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d'accord de ces principes, eux qui ont été affez éclairez pour connoître que les fciences & les arts n'ont été donnez à l'homme que pour perfectionner sa raison, & pour le foulager dans fes besoins, c'est-à-dire, pour éclairer fon efprit, & redreffer fon cœur; pour lui découvrir fes devoirs, & pour lui enfeigner les moyens de les pratiquer, afin de parvenir à la felicité qu'il defire. C'eft ce que ces Sages entendroient comme nous par la perfection de la raifon, & ils conviendroient que tous les goûts particuliers des fciences & des arts, doivent fortir du bon goût de l'homme en tant qu'homme, comme des ruiffeaux de leur fource, fans quoi il ne fçauroit manquer de pecher eu beaucoup de chofes.

Ces Sçavans conduits par les feules lumieres de la nature, avoient pensé que la probité étoit la premiere qualité neceffaire pour former un Orateur parfait ; nous devons raifonner de même de tous les arts, & regarder la probité, comme le premier dégré qui peut nous élever à leur perfe&tion. Ainfi ce n'eft pas avoir le goût de ces arts, que de travailler fur des de ffeins qui peuvenr nuire à l'innocence & corrompre les mœurs.

Un Poëte par exemple qui compofe des vers pleins de moleffe, un Sculpteur, ou

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un Peintre qui reprefentent des nuditez honteufes, quoiqu'ils faffent voir quelque genic, quelque délicateffe, quelque force d'imagination, quelque adreffe de la main, ils ne font pourtant pas voir qu'ils ont la vraye intelligence de leur art. Tous les arts n'ont été inventez & perfectionnez, que pour l'utilité des hommes, pour rendre la vertu aimable, & pour conferver à la po fterité la memoire des grands perfonnages qui en ont donné de grands exemples. Or ces malheureufes compofitions ne pouvant fervir qu'à faire aimer le vice & à favorifer la débauche, elles prouvent que leurs auteurs n'ont jamais bien entendu leur art. Si à la vûë de pareils ouvrages les perfon nes d'un goût exquis, donnent quelque loüange au Peintre, elles n'ont que du mé. pris, ou même de l'averfion l'hompour me, qui n'a pas craint de fe déshonorer lui-même dans de tels deffeins, en y découvrant la corruption de fon cœur. Cet homme ne pouvoit-il faire preuve de festalens pour les vers, ou pour la peinture dans des deffeins plus innocens & plus honnê tes? Comment fe peur - on imaginer que Dieu ne condamne pas, ce ce que des усих, ou des oreilles chaftes ne peuvent voir ou entendre fans peine.

Voila ce qu'avoueroient tous les grands

hommes que nous vante l'antiquité. Ils demeureroient d'accord que leur goût étoit fort défectueux, parce qu'ils n'avoient de l'homme qu'une connoiffance trés-imparfaite. Ils ne croiroient pas que ce fût dans leurs Ouvrages que les Chrétiens dûffent chercher à perfectionner le leur, à moins qu'ils n'euflent acquis d'ailleurs toutes les connoiffances neceffaires, pour démêler le vrai d'avec le faux, le précieux d'avec le vil, le poifon qui tue les ames, d'avec la folide nourriture de la verité, qui les fait vivre, parce que, dit faint Jerôme, c'est l'effet d'une prudence confommée de chercher l'or dans la boiie, & les perles parmi Les ferpens.

XX.

Nous devons faire le même jugement des Sçavans de ce temps, qui ne litent & n'étudient que les payens. Leur goût cft vitieux en beaucoup de chofes, j'en prendrois encore les anciens pour juges. Ils feroient étonnez de voir les Chrétiens négliger les richeffes qu'ils poffedent, pour ne chercher qu'à s'enrichir de la pauvreté des Auteurs des premiers âges; & ne prendre pour guides ou pour maîtres dans les fciences & dans les arts, que des hommes qu'ils doivent regarder comme des aveugles, ou du

moins comme des hommes qui ne font pas affez éclairez, pour les conduire feurement dans prefque aucune des connoiffances qu'ils défirent.

Les Auteurs dont j'ay parlé dans le Dif cours precedent, ont dit des merveilles fur la conftitution des Poëmes épique & dramatique, fur l'unité de l'action, les mœurs & le caractere du Heros. Mais une preuve qu'ils manquoient de goût, c'eft qu'ils ont oublié leur propre caractere; ils en ont violé l'unité; ils ont montré qu'ils ne fe fouvenoient pas qu'ils étoient chrétiens,

& que le caractere de chrétien, auffi bien que celui de raisonnable, doit in fluer dans tous les autres, & regler toutes nos entreprifes. Car fi dans ces ouvrages, ils ont fait paroître de l'efprit & de l'érudition, ils n'oferoient pas fe vanter de les avoir entrepris par une veritable fageffe, par l'amour de la justice ou de la verité, pour la gloire de Dieu, ou pour leur propre fanctification, pour l'utilité de leurs concitoyens ou pour celle de l'Etat. Il n'y a pourtant que ces deffeins qui foient raifonnables & legitimes. De bonne foi fe font-ils pû imaginer que Dieu aprouvât des ouvrages qui n'ont pour bur, que d'enfeigner aux hommes à compofer des pieces, qui à la verité peuvent être de quelque utilité pour amu

fer les perfonnes oifives, mais qui d'un autre côté, caufent une infinité de maux par la vanité dont elles repaiffent les efprits, & par les paffions qu'elles nouriffent dans

les cœurs ?

La pieté doit être plus veritablement le caractere du Chrétien, qu'elle ne fut celui d'Enée, qui la viola dans un point effentiel, en époufant une femme pour un temps, quoiqu'il fçût bien qu'il feroit obligé de la quitter pour obéir aux Dieux, felon les Romanciers. Or les deffeins de ces Auteurs ont-ils que que raport avec la pieté ; avec ce culte pur & parfait, que nous devons à Dieu, qui veut que nous le cherchions en toutes chofes, & qui nous com mande que quelque chofe que nous faffions, nous le raportions à fa gloire.

11 eft vrai que le P. le Boffu (peut-être pour calmer une confcience qui lui reprochoit l'emploi qu'il faifoit de fon efprit) veut nous perfuader, Que le Poeme épique peut fervir à nous fanctifier, & que les fictions poëtiques de la protection des Part. 2. Dieux, nous apprennent à adorer Dieu, & à le reconnoître, comme le principe unique & neceffaire de tout ce qu'on peut faire de bien. Mais je crois, & tout le monde le monde le croira comme moi, que fi le ciel n'eft rempli que des hommes qui font de

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