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fion femblable; ce qui eft un crime.
Il eft donc certain que de quelque ex-
preffion, dont fe puiffent fervir & Rodri-
gue & Chimene, pour dire ce qu'ils veu-
lent dire; ils n'en feront pas moins des em-
poifonneurs au jugement des perfonnes é-
clairées, qui ne peuvent voir fans douleur
l'égarement de ceux qui s'imaginent que
la chafteté fe peut trouver dans des écrits
faits exprés pour la coronipre, comme M.
Defpreaux le pretend dans ces vers.

Je ne fuis pourtant pas de ces triftes efprits
Qui banniffent l'amour de tous chaftes écrits,
D'un fi riche ornement veulent priver la Scene,
Traitent d'empoisonneurs & Rodrigue & Chi-

mene.

Ileft difficile de comprendre qu'un hom me auffi fçavant & auffi fpirituel air penfé qu'on pouvoit allier l'amour du theatre ou du Roman avec la chafteté, & que cette vertu fi delicate pût fouffrir foit en profe, foit en vers des difcours, dont le bur eft de la furprendre & de la faire tomber. Le pretextemême d'un mariage fupofé & imaginaire ne fçauroit juftifier le deffein de l'Auteur, puifque le poifon a fait fon effet dans le cœur du lecteur ou du fpectateur, avant le dénouement de l'intrigue. Ceuxqui aiment les Romans ou la comedie,ne les aiment pas pour aprendre les moyens de

réüffir dans la recherche d'une fille fage & vertueuse, & pour parvenir à un mariage fortable & honnête..

D'ailleurs ce n'eft point par la legitimité de l'Amour que M. Defpreaux pretend justifier les vers tendres & paffionnez. Que cet amour ait pour but un mariage ou un crime, il lui eft égal, pourveu que cet amour fçache fe couvrir de l'honnêteté des expreffions, & qu'il s'éloigne toûjours des groffieres équivoques, puifque, felon lui,. P'amour le moins honnête exprimé chaftement ne porte aucun venin, & n'eft pas capable de faire le moindre mal..

M. Defpreaux n'eft donc pas en effet un moins dangereux Auteur, ni moins déferteur de l'honneur, pour me fervir de fes termes, quoiqu'il fe cache un peu plus que les autres, puifqu'il trakit la vertu d'une maniere même plus dangercufe, en enfeignant le fecret de rendre le vice moins haïf fable, & de lui ôter par la modeftie & l'honnêteté des termes cet air fale & affreux qui fait honte aux plus effrontez. Si par la chafteté du ftile, il adoucit les images du vice, ce n'eft que pour les faire recevoir avec moins de fcrupule & de remord, & pour vaincre plus feurement la refiftan ce de la pudeur & de la confcience.

VI.

M. Defpreaux lui-même donne la preuve de ce que je dis, puifqu'il veut que le Poere aille au cœur, c'eft à dire, qu'il le bleffe des traits de la paffion qu'il peint. De cette paffion la fenfible peinture

Eft pour aller au cœur la route la plus sûre.

ce

Il veut donc toûjours toucher le cœur, & s'il employe les termes honnêtes n'eft qu'afin de ne pas manquer fon coup.

و

Mais il avotie lui-même ailleurs que ces, peintures avec quelques couleurs qu'on les puiffe faire, bleffent fouvent la chafteté, & même mortellement. C'eft dans la fa tyre contre les femmes.

De quel air penfes-tu que ta Sainte verra
D'un fpectacle enchanteur la pompe harmo

nieufe;

Ces Danfes, ces heros à voix luxurieufe,
Entendra ces difcours fur l'amour feul roulans
Ces dangereux Renault, ces infenfez Rolands,
Sçaura d'eux qu'à l'amour, comme au feul Dieu
fupreme,

On doit facrifier jusqu'à là vertu même.
Qu'on ne fçauroit trop tôt fe laiffer enflammer,
Et tous ces lieux communs de morale lubrique
Que Lulli rechauffa des fons de fa mufique..

Mais de quels mouvemens dans fon cœur excitez
Sentira-t'elle alors tous les fens agitez ?

Je ne te reponds pas qu'au retour moins timideDigne écoliere enfin d'Angelique & d'Armide, Elle n'aille à l'inftant pleine de ces doux fons Avec quelque Medor pratiquer ces leçons, Et ne prefume pas que Venus ou fatan Souffre qu'elle en demeure au terme du Roman. Car encore que M. Defpreaux ne parle dans ce lieu que de l'Opera & des conversations mondaines; ce qu'il dir de leurs funeftes effets, eft commun à la comedie & à tous les autres poëmes, où fe débitent les mêmes chofes, & je ne pense pas qu'un auffi fçavant Ecrivain en air voulu faire de diftinction. La comedie n'eft pas juftifiée de ce que l'opera eft encore peut-être plus mauvais que la comedie. On aprend à la comedie comme à l'opera, à entendre des déclarations d'amour, & à entretenir un commerce que le monde appelle galanterie; & il n'eft pas plus à prefumer qu'une femme qui aime ou la lecture ou la reprefentation de la comedie, laquelle roule toute fur l'amour & fur les lieux communs de morale lubrique auffi bien que l'opera, en demeure toûjours au terme du Roman, & ne prenne pas plaifir à jouer le personnage qui lui plaît dans la comedic. Seneque

dit, qu'il faut ou haïr ou imiter ces choses; qui ne les haft donc pas, eft dans une difpofition prochaine à les imiter. Que M. Defpreaux s'accorde avec lui-même, qu'il avoue qu'il a cû tort de parler comme il a parlé dans l'un ou dans l'autre de ces ou vrages.

Mais eft il poffible que ce fouverain arbitre du merite des Auteurs, fe contredife fi manifeftemement? Cela fait voir que la nation des Poëtes ne parle que felon la fureur qui les agite.lls ne cherchent rien moins qu'à dire la verité & à infpirer la vertu. Ils ne veulent qu'étourdir le monde. Le vice & la vertu font une même chofe pour eux. Pourveu que leurs vers fe lifent, ils font contents, & ils ne fe foucient guéres du mal qui en peut arriver.

VII.

M. Defpreaux qui a une fi parfaite connoiffance de l'homme, veut que les productions d'un Poë e, ne foient que les fruits de fa fcience, & que la nature foit fa maîtreffe en tout ce qu'il dit. Voici comme il s'exprime.

Que la nature donc foit vôtre étude unique

Auteurs qui pretendez â l'honneur du comique. Quiconque voit bien l'homme & d'un efprit profond..

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