페이지 이미지
PDF
ePub

Braucoup

Eaucoup de perfonnes s'imaginent que les Archives de nos Abbayes recelent des fources intariffables de connoiffances; d'autres demandent hautement qu'on les rende publiques comme des Bibliotheques: les premiers exagerent; les feconds font injuftes. Ce n'eft pas tout. On va jufqu'à traiter d'ignorants les propriétaires de ces dépôts domeftiques, & de paresse leur indifférence fur l'origine de leurs Fondations. Il n'eft pas jufqu'au Rédacteur des Mémoires pour fervir à l'Hiftoire du Vermandois, (S) qui ne parle avec la derniere indécence de ses Maîtres dans la diplomatique. Il s'eft apperçu peut-être qu'il est aujourd'hui du bon ton d'injurier les Moines; il a voulu donner auffi fon coup de pié au Lion vieilli. Les Moines ignorants dans un Art qu'ils ont inventé & qu'ils perfectionnent tous les jours! étrange abfurdité! Qui ne connoît les Martene, les Dachéri, les Mabillon, les Clément, les Poirier, &c.?

M. l'Abbé Colliette voudroit que chaque Maison Religieuse eût fon Historiographe: je pense qu'il feroit très-difficile, pour ne pas dire impoffible, de mettre de l'intérêt dans toutes ces Hiftoires particulieres. Je n'aurois point donné cet Ouvrage au Public, fi je n'avois eu à parler que de l'Abbaye d'Arrouaife: mais j'ai cru le rendre digne de fon attention, en y joignant tout ce qui eft relatif à la Congrégation ellemême. Si, malgré cela, l'on n'y rencontre pas un intérêt bien général, on peut être affuré du moins d'y trouver l'exactitude & la vérité,

(§) M. l'Abbé Colliette. V. furtout T. 2. p. 69, & T. 3. p. 153 & 154.

[ocr errors][graphic][merged small][merged small][merged small]

ENTRE

PREMIERE PARTIE.

CHAPITRE I.

Origine de l'Eglife ou Abbaye d'Arrouaife.
Saint Heldémare premier Prévôt.

NTRE les Établiffements Réguliers que vit éclore le onzieme fiecle, l'Abbaye d'Arrouaife, dans la Province d'Artois, mérite d'être diftinguée. Non-feulement elle eft une des plus anciennes de l'Ordre de Saint Auguftin, mais la réputation de fes premiers Religieux ayant paffé jufque dans les Pays étrangers,

elle eut encore la gloire d'y envoyer des Colonies qui rendirent son Institut célebre. Ces nouvelles Eglifes & quelques autres déjà fondées qui embrafferent le même Institut, formerent longtemps fous le Chef-Lieu d'Arrouaise, l'Ordre ou Congrégation des Chanoines Péguliers dits Arroafiens.

Cette Abbaye eut d'abord différents noms, & dans les tems les plus proches de son érection, on la trouve également nommée Abbatia Sanctæ Trinitatis, Sancti Nicolai, in Arida-Gamantia, in Arroafia, & de Trunco-Berengarii.

Il eft hors de doute qu'Arroafia a été formé par corruption ďArida-Gamantia. (a) Mais pour ce qui eft du mot Gamantia, je ne puis croire qu'il vienne du Celtique comme plusieurs l'ont avancé. (b) Sa racine, difent-ils, eft le mot Gaw, qui fignifie Terre. J'ai cherché en vain ce mot dans le Dictionnaire de la Langue Bretonne: je n'y ai même trouvé rien de femblable. Le mot Gaw d'ailleurs fût-il Celtique, je ne vois pas pourquoi il s'enfuivroit que celui de Gamantia en dérivât. Il y a bien plus d'apparence que ce dernier doit fon origine à la Langue Grecque. Voici quelles font mes conjectures à ce sujet.

Le Pays ou Canton d'Arrouaise connu en Latin sous la dénomination d'Arida-Gamantia, étoit autrefois une Forêt qui s'étendoit depuis Encre, aujourd'hui Albert, jufqu'à la Sambre, vers les Ardennes, ce qui fait environ vingt-cinq lieues de l'Ouest à l'Est. Céfar

(a) L'Hiftorien de Tournai, Coufin, ignoroit apparemment qu'Arida - Gamantia fignifie Arrouaife, lorfqu'en traduisant une Bulle d'Innocent II adreffée à Oger, premier Abbé de Saint Mard, il s'eft exprimé ainfi: "Si vous confirmons l'Ordre de Saint » Augustin, felon la Couftume de Saint Nicolas de Gamache le fec. Tom. 2. p. 218. » (b) V. l'Almanach d'Artois 1768, p. 53. Mercure de France 1737, p. 1523. - Cela pourroit être cependant, s'il étoit vrai, comme quelques-uns le prétendent, que les Langues Grecque & Celtique étoient la même dans l'origine & avoient les mêmes caracteres.

qui nous a donné plufieurs détails fur les Druïdes, (c) nous apprend que ces Prêtres des Gaulois tenoient leurs affemblées au milieu des Forêts. Parmi les fonctions dont ils étoient chargés, l'administration de la Juftice leur appartenoit, ainfi que l'instruction de la Jeuneffe dans les Sciences, particulierement dans la prétendue Science de la Divination: or le mot Gamantia paroît être compofé des deux mots Grecs гy & Marria, dont le premier fignifie Terre, & l'autre Divination. Cette étymologie eft d'autant plus fatisfaifante, que les Druïdes, felon plufieurs écrivains anciens & modernes, avoient l'intelligence de la Langue Grecque. Je pense donc que la Forêt d'Arrouaife étoit une de ces retraites où ils tenoient leurs affifes & célébroient leurs myfteres, d'où il est tout naturel de conclure que le nom de Terre de Divination lui est demeuré.

Le mot Gamantia peut tirer auffi bien son origine du Grec que celui de Druïde dont la racine eft Apus, qui fignifie proprement un chêne; de Apus s'eft auffi formé Dryade, nom que l'on donnoit aux Nymphes des Bois. Enfin il n'est pas inutile de remarquer ici qu'il y avoit parmi les Gaulois des Prophéteffes ou Devinereffes que l'on appeloit indifféremment Druides & Dryades, & qui n'étoient fans doute rien autre chose que les femmes des Druïdes, lefquelles, ainfi que leurs maris, mêloient de prédire l'avenir.

fe

L'épithete Arida ajoutée à Gamantia, ne fait que défigner la fituation de la Forêt d'Arrouaife, dans un Pays fec & élevé. Cette qualification lui convient parfaitement. Car fi les fources des rivieres indiquent un Pays élevé, le Canton d'Arrouaife doit affurément l'être, puifque depuis Albert jufqu'à la Capelle, on trouve celles de l'Efcaut, de la Selle, de l'Oife, de la

(c) Lib. VI. de Bello Gallico. V. auffi le Dictionnaire Encyclopédique aux mots ruïde, Dryade, & celui de Trévoux, au mot Druïde.

Sambre, &c. il eft encore aujourd'hui entrecoupé de Bois, & les deux extrémités feulement ont confervé l'ancien nom. Du côté d'Albert, on trouve l'Abbaye d'Arrouaife, les Bois d'Arrouaise, le Mcfnil en Arrouaife, Sailly en Arrouaife; & vers la Sambre d'autres Bois appelés auffi Bois d'Arrouaife, Gouy, Montigny, Vaux en Arrouaise, de même qu'un ruiffeau qui tombe dans l'Oife à Hanaples, & qui porte le nom d'Arrouaise. (d)

Gautier, élu Abbé d'Arrouaise en 1179, nous a laiffé l'Histoire de la Fondation & des progrès de cette Abbaye jufqu'à fon temps; il eft, je penfe, le plus ancien Écrivain qui parle de l'étendue & de la fituation de la Forêt d'Arrouaife. Nous avons encore dans nos Archives cette Hiftoire écrite de fa main en tête d'un cartulaire. Après un préambule où il expose les motifs qui l'ont engagé à raffembler en un feul Corps les Chartes de fa Maison, il ajoute : j'ai cru devoir m'étendre sur l'époque de la Fondation & fur les mérites des Instituteurs de cette Eglife felon la connoiffance que nous en ont donnée nos anciens. Ce lieu, continue-t-il, fitué fur le Chemin public, (e) dans la Forêt que l'on nomme Arrouaife, & qui s'étendoit depuis Encre jufqu'à la Sambre, avoit été une retraite de Voleurs:

(d) L'Auteur des Mémoires pour fervir à l'Hiftoire du Vermandois, a fait, fur la fignification du mot Arrouaise, Arida-Gamantia, une découverte que personne ne lui enviera; « l'Arrouaife, dit-il, commence à l'Abbaye de ce nom, & n'eft ni Terroir ,, ni Province; c'eft une ligne ou cordon qui fépare l'Artois & le Cambréfis de la ,, Picardie, & va fe terminer vers les Ardennes. On appelle ce trait Arida-Gamantia ; nous ne favons pourquoi. » T. II. p. 81.

Ce trait devoit être bien large; car je trouve que Bapaume même étoit fitué en Arrouaife, quoiqu'il foit éloigné de Sailly de deux lieues & que le Chemin qui mene d'un endroit à l'autre, coupe le Canton d'Arrouaife à peu-près dans fa largeur. "Sachent tous..... que en l'an de l'Incarnation de notre S. J. C. 1281 Willaume

,, dit de Bolinguchen, Bailliùs de Bapaumes en Arrouaife, &c.

(c) Maillart dit que ce Chemin eft appelé dans les anciens MS, Via San&torum, Mercure de France, 1737, P. 1523.

c'eft

« 이전계속 »