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Ep.

à les expliquer, les difciples devoient auffi l'apprendre aux autres. S'ils ont été les inventeurs de leur fcience,'ils ne la devoient pas ensevelir fous ces énigmes ; & s'il eft vrai qu'ils l'ayent fait, on ne fçauroit les en excufer.

Seneque fe mocque de ceux, qui pour juftifier leur paffion pour Homere, vouloient qu'il eût été un grand Philofophe; & il dit fort bien, que puifque les Philofophes les plus oppofez de fentiment y pretendoient trouver leurs principes, c'est une preuve trés-claire qu'il n'a -nullement été Philofophe. Car s'il l'avoit été, il auroit fuivi fes principes, & n'auroit point dit des chofes qui fe contredifent: Homerum Philofophum fuiffe perfuadent, cùm his ipfis quibus colligunt, negent. Nam modò Stoicum illum faciunt, modò Epicureum, modò Peripateticum, modò Academicum, apparet nihil horum effe in illo, quia omnia funt. Qu'auroit dit Seneque, s'il avoit vû qu'un Auteur Chrétien, comme celui du Traité du poëme Epique, fe fût mis en tête de trouver toute nôtre Theologie dans Homere & dans Virgile.

Enfin depuis que les poëtes virent que les peuples prenoient à la lettre tout ce qu'ils difoient de leurs Dieux, ils furent inexcufables d'avoir & laiffé croire à des Dieux moins

juftes, moins chaftes, & moins fagès que
les hommes mêmes, & d'avoir laiffé éta-
blir des religions dénuées de toute appa-
rence de raifon & de verité ; fi en effet ils
;
entendoient fous ces fymboles toute autre
chofe, que ce que portoit la lettre. Mais
ils ne le font jamais avifé de dérromper les
peuples, parce qu'en effet toutes ces inven.
tions étoient des artifices fuggerez par le
demon pour les tromper.

al. 201.

Saint Auguftin reprefentant dans une de fes lettres à un Payen, combien le culte idolâtre choquoit la raifon & la juftice, fe fair cette objection: Vous direz peut-être que Ep. ad les fages entendent & expliquent bien diffe- Nect. 91. remment des autres, ce que les anciens ont écrit des mœurs & de la vie des Dieux ? Mais quand est-ce que nous avons entendu faire au peuple dans vos temples de ces explications falutaires? On ne voit autre choSe en peinture, en bronze, en marbre, en gravure, en profe, en vers, en comedies, en chanfons, en ballets, que Jupiter adultere. Si donc on avoit quelque chofe de lui qui allat à condamner ces infamies, on devoit bien tout au moins le faire lire dans le Capitole. C'eft ce qu'il traitte encore Lib. 26, plus au long dans la Cité de Dieu. Il reproche aux Payens qu'on n'a jamais donné dans leurs temples de preceptes pour bien

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vivre; qu'on n'y a jamais fait des exhortations pour porter les peuples à la vertu.

Mais fini Homeres ni Hefiode, ni tous les autres poëtes fabuleux n'ont pas dic un feul mot, qui fit entendre qu'il faloit chercher dans leurs poëmes, des fens allegoriques & myftiques; c'eft gratuitement qu'on les veut entendre autrement qu'ils ne parlent. Car les Auteurs qui ont voulu couvrir des myfteres, ont cû foin d'en dire quelque mot. Si ceux que le S. E prit a infpité, parlent fouvent en figures & en paraboles, ils enfeignent auffi fouvent trés-clairement ce qui eft neceffaire pour l'intelligence de ces figures & de ces paraboles.

Si on pretend que les poëtes ne font pas les premiers Auteurs de ces fictions, & qu'ils n'ont fait que ramaffer les contes des vieilles & des petits enfans, ou les réveries de quelques infenfez, pour en faire la matiere de leurs vers; font-ils excufables d'avoir forgé de magnifiques deffeins for des fortifes & des bagatelles, d'avoir chanté comme de grandes chofes, ce qui ne pouvoir être que l'objet du mépris des perfonnes raisonnables ; & enfin d'avoir laiffé croire ces contes comme des veritez?

X V.

Il eft donc certain que la fable doit fa naiffance principalement à l'envie, que les poëtes profanes ont eûe d'imiter les poètes facrez, & de chanter comme eux des chofes grandes & merveilleufes. Ces fictions ont fait le fond de tout le culte idolâtre, par la puiffance que le perc du menfonge avoit fur l'efprit des hommes, qu'il manioit comme il lui plaifoit, & aufquels il faifoit croire les chofes les moins apparentes & les moins raisonnables, afin de fe faire fervir par la foi comme Dieu même. C'est ce qui à fait dire à Tertulien, que lorfque l'on enfeigne ces fictions aux enfans, on les inftruit dans la foi des demons, fides diabolo De Idol. adificatur.Et Theodoret fait voir dans fon premier difcours pour guérir les Grecs de leurs préjugez; Que tout ce qu'ils croyoient de leurs Dieux, n'étoit fondé que fur la foi qu'ils ajoûtoient à ce que les poëtes avoient écrit dans leurs vers.

Les efprits forts & les plus fçavans critiques fe tourmenteront inutilement, pour trouver d'autre caufe, tant des fictions des poëtes fabuleux, que de la facilité avec laquelle les peuples ont crû toutes ces extravagances. Si les hommes n'avoient point été le jouet du demon, auroient-ils été capables

Serm. I.

de fidea

de tomber dans un égarement fi prodigieux, que fi le fait n'avoit tous les fondemens de certitude, que la raifon peut défirer, on ne le pourroit jamais croire.

XV I.

Les poëtes payens ayant donc été obligez de feindre, pour dire des chofes qui euffent un air de grandeur femblable à celui qu'on voit dans les poëtes facrez; & ayant enfanté la fable pour faire le fujet de leurs poëmes, ils ont donné lieu à cette fauffe opinion, que la fiction eft effentielle à la poëfie. C'est ce qui a fait donner à ceux qui compofent en vers le nom de poëtes c'eft-à-dire, faifeurs de fictions. C'eft auffi ce qui a fait dire qu'une piece de vers, où il n'y a rien que de vrai & de conforme à l'hiftoire, ne merite pas le nom de poëme ; car, felon l'Auteur du Traité du Poëme épique, la fable & la fiction font la matiere neceffaire de ce poëme; ce qui fait dire à celui del' Art poëtique, que le Poëme épique,

Dans le vafte recit d'une longue action Se foûtient par la fable, & vit de fiction, Et ces Meffieurs qui s'arrogent l'autorité de faire des loix, qui fe font érigez en maîtres du Parnaffe, portent fi loin

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