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fie eft mis à fou veritable ufage, quand on l'employe pour défendre la caufe de Dieu. Ces reflexions font dignes de leur Auteur. Nous n'ufons bien de nos talens , que lorfque nous les employons pour nous entr'aider à connoître Dieu & à le fervir.

Enfin fi Orphée a veritablement existé, s'il a compofé des vers qui le firent regarder comme un homme divin & l'oracle de la fageffe ; nos poëtes peuvent être fes imitateurs, comme il a été l'imitateur immediat de Moïfe. Ils peuvent travailler à nous faire goûter les vertus Evangeliques, qui font feules capables d'apprivoifer les Tigres & les Lions, de faire paître enfemble les Loups & les Agneaux, parce qu'elles feules peuvent dompter les paffions qui rendent les hommes plus cruels que les Tigres & que les Lions, & qui font caufe qu'il fe commet plus de meurtres & de brigandages dans les villes, que dans les déferts même & dans les forêts.

Le nouvel imitateur de l'Anacreon & de Pindare M. de la Motte dit, que l'art poëtique eft de foi-même indifferent au bien & au mal; que les poëtes ne cherchent qu'à plaire, laiffant aux Philosophes le foin d'inftruire. Je fuis fâché que de telles paroles foient échapées à un Auteur fi judicieux. J'avoue que les poëtes ne cher

chent qu'à plaire; mais en cela ils ont tort. J'avoue encore que tous les arts confiderez eux-mêmes auffi bien que les créatures infenfibles, font indifferens au bien & au mal. Mais nous les devons regarder dans les deffeins de Dieu qui a tout fait pour fa gloire, qui nous a donné les arts, afin que nous nous en ferviffions pour le glorifier & pour nous foulager dans les neceffitez de la vie. Saint Paul difoit que toutes Rom, les creatures gemiffoient dans l'attente de 201 fe voir affranchies de la corruption à laquelle les hommes les ont affujetties. Nous pouvons dire la même chose des arts dont les hommes fe fervent pour le corrompre les uns les autres; ils gemiffent de ce qu'on les employe à des ufages fi oppofez aux deffeins de Dieu. Et l'art poëtique eft celui de tous dont on abufe le plus & avec le moins de remords.

M. l'Abbé Teftu de l'Academie Françoife, dans les Stances chrétiennes fur des fujets tirez de l'Ecriture & des Peres, & Mademoifelle de la Guerre dans fes Cantates fur des fujets à peu prés pareils s'efforcerent de retirer la poëfie de cette honteufe fervitude; & en montrant que la nature & la grace concourent en eux pour enrichir nôtre langue de faints Cantiques également capables d'éclairer nos efprits

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Fev.

des lumieres de la foi, & d'embrafer nos cœurs des ardeurs de la charité; ils font en même temps la preuve de ce que j'ai dit, que le fyfteme poëtique n'a nulle alliance avec la fable, & que de foi-même il ne refpire que la verité & la fainteté.

Le Journal de Trevoux, de qui nons 1709. apprenons l'impreffion des Cantates de Art. 20. Mademoiselle de la Guerre, nous apprend auffi au même lieu, que M. de la Motte en a compofé plus de cinquance fur les plus beaux évenemens de l'hiftoire fainte. Et il ajoûte: Qu'il fouhaitteroit que ces Cantates fuffent imprimez avec des argumens en profe& des figures de la main de nos plus habiles Graveurs; que ce feroit le moyen d'inftruire les perfonnes du fiecle de la religion. Qu'il feroit doux (ajoûte-t'il encore) de voir la poësie, la peinture, la mufique, ces beaux arts trop fouvent profanez par d'indignes, par de criminels ufages, Je réunir pour prêter leurs ornemens à la parole de Dieu.

Ces fouhaits partent d'un cœur veritablement fage & chrétien. Car il eft certain, que fi Dieu fait tout pour lui, il ne fçauroit donner aux hommes ces talens extraordinaires, que le faint Efprit appelle du nom de fageffe dans l'Ecriture,lorf qu'elle parle de la fabrique du Taberna

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cle de Moïfe; que pour les faire fervir à fa gloire dans la conftruction du Tabernacle fpirituel, dont le premier n'étoit que la figure. Er les employer à autre chofe, c'eft ufer de fes propres bienfaits, pour élever des idoles en Ifraël; & tomber dans la folie avec la fcience que Dieu nous a donnée pour le glorifier.

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Pour venir en fin à la conclufion de ce Difcours, aprés tout ce que j'ay dit, il eft facile d'inferer non feulement que la poëfie n'a nul rapport neceffaire avec la fable; mais même qu'elle la rejette comme fa honte & fon deshonneur. Elle n'a fervi dans fa naiffance qu'à décrire les merveilles du Tout-puiffant, à publier les oracles de fa juftice & de fa mifericorde, elle voudroit qu'on ne la fît pas dégenerer, ni fervir à rien d'indigne de cette noble origine.

Loin donc de nôtre poëfie tous ces noms de divinitez fabuleufes; loin toutes ces expreffions qui en marquent les myfteres. Ce font des reftes de l'idolâtrie dont il faudroit exterminer même la memoire, s'il étoit poffible, & dont au moins on ne fe doit fouvenir qu'avec pitié. Ces expreffions deshonnorent non feulement nôE

Jerem 10.14.

tre poëfie, elles nous deshonorent encore nous-mêmes. Et il eft à craindre que nous ne rendions quelque honneur à des divinitez, dont nous pretendons ennoblir nos vers. Les Ecrivains qui ont le mieux connu le genie de la poëfie, les condamnent. L'Auteur des nouvelles reflexions fur l'Art poëtique dit, que la maniere d'ecrire de nos poëtes eft toute payenne, & qu'ils s'en excufent mal fur l'exemple des anciens. Saint Jerôme qui a peut-être plus cité les Auteurs profanes qu'aucun autre des Peres, défend aux Chrétiens de fe fervir de certaines expreffions qui font ve nuës du paganifme. Abfit ut de ore ChriEp. ad ftiano fonet, fupiter omnipotens, & me Papam. Hercule, & me Caftor, & cætera magis portenta quàm numina.

Le plus fameux des poëtes lyriques de ce temps a paffé condamnation fur ce fujet, même à l'égard de la poëfie Latine, Quoiqu'il eût été dans l'ancien préjugé, & qu'il l'eût défendu par écrit, devenu plus fage ( dit-il ) il l'a condamné dans le volume de fes Hymnes, & même il a fait imprimer le poëme de fon adverfaire fur la vanité des fables. In vanas poëtarum fabulas. Il l'appelle fon frere à la façon des Hebreux; car c'étoit fon coufin germain. Voici ce qu'il en dit:

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