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CHAP. point touché de cette effroyable incertiXIV. titude, & pour être capable, lorsque l'on eft fur le point d'en faire l'eflai, de prendre encore plaifir à difcourir avec fes amis, & à jouir de la vaine fatisfaction que donnent les fentimens d'affection & d'eftime qu'ils nous font paroître. Voilà néanmoins ce qui a occupé l'efprit de Socrate dans le plus beau jour de fa vie, au jugement des Philosophes, qui est celui de fa mort.

CHAPITRE XIV.

Foibleffe de l'homme dans fes vices, & dans fes défauts. Nulle force qu'en Dieu.

ST

I les vertus purement humaines ne font que foiblefles, que doit on juger des vices? Quelle plus grande foibleffe que celle d'un ambitieux? Il néglige tous les biens réels & folides de la vie, il s'engage à mille dangers & à mille traverles, parcequ'il ne peut fouffrir qu'un autre ait fur lui quelque vaine préeminence

Quelle foiblefle que de regarder comme nous faifons avec complaifance, mille chofes ridicules, lors même que nous fommes perfuadés qu'elles le font; Qui eft-ce qui n'eft pas convaincu que c'elt.

tine baffelle de se croire digne d'eftime, CHAP parcequ'on eft bien vêtu, qu'on eft bien à XIV. cheval, qu'on eft jufte à placer une balle, qu'on marche de bonne grace? Cependant combien y en a-t-il peu qui foient an-deffus de ces chofes-là,& qui ne foient pas flattés quand on les en loue?

Peut on s'imaginer une plus grande foibleffe que celle qui fait trouver tant de goût dans les divertiffemens du monde? Car eft-il poffible de réduire une ame à un état plus bas, & plus indigne d'elle que de lui interdire toute autre pensée pour ne l'occuper que du foin de condui-re le corps qu'elle anime felon la cadence d'un inftrument de mufique, ou de fuivre des bêtes qui courent après d'autres bêtes? Cependant c'eft prefque là tout ce qui fait le divertiffement des Princes & des Grans. Cette privation de toutes pen fées raisonnables, & cette application to tale de l'ame à un objet groffier, vain & inutile eft ce qui fait le plaifir de tous les jeux. Moins l'homme agit en homme, plus il eft content. Les actions, où la raison a beaucoup de part, le laffent & l'incommodent, & fa pente eft de fe reduire, autant qu'il peut, à la condi-

tion des bêtes.

fe

L'homme fait ce qu'il peut pour diffimuler fa propre foibleffe, mais quoii Gy

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CHAP. qu'il faffe, il ne laiffe pas de la fentir, XIV. toute fon application eft à y chercher des remedes; mais il fe conduit avec fi. peu de lumiere dans cette recherche, qu'au lieu de la diminuer il l'augmente. Le but des ambitieux & des voluptueux n'eft en effet que de foutenir leur propre foibleffe par des appuis étrangers. Les ambitieux tâchent de le faire par l'éclat & par l'autorité, les voluptueux par les plaifirs. Les uns & les autres cherchent à fatisfaire à leur indigence; mais ils y réuffiffent également mal, parcequ'ils ne font qu'augmenter leurs befoins & leurs neceffités, & leur foibleffe par confequent. Qu'est-ce qui diftingue, dit faint Chryfoftome, les Anges de nous, finon qu'ils ne font pas preflés de befoins comP. 413. me nous: Ainfi ceux qui en ont moins approchent plus de leur état, & ceux qui en ont plus en font les plus éloignės : Celui qui a befoin de beaucoup de chofes, dit encore ce même Pere, eft efclave de beaucoup de chofes, il eft lui-même ferviteur de ses ferviteurs, il en dépend plus qu'ils ne dépendent de lui. De forte que l'augmentation des biens & des honneurs de ce monde ne faifant qu'augmenter les fervitudes & les dépendances, nous réduit ainfi à une mifere plus effective.

Chryf. hom. 79. in Joan.

Ne cherchons donc point de force

dans la nature de l'homme. De quelque CHAP.
côté que nous la regardions, nous n'y XIV.
trouverons que foibleffe & qu'impuiffan-
ce. C'eft en Dieu feul & dans la grace qu'il
la faut chercher. Ceft lui feul qui peut
éclairer les tenebres, affermir fa volonté,
foutenir fa vie temporelle autant de
temps qu'il veut, & changer enfin les
infirmités de fon ame & de fon corps en
un état éternel de gloire & de force.
Tout ce que nous avons dit de la foi-
blefle de l'homme ne fert qu'à relever le
pouvoir de cette grace qui le foutient.
Car quelle force ne faut-il point qu'elle
ait, pour rendre victorienfe d'elle-même
& du démon, une creature fi corrompue,
fifoible & fi miferable; pour l'élever au-
deffus de toutes chofes, & pour lui faire
furmonter le monde avec tout ce qu'il Aug. de
a de trompeur, d'attirant & de terrible: corrept.
Magna gratiâ opus eft, ut cum omnibus & grat.
amoribus, terroribus,erroribus fuis vincatur n. 35-
bic mundus.

cap. 128

!

CHAPITRE XV.

Foiblefje de l'homme paroît encore davantage, en quelque forte dans ceux qui font à Dieu.

MA que

AIS s'il eft vrai que rien ne fait mieux voir la puissance de la grace, la foibleffe de l'homme; on peut dire auffi que rien ne découvre tant la foibleffe de l'homme que la grace même; & que les infirmités de la nature font en quelque forte plus vifibles dans ceux que Dieu a le plus favorifes de fes graces.. Il n'eft pas fi étrange que des gens environnés de tenebres, qui ne favent ce qu'ils font ni ce qu'ils font, & qui ne fuivent que les impreffions de leurs fens, ou les caprices de leur imagination, paroiffent le gers, inconftans & foibles dans leurs actions. Mais qui ne croiroit que ceux que Dieu a éclairés par de fi pures lumieres, à qui il a découvert la double fin &ʻla la double éternité de bonheur ou de mifere qui les attend ; qui ont l'efprit rempli de ces grans & effroyables objets d'un enfer, des démons, des Anges, des Saints, d'un Dieu mort pour eux, qui ont preferé Dieu à toutes chofes; qui ne croi

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