitié pour l'aveuglement de ces poëtes, qui font tant d'efforts

Abadie

con. de

pour faire parler aux Romans un langage qu'on peut appeller avec un Auteur de ce temps: L'extravagance & la fureur de l'homme, l'orgueil, un langage qui, selon lui, ne part. 2. fçauroit fortir du fein de la nature, non plus que celui de ces Rois fuperbes dont parlent les Prophetes, & que faint Jerôme dit être au - deffus de la foibleffe de l'homme.

6. [4.

In Ezech.

Ga 28.

A la verité on pardonneroit ce langage à ces poëtes, s'ils en corrigoient la malignité, s'ils difoient en même temps que cette fiere nation a été punie de fon orgueil, auffi-bien que ces Rois, par les plus grands châtimens & par les plus honteufes humiliations. Mais ils ne font ces pein. tures, que pour en donner de l'admiration, & une admiration d'eftime, c'eft-à-dire, pour porter ceux qui afpirent à la grandeur à les imiter. Et voila le mal; mal qui caufeune partie de ceux qui inondent la furface de la terre.

C'est donc en effet par la qualité des chofes que nous aimons, des lectures dans lefquelles nous nous plaifons, des fujets qui font les occupations les plus ordinaires de nôtre efprit que nous pouvons nous rendre à nous-mêmes témoignage de l'accord de nôtre efprit avec la raifon, & de la perfection de nôtre goût.

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