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nous; il fit meme agir quelques perfonnes d'un caractere fort diftingué, pour en venir plus aifement à bout. Les uns & les autres tacherent de nous faire paffer dans fon efprit pour des efpions dangereux, & difoient fans fcrupule que nous avions pris exactement le plan des principales Places de la Pologne, pour en faire present au Grand Seigneur.

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Mais ils avoient à faire, à un efprit' trop eclairé, & à un cœur trop genereux, pour reuffir dans leur deffein. Non-, obftant leurs follicitations preffantes, dont nous ne decouvrimes le motif, que quand nous fumes en Moldavie le Grand Palatin de Ruffie nous fit reffentir dans la fuite de nouveaux effets de fa bonté, & bien loin de nous abandonner comme on pretendoit il nous faifoit chaque jour d'autant plus de careffes, qu'il paroiffoit plus convaincu du peu de raifon qu'on avoit de fe dechainer fi fort contre nous. Il nous fit bien connoitre dans toutes les occafions, qu'il avoit pour nous des fentimens plus avantageux, que ceux qu'on avoit voulu lui infpirer, & qu'il etoit bien perfuadé de la droiture de nos intentions, par les foins extraordinaires qu'il prit de nous affurer le paffage, que le zele de la gloire de Dieu le portoit à nous menager.

Les deux Courriers que nous attendions depuis long-tems etant arrivez avec les reponfes les plus favorables que nous pou

Providence

nous dans

pouvions efperer, le Grand General jugea à propos de nous faire prendre la route de Moldavie plutot que celle de Kaminiec, foit qu'il la crut moins dangereufe que celle-cy, foit qu'il comptat moins fur la fidelité du Bacha qu'il ne connoiffoit guere, que fur celle du Hofpodar, qu'il regardoit comme fon Ami particulier.

Nous connumes bien dans la fuite, de Dieu fur que cette determination etoit un effet le choix tres particulier de la Providence de Dieu que fit le fur nous: Car quelques jours aprés nogrand Ge- tre arrivée à Yaffe, qui eft la Capitale neral de de la Moldavie, nous apprimes que la route de quelques Armeniens, qui n'avoient pu Moldavie, fe joindre à nous pour paffer de Poloplutot que de celle de gne à Conftantinople, avoient mal-heuKaminiec. reufement rencontré auprés de Cami

Pologne,de

Ses foins o

pour nous

faire con

niec, un parti des Tartares, qui aprés leur avoir enlevé tout ce qu'ils avoient, les chargerent de coups, & les laifferent à demi-morts fur la place.

Outre ces fages precautions, qui marbligeans, quent affez le zele de notre incomparable Bienfacteur pour le fuccés de notre duire fure- voyage, il nous donna d'autres preuves ment à encore plus fenfibles de la bonté de fon Conftanti- cœur avant notre depart. Il ne fe con

nopic.

tenta pas de nous equiper, & de nous fournir tout ce qui pouvoit nous etre neceffaire pour les frais de notre voyage; mais il nous obligea encore, de prendre un de fes domeftiques pour nous fervir de Conducteur & d'interprete jufqu'à Con

Conftantinople, & une escorte de trentc Cavaliers Moldaves, à qui il ordonna de ne nous point abandonner qu'ils ne nous euffent mis entre les mains du Hofpodar. Il ecrivit a ce Prince & aux autres perfonnes, qui pouvoient nous faciliter le paffage, en des termes fi forts, que nous avons eté reçus partout, comme les propres enfans.

Mais quelque confiderables que fuffent toutes ces faveurs, nous ne fumes moins touchez que de l'air affectueux & tendre, dont il nous congedia: Nous en fumes fi penetrez, qu'il nous fut impoffible de lui temoigner la reconnoiffance que nous lui devions pour toutes les marques de bonté qu'il nous avoit données , que par nos foupirs & nos larmes, aufquelles cet aimable Seigneur nous fit affez connoitre, fans nous parler, qu'il n'etoit pas infenfible.

Pokutie,

nous arri

vons aux

la Molda

vie.

Ainfi chargez des liberalitez du grand Aprésavoir Palatin de Ruffie, & accompagez de traverfé la plusieurs de fes domeftiques, nous traverfames une partie de la Podolie & de la Pokutie, & arrivames enfin au Cha- confins de teau de Jablonow qui a donné le nom à l'illuftre famille des Jablonowski. Ce fut là que nous primes l'efcorte, qui nous accompagna jufqu'à une petite Ville de la Moldavie, nommée Campolongo, dont le grand General s'eft faifi depuis le commencement de la guerre que font les Polonois aux Turcs, pour tenir en bride les Moldaves, & les empecher de faire des incurfions fur fes terres. Nous

Nous paffons la Fo

ret desBou

les belles actions du

Nous fumes obligez avant que d'y arriver, de nous engager dans la fameufe kovinesce- Foret des Boukovines, qui a plus de qualebre par rante lieues d'etendue & qui eft devenue celebre par les grandes victoires qu'y Grand Ge- remporta il y a quelques années, le grand General de Pologne fur les Turcs & les Pologne. Tartares, qui venaient avec des Troupes fort nombreuses, commandées par le Sultan Galga, dans le deffein de faire Le paffage une irruption dans la Pologne.

neral de

en eft dan

de.

Le paffage de cette Foret eft extremegereux & incommo- ment difficile, les chemins y font fort rudes & fort férrez, & la terre y eft partout imbibée d'une eau fale & marecageufe, qui les rend quafi impraticables: Nous fumes pourtant obligez de paffer par là, & de fuivre fes routes obliques & defagreables, dont je crus que nous ne verrions jamais la fin. Mais l'incommodité des chemins n'étoit pas ce qui nous faifoit le plus de peine; la furprise des voleurs nous allarmoit incomparablement d'avantage: en effet quand nous fumes un peu enfoncez dans cette affreufe folitude, nous en decouvrimes plufieurs bandes feparées; mais comme ceux qui nous efcortoient ne leur etoient pas inconnus, ils ne fe furent pas plutot prefentez à leurs Compagnons, qu'ils les curent bientot diffipez.

De cette forte nous fortimes fains & fauves des Boukovines, & entrames dans les plaines de la Moldavie, où nous marchames quelque-tems avec plus de plai

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Moldavie.

fir, que nous n'avions fait dans ces epairfes Fôrets que nous venions de quitter. La Moldavie eft une des plus belles & Defcrip des plus agreables Provinces de l'Euro- tion de la pe. On y voit de grandes Campagnes, qui font arrofées de diverfes rivieres, dont la principale est la Moldave, qui ferpente à-peu-prés comme la Seine; & qui femble par tous ces detours vouloir porter l'abondance partout. Toutes les eaux rendroient en effet les Campagnes tresfertiles, & contribueroient affurement à faire de cette Province une des meilleures & des plus riches de l'Europe, fi elle etoit moins expofée qu'elle n'est aux infultes des Turcs & des Tartares; mais les Troupes que les uns & les autres y font paffer inceffamment pour defendre Kaminiec, l'ont fi fort defolée, qu'elle demeure en friche en bien des endroits, parcequ'il n'y refte pas d'Habitans pour. la cultiver, & furtout dans la Partie Orientale, qui confine à la Tartarie, où les Païfans & tous ceux qui ne demeurent pas dans quelques Villes de defenfe, font contraints de fe faire des loges fous terre, pour eviter la fureur de ces ennemis implacables du nom Chretien.

la Molda

Aprés avoir paffé ces plaines fans au- Notre arricune facheufe avanture, nous arrivames vée à Yaffe à Campolongo, où nous primes une Capitale de nouvelle escorte, qui nous conduifit avec vie. autant de bonheur & de fidelité que la premiere, jufqu'à la Capitale de la Moldavic. Quand nous en fumes proches,

nous

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