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fonnent, qu'ils commandent au ciel & à la terre: Cieux, écoutez ce que je dis que la terre foit attentive aux paroles de ma bouche. Ne faut-il pas qu'un homme foit plein du Dieu qui a fait le ciel & la terre pour parler à l'un & à l'autre avec cet empire?

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Mais que va dire cet homme qui merite que le ciel & la terre l'entendent? 11 va marquer les deftinées de tout l'univers, les vengeancees que Dieu exercera dans la fureur de fa colere contre ceux qui auront adoré les idoles; afin de faire connoître qu'il eft le feul Dieu, & qu'il n'y en a point d'autre que lui: Le fen de ma colere s'eft allumé, & il brúlera jusqu'au fond des enfers, il devorera la terre, il confumera les montagnes jusqu'aux fondemens, fe fuis le feul Dieu (dit le Seigneur) & il n'y a point d'autre Dieu que moi. Il déclare qu'il eft le fouverain arbitre de la vie & de la mort, du falut & de la perte de tous les hommes. Il jure que perfonne ne les pourra fouftraire à fa vengeance. C'est moi qui fais mourir, & c'est moi qui fais vivre ; je frappe & je gueris, & nul ne se peut fauver de ma main ; je livrerai ma main au ciel, & je dirai: C'est moi qui vis dans l'éternité, &je me vengerai de mes ennemis ; j'en

par

yurerai mes fleches de leur fang, ainsi le Moïfe. Or qui eft l'homme mortel, à qui le fentiment de fa foibleffe & de fa mifere permît de pouffer des paroles fi grandes, des expreffions fi majeftueufes, des menaces fi terribles? Ne faut-il pas que ce foit le fouverain Seigneur de l'univers, qui éclaire fon efprit, qui anime fon courage, qui rempliffe fon imagination, qui remue les organes pour lui faire prononcer ces arrêts foudroyants?

Les payens frappez de la force & de la majefté de ce langage de Moïfe, & de ce qui fe trouve de femblable dans les autres Cantiques & dans les Prophetes, furent perfuadez que des hommes qui parloient ainfi, éroient animez d'un esprit divin pour ne rien dire qui ne fût au-deffus de toutes les penfées des hommes mortels, au-deffus de leur fcience & de leur force. De forte que charmez & enlevez par la magnificence de ce ftile, ils fe formerent une fi grande idée de la poëfie, qu'ils crûrent que pour la remplir, il falloit des hommes qui parlaffent non d'eux-mêmes mais par entoufiafme, & comme les oracles de quelque Dieu..

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Voila l'origine de la fureur que l'on a demandée dans ceux qui compofent en vers; & quelque chofe que faffent les cri

tiques, je ne crois pas qu'ils en puissent trouver une autre qui ait quelque apparence de verité.

XI.

Mais fi c'eft là l'origine de la fureur poëtique, c'eft auffi celle du fublime, que l'on demande dans les penfées & dans les expreffions des poëtes, de ce grand & de ce magnifique qui enleve, qui transporte & qui ravit. Car de bonne foi comment auroit-il pû entrer dans la penféc des hommes, que les poëtes doivent dire des chofes qui foient au-deffus de la nature, qu'ils doivent publier des prodiges & des miracles qui furpaffent fes forces & fes loix ordinaires ; s'ils n'en avoient trouvé de ce caractere, de cette grandeur & de cette fublimité dans les poëtes facrez ? L'homme ne peut parler que comme il penfe ; & de lui-même il ne fçauroit penfer que les chofes ou qui font, ou qui lui femblent poffibles, en un mot que ce qui eft conforme à l'ordre de la nature. C'est donc une neceffité que fon efprit foit infpiré & conduit par le Dieu qui eft le maître de la nature, pour tenir un langage fupcrieur à la nature.

Les poëtes profanes ne fe feroient jamais imaginé que ce fublime fût de l'effen

ce de la poëfie, ils ne l'auroient pas même connu, s'ils ne l'avoient vû dans les poëtes facrez. Mais aprés l'avoir remar qué & admiré dans ces poëtes, ils crûrent que la poëfie ne pouvoit jamais marcher fans lui; & qu'il falloit que les poëtes ne chantaffent rien que de merveilleux, rien qui ne fût au-deffus des pensées ordinaires des hommes: Nihil mortale fonat.

Mais quand ce que j'ay dit jufqu'ici de l'origine de la poëfie & du merveilleux que l'on y demande, pourroit être contefté; les regles que les maîtres nous donnent de l'Ode ne laifferoient aucun lieu d'en douter. Ils y demandent un fublime qui furpaffe celui de tous les autres poëmes; ils veulent qu'on s'y éleve jufqu'aux cieux, & qu'on y entretienne commerce avec les Dieux; qu'on en banniffe cet ordre methodique & ces liaisons exactes, que l'on aime dans toutes les autres compofitions; & qu'enfin pour entrer dans la raison, on forte pour ainfi dire de la raifon. Voila l'idée que nous donne de l'Ode M. Defp.... dans fon difcours fur l'Ode & dans fon Art poëtique.

L'Ode avec plus d'éclat & non moins d'energie Elevant jufqu'au Ciel fon vol ambitieux,

Entretient dans fes vers commerce avec les

Dieux,

Son ftile impetueux fouvent marche au hazard,
Chez elle un beau désordre est un effet de l'art.

Ce fçavant Autheur nous reprefente par ces traits la conftitution de l'Ode fans doute parce qu'il les a remarquez dans les Odes des anciens. Mais ni lui, ni aucun autre des admirateurs de ces anciens poëtes, ne fçauroit montrer par des raifonnemens folides qu'ils ayent été d'euxmêmes capables de forger une pareille idée de cette forte de poëme. On aura beau nous vanter le genie de Pindare ou de ceux qui l'ont ou dévancé ou fuivi; plus ces hommes avoient de bon fens & de rai

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fon, moins ils pouvoient penfer que le défordre puiffe produire la beauté, & que pour entrer dans la raifon, il faille fortir de la raifon. L'ordre eft le fondement de tous les arts. Quels qu'ils foient, tous tendent à la solidité & à la beauté, & par confequent à l'unité qui eft le principe de l'une & de l'autre ; puifqu'il n'y a veritablement de folidité & de beauté que dans l'unité. Or il eft certain que l'on ne parvient à l'unité que par l'ordre & par l'exactitude des liaifons. Tout ce que la raifon nous enfeigne, foit dans les arts,

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