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nêtes. Cela me fait fouvenir de ce que Ci-
ceron difoit d'Epicure qui avoit écrit un
Livre de la fainteté : Cer homme (difoit-
il) nous joue d'avoir l'effronterie de trai-
ter de la fainteté, lui qui ne croit point à
la providence; quelle fainteté peut-il y avoir
parmi les hommes, fi les Dieux ne le mê-
lent point de ce qui les regardent? M.
Defpreaux nous joue de même, lorsqu'il
nous dit qu'on peut peindre l'amour hon-
nêtement, & que lorfqu'on le fait ainfi
il ne sçauroit choquer les oreilles chaftes.

Un homme auffi fpirituel a-t'il pû croi re que l'amour du theatre puiffe être honnête de quelque maniere qu'on le tourne, ou qu'on l'habille ? Les coquêtes & les courtisanes en font-elles moins ce qu'elles font, pour affecter de fe vêtir auffi modeftement que les femmes les plus fages, ĻuCicero de dimur ab homine non tam faceto, quam divin.. ad fcribendi licentiam libero ?

S'eft-il pû imaginer que ce foit offrir de nobles Images de fon ame & de fes mœurs, que d'employer tout fon efprit, fon cœur & fon imagination à representer des intrigues d'amour les plus fpirituelles, à en exprimer les mouvemens les plus tendres & les plus paffionnez? Quel est l'êtat d'une ame qui fait tant d'efforts pour fe remplir de toutes les foibleffes & de tou

tés les folles pensées qu'infpire cette paffion,
pour en exciter dans fon cœur tous les mou-
vemens, & y en allumer tout le feu, com-
me il veut lui même qu'on le falle
bien réüffir.

pour

Mais pour bien exprimer ces caprices heureux, Ceft peu d'être poëte, il faut être amoureux. L'Anacreon moderne raifonne de même. If dit que fans une maîtreffe on ne fçauroit imiter l'ancien Jay imité ( dit-il ) jufqu'à fes paffions que je défavoue. Je ne fçai fi bien des gens feront perfuadez de la fincerité de ce défaveu. Les paffions n'agiffent qu'autant qu'elles font verirables. Et ane paffion ne feroit pas une paffion, fi on étoit le maître de s'en défaire, quand on le vou

droit.

Il eft vrai que tous les Poëtes ne font pas du fentimens de ces Meffieurs fur ce fujet; & qu'il y en a qui ont crû que les pensées de l'amour fe pouvoient feparer des mouvemens du cœur ; que l'on peut concevoir dans l'efprit les idées les plus vives & les plus touchantes de cette paffion, & empêcher en même temps que ces idées ne def cendent jufqu'au cœur. Un Poëte Italien avoit foin, à ce qu'on dit de fe donner for M. tement la difcipline, avant que de fe mettre à compofer des vers galants, & il ne manquoit point de faire des actes d'amour

Baillete

de Dieu, avant que de traiter de l'amour profane, de peur que fon cœur ne reçût quelque impreffion maligne du poifon dont fon efprit s'alloit remplir. Ce Poëre devoit enfeigner ce fecret à les Lecteurs, & leur confe ller de prendre une bonne dofe de fon remede, avant que de fe mettre à la lecture de fes vers. Par ce fage confeil, il auroit pû s'affeurer d'en empêcher tous les mauvais effets.

Selon ces Poëtes, il n'eft donc pas neceffaire d'être effectivement amoureux pour bien exprimer les caprices de l'amour. Mais ces Poëtes & tous ceux qui croient que l'on peut mettre des barrieres feures entre l'efprit & le cœur, pour empêcher l'amour de paffer de l'un à l'autre, n'y entendoient rien au prix de M. Defpreaux & du nouvel Anacreon. Comme il faut fentir le froid & le chaud pour en pouvoir bien parler; il faut que l'amour ait commencé de s'allumer dans le cœur pour échauffer l'efprit & pour rendre l'imagination feconde.

Mais s'il eft vrai que pour plaire, il faille émouvoir; il eft certain qu'on ne sçauroit émouvoir, qu'autant que l'on paroît foimême émû. C'est ce que difent également & les Maîtres de la Rhetorique & ceux de l'Art poëtique. Si vis me sière » dolendum eft primum ipfi tibi.

Il y a grande aparence que les Poëres qui ne font pas de ce fentiment, n'ont compofé que des vers infipides & ridicules, pour me fervir de l'épithete de M.Defpreaux, ou qu'ils n'ont parlé ainfi, que pour faire taire une confcience qui ne pouvoit manquer de leur reprocher l'accord qu'ils faifoient des devoirs ou de la religion, ou du facerdoce, ou de la vie monaftique avec des compofitions licentieufes & impures.

ง.

Mais revenons à la penfée de M. Defpreaux, qui veut que l'amour traité en termes honnêtes, n'ait rien de nuifible, ni pour les lecteurs, ni pour les fpectateurs.

que

On a deja fait voir par un nombre d'ouvrages contre les partifans de la comedie, la modeftie & l'honnêteté des termes, n'empêchent pas la malignité du poifon. On a montré au contraire que c'eft ce qui lui fait faire plus feurement fon effet, parce qu'on le boit avec moins de crainte & de précaution. Ainfi recommander cette honnêteté & cette modeftie dans les paroles, comme fait M. Defpreaux, ce n'eft autre chofe qu'autorifer la hardieffe de débiter & l'affurance de conter des chofes, que l'on ne pouroit ni dire, ni entendre autrement. Sont-ce les fons qui fortent de la bou

che, & qui frapent l'oreille, qui bleffent le cœur? Ce font les chofes fignifiées qui fous quelques termes qu'elles fe prefentent, forment toûjours les mêmes images & excitent les mêmes mouvemens, puifqu'on n'en parle qu'à ce deffein, comme l'en-tend & le veut M. Defpreaux.

Dette paffion la fenfible peinture Eft pour aller au cœur la route la plus sûre N'eft ce donc pas fe jouer du vice & de la vertu, que de faire refider l'un & l'autre dans les mots & dans les expreffions; de défendre l'impureté à la langue & de la permettre au cœur. Car encore qu'il foit vrai que dans les occafions de neceffité, on puiffe parler de ces chofes fans offenser la pudur, parce qu'alors c'est la raison seule qui parle & qui ne veut parler qu'à la raifon, comme je l'ay dit dans le Difcours de la chafteté du ftile & du langage, néanmoins avec cette précaution de s'éloigner toûjours des termes corompus & profanez par la bouche des débauchez; on n'en fçauroit pourtant parler honnêtement hors lat neceffité, parce que quand il n'y a pas nec ffiré, ce ne peut être que la paffion qu' en fait parler, & la paffion ne fçauroit jamais parler ni honnêtement, ni innocemment, puifqu'elle parle ou pour émouvoir ou pour entretenir dans les autres une pail

de

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