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quoiqu'il foit vrai, que tous les arts naiffent de l'obfervation de la nature, comme le dit Ciceron; il eft pourtant certain que l'on ne va chercher les arts dans cette fource, qu'aprés que nous en avons receu des effais d'ailleurs. Qui s'aviferoit jamais de foüiller dans le fein de la nature, pour y découvrir les principes d'un art, dont il

n'auroit encore aucune connoiffance: on a veu des maifons, avant que l'on ait cherché les regles de l'architecture; on a oüy chanter avant que l'on ait cherché celles de la mufique. Et fi c'eft dans la nature qu'Ariftote, Horace, & tous les modernes ont puifé, ce n'a été qu'après avoir confideré les anciens poemes, c'est-à-dire, ceux des payens; & avoir fait des reflexions fur leur matiere, leur deffein & leur compofition.

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Heureux s'ils avoient fçû démêler dans ces poëmes, ce qui eft veritablement de la nature, d'avec ce qui n'eft que la produ&tion de l'imagination corrompuë de certains hommes, dont l'efprit de menfonge s'eft fervi pour feduire le genre humain par des fictions, que la raison & la nature condamnent également; la raifon, parce qu'elle ne fçauroit approuver ce qui ne fert qu'à émouvoir les paffions, & la nature parce qu'elle ne fçauroit goûter une fauffe

imitation de ce qu'elle peut avoir de beau & de grand.

III.

S'il y a donc beaucoup de raifon de croire qu'Adam n'a pas ignoré la Poëfie ; il y en a de même de croire qu'il en a inftruit Les enfans & fes petits enfans, avec lefquels il a fi long-temps vécu. Il n'y a point même de temerité à dire qu'ils en ont fait quelqu'ufage. Un des plus Sçavans Ecri vains de ce temps ( je parle de Monfieur P. 226. l'Evêque d'Avranches dans la demonstra227. tion Evang.) croit qu'avant Moïfe & avant même le deluge, il y a eu des hommes, qui ont mis en vers ce qui leur étoit arrivé de grand par la protection de Dieu pour être chanté en efprit de reconnoiffan ce à la gloire de ce fouverain Etre; & c'estlà fans doute l'origine des hymnes. Ce fentiment ne luy eft pas particulier, Vof. fius a crû comme luy,que les hymnes & les cantiques avoient commencé prefque avec le monde, & trés-long-temps avant que les Poëtes payens fe ferviffent des fictions de la fable pour traitter des mœurs, quòd carmina five cantica pænè cum mundi incunabulis cœperint, eaque multis fuerint faculis antequam vita & mores per fabularum figmenta tractarentur.

Enfin fi Jubal eft le pere de la mufique, Gen” 4. comme il eft dit dans le 4. ch. de la Genefe, il falloit que les poëmes & les cantiques fuffent avant la mufique. Car il ne peut l'avoir inventée, ou pour mieux dire plus particulierement cultivée, que pour mettre en chant les compofitions mefurées de la Poefie que la Mufique fuppofe neceffairement, puifqu'on n'invente les airs qu'aprés les paroles. Er je diray icy en paffant que dans les lieux de l'écriture, où il eft dit que quelqu'un fut pere de quelque art, cela ne fignifie point qu'il en foit ve ritablement l'inventeur, mais feulement qu'il l'a cultivé, qu'il l'a reftauré, & qu'il ya excellé. Car il eft dit dans le même endroit, que Jaber fut le pere de ceux qui habitent dans les tentes, & qui paiffent les troupeaux; or il ne faut or il ne faut pas croire, qu'avant Jaber il n'y eût point eu de pafteurs, puifqu' Abel l'avoit été ; & que ces paftcurs n'euffene point eu d'autre couverture que le Ciel. Ces paroles veulent donc dice feulement qu'il fur fort habile dans la conduite des troupeaux. C'eft dans se même fens qu'il eft dit qu'Enoch commença d'invoquer le nom du Seigneurs ce qui fignifie qu'il s'acquita du culte de Diéu avec plus d'ordre & de foin que les autres. Nous trouvons une pareille ex

preffion dans Ciceron, qui appelle Socrate le pere de la Philofophie; quoy qu'il s'en faille beaucoup qu'il n'ait été le premier des Philofophes dans l'ordre des temps. Mais de quelque maniere qu'on l'entende, il faut toûjours qu'on m'accorde que l'art de compofer en mufique fuppofe celuy de compofer des chanfons c'eft à dire l'art poëtique.

Nous pouvons dire encore fans crainte qu'on nous convainque de faux, que la memoire de ce qui s'étoit pafle dans les commencemens du monde, & de ce que Dieu vouloit faire fçavoir à la pofterité, s'étoit confervée jufqu'à Moïfe dans quelques poëmes, qui avoient paffé jusqu'à luy, ou par une tradition de vive voix, ou dans des écritures que nous n'avons plus; & que c'eft fur ces poëmes qu'il a compofé fes livres. Cela n'empêche point qu'il ne foit vray, que c'eft l'efprit de Dieu, qui l'a éclairé & conduit d'une maniere furnaturelle dans tout ce qu'il a écrit ; puifque ni luy ni les autres ne pouvoient favoir com ment Dieu avoit créé le monde, fi Dieu même ne le leur avoit revelé ; & que fi c'eft ce divin Efprit, qui l'a infpiré pour ánoncer aux hommes tant de myfteres, qui fe devoient accomplir dans les ficcles à venir, il l'a fait de même, pour leur

apprendre ce qui s'étoit fait dans les ficcles paffez.

Ileft conftant que Moïfe a compofé en vers, finon tous les livres, comme quelques fçavans le croyent, au moins les deux fameux cantiques qui s'y trouvent; le premier aprés le paffage de la mer rouge, & l'autre fur le point de quitter le monde. Il y en a beaucoup encore qui croyent, qu'il eft l'auteur du livre de Job; & que ce livre eft un poëme qui contient les fouffrances, la patience, & la profonde fageffe de cer homme jufte.

Ainfi il y a beaucoup d'apparence, que Moïse pour écrire en ce genre s'étoit formé fur les poëmes de ceux qui l'avoient dévancé; & on peut dire fans temerité que c'eft à l'exemple de leurs anciens que les Ifraëlites compofoient leurs cantiques, pour celebrer les merveilles que Dieu operoit en leur faveur ; & pour en conserver le fouvenir aux fiecles futurs, comme nous voyons qu'ils l'ont fait en plufieurs rencontres, tant dans l'ancien que dans le nouveau Teftament. Nous ne devons pas même douter que nous n'euffions encore plufieurs de ces exemples, fi les livres des guerres du Seigneur nous avoient été confervez. Car au fentiment de plufieurs Cririques, ces livres avoient été écrits avang ceux de Moïfe.

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