la foy, quoique bien alterée, n'est pas pourtant encore entierement eteinte. De tous les endroits de l'Afie, où le Chriftianifme paroit encore avec le plus d'eclat, & où il eft permis de le profeffer avec le plus de liberté, c'est fans contredit Ichmiazin, qui eft un gros Bourg de la haute Armenie, fitué à quatre petites lieues d'Irivan. Les Turcs l'appellent ordinairement Vch-Klifssé, c'est à dire les trois Eglifes, parcequ'outre la grande Eglife qui a donné le nom à ce lieu, il y en a deux autres affez proches. Ich miazin La premiere, eft celle qui paroit dans eft le Siege l'enceinte du beau Monaftere, où le Pades Arme-triarche des Armeniens fait fa refidence Patriarchal niens. ordinaire, & où il vit en Communauté avec cinquante ou foixante Religieux, dont il a la conduite. Elle est dediée au Verbe Incarné, qui felon la Tradition commune en donna luy-meme le plan à faint Gregoire, furnommé l'Illuminateur, que faint Sylveftre Pape etablit enfuite premier Patriarche de la Nation Armeniene, qui le reconnoit auffi pour fon Pere & pour fon maitre; trop heureufe fi elle avoit confervé dans fa pureté la Religion que ce faint Apotre luy avoit enfeignée. Les deux autres Eglifes eloignées de cette premiere d'environ huit cent pas chacune, ne font pas à beaucoup prés fi magnifiques, ny fi bien entretenues. Elles font dediées à deux faintes Vierges Ro Romaines, nommées Ripfime & Cayanne, qui s'enfuirent en Armenie durant la neufieme perfecution, & qui furent martyrifées au meme lieu où ces Eglifes font baties. Cette Eglife eft au milieu d'une grande cour, au tour de laquelle on a bati en forme de demy-lune trois grands corps de logis où font les Cellules des Moines. Le Trefor en eft tres-riche, les Ornemens magnifiques, & l'Argenterie admirable, foit qu'on regarde la quantité des Vafes facrez, dont il y en a plufieurs d'or maffif; foit qu'on ait egard à la grandeur enorme des Croix, des Chandeliers & des Lampes, qui feroient af furement honneur aux plus fuperbes Eglifes de l'Europe. C'eft dans ce lieu où il feroit de la derniere importance pour le bien de la Religion de fonder une Miffion, ainfi que la plupart des Eveques du païs le fouhaittent avec paffion: Deux Miffionnaires egalement zelez & fçavans, qui s'attacheroient à expliquer d'une maniere claire & methodique les dogmes de notre Foy, ne contribueroient pas peu à reunir à l'Eglife Romaine cette Nation, que l'ignorance plutot que l'obftination entretient dans l'erreur. Ce feroit là un ouvrage digne de la charité de ces ames genereufes qui cherchent avec tant de. foin les occafions de fignaler leur zele, & l'ardent amour qu'elles ont pour Jefus-Chrift. au fujet du Mont Ararat. D'Ichmiazin, je me rendis à Irivan, qui n'en eft eloigné que de trois lieues. J'eus le plaifir de voir en chemin le fameux Mont Ararat, où l'on croit que l'Arche de Noë, s'arreta aprés le deluge. Erreur de Je ne fçay fi Jean Struys, qui en fait Jean Struys une fi plaifante description dans le Journal de fes Voyages, l'a confideré avec autant d'attention qu'il veut le faire croire. Pour moy qui ai eu le tems d'en obferver la fituation durant prés d'un mois de fejour que j'ay fait à Irivan, & qui me fuis informé avec beaucoup d'exactitude des particularitez de cette montagne, je n'ay pu lire fans indignation ce que cet Aventurier en ecrit: car outre les contradictions manifeftes qu'il est aifé de remarquer dans le Voyage fabuleux qu'il affure pourtant avoir fait fur cette sontagne entierement inacceffible, il la met à cinquante lieues de la Mer Cafpienne, quoy qu'elle en foit cloignée de plus de cent cinquante. Fin du premier Livre, |