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une rapidité furprenante fe fait entendre en tems de calme de filoin, qu'il eft capable d'intimider tous ceux qui en ignorent la veritable caufe. La feconde conjecture, qui me paroit encore plus forte que la premiere, eft fondée fur une experience de tous les ans, qui fait remarquer à ceux qui habitent le long du Golfe Perfique, une grande quantité de feuilles de faule à la fin de chaque automne. Or comme cette efpece d'arbre est entierement inconnue dans la partie Meridionale de la Perfe qui aboutit à cette Mer, & qu'au contraire la partie Septentrionale terminée par la Mer du Kilan en a toutes fes cotes bordées on peut affurer avec affez de probabilité, que ces feuilles n'ont eté portées d'une extremité du Royaume à l'autre, que par les eaux qui les ont entrainées par des ca

naux fouterrains.

C'eft fur cette Mer, que tant de particularitez rendent recommandable, que nous nous embarquames fur un flibot Mofcovite affez mal equipé; mais le tems qui etoit alors extremement propre pour la navigation, fuppleant à tout ce qui pouvoit nous manquer d'ailleurs, nous gagnames le Volga fix jours aprés notre depart de la rade de Niezova, qui eft une des plus fures & des plus commodes de toute la Perfe. Outre la quantité de bois qu'on trouve aux environs', & qui fert à fe radouber quand on en a befoin, on y voit une multitude prodi

gieufe de Bourgs & de Villages qui peuvent fournir aux vaiffeaux toutes les provifions neceffaires pour un fort nombreux equipage.

trouvons

Aprés avoir quitté la Mer à la faveur d'un bon vent d'Eft, qui nous fit faire en Nous nous peu de tems ce trajet d'environ six-vingt fur le Vollieues, nous nous trouvames fur le Vol- ga fans le ga fans le connoitre: Car comme ce fçavoir. fleuve fi fameux fe decharge dans la Mer Cafpienne par foixante & dix embouchures, ainfi qu'on l'affure communement, & comme il conferve encore toute la majefté de fon cours durant plus de trente lieues aprés avoir quitté les differens lits qui le tiennent long-tems refferré, il femble difputer à la Mer le terrain, en s'avançant autant qu'il fait. L'unique marque qu'on ait pour s'affurer fi on y eft arrivé, c'eft la douceur de l'eau, dont celuy qui s'eft le plutot apperçu, reçoit les memes gratifications qu'on fait par tout ailleurs au Matelot qui a le premier de

couvert la terre.

A peine fumes nous entrez dans une de fes embouchures, que notre vaiffeau extraordinairement chargé, alla malheureusement echouer fur un banc de fable, que les Pilotes n'eurent pas la prevoyance de nous faire eviter. Mais comme cet accident nous arriva plufieurs fois dans la fuite de notre navigation, j'aime mieux l'attribuer au peu de profondeur de ce fleuve qui fe partage en trop de branches pour foutenir un batiment mediocre, D 2 qu'au

qu'au peu d'experience de ceux qui nous conduifoient.

Quoy qu'il en foit, il eft feur que nous employames deux fois plus de tems à gagner Aftrakan depuis l'embouchure du Volga, qui n'eft eloigné de cette Ville là au plus que de douze ou treize lieues. qu'il ne nous en fallut pour nous rendre de Perfe aux eaux de ce grand fleuve. Nous ne fumes pas pourtant toujours egalement embaraffez, mais feulement jufqu'à ce qu'on cut gagné la premiere Pifcine, où les Mofcovites font une peche confiderable, & qui eft un des meilleurs revenus des Czars. Ce fut là que notre Vaiffeau eut ordre de s'arreter deux ou trois jours, en attendant que le Gouverneur d'Aftrakan, à qui on depecha un Courier pour l'avertir de notre arrivée, nous eut donné permiffion d'avancer.

Durant le peu de tems que nous fumes obligez de l'attendre, nous eumes le plaifir d'affifter plufieurs fois à la peche de l'Etourgeon, qui eft une chofe des plus curieufes que j'aye vu de ma vie Voicy de quelle maniere elle fe fait.

Les Mofcovites pour profiter de l'abondance du poiffon que la Mer Caf pienne diftribue à toutes les rivieres qui ont quelque communication avec elle, Maniere ont planté de longs pieus d'une rivé à dont fe fait l'autre dans un des lits du Volga, qu'ils la peche de ont jugé le plus propre pour le fuccés de

P'Etour

geon.

leur peche. Ils ne ferment pourtant pas tellement tous les paffages, qu'ils n'en

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laiffent un de chaque coté, pour donner la liberté au poiffon de remonter, auffi bien qu'aux Vaiffeaux qui reviennent de Perfe & d'ailleurs. Un peu au deffus de cette premiere barriere de pieus, ils en plantent tout le long de nouveaux en forme de triangle, où le poiffon entrainé par le courant s'engage aifément, & d'où il luy eft enfuite non feulement prefque impoffible de fortir, mais encore de fe remuer tant à caufe de la petiteffe de fa prifon, que de la groffeur enorme de fon corps. Cependant les Pecheurs qui vont battre l'eau durant quelque tems pour le faire tomber dans le piege en l'epouvantant, vont deux fois le jour vifiter tous ces retranchemens faits exprés, & ne manquent quafi jamais d'y trouver la proye qu'ils y cherchent. Enfuite pour mieux s'affurer des poiffons monftrueux qui s'y engagent, ils leur font paffer dans l'oreille un grand croc dont ils font armez, & aprés les avoir tirez jufqu'à fleur d'eau, ils leur caffent la tete à coups de maffue, de crainte que s'ils les mettoient tout en vie dans leur barque, ils ne vinffent à leur echapper, ou à faire quelque defordre auquel il ne feroit pas aifé de

remedier.

Cette premiere expedition etant faite, ils conduisent leur prife au bord de la Pifcine, où ils evantrent le poiffon pour en tirer les œufs, dont un feul leur fournit quelquefois une fi grande quantité, qu'elle paffe le poids de deux ou trois cent liD 3

vres.

d'une pro

vres. C'est cette maffe gluante fi connue dans les Païs Etrangers fous le nom de Caviar, qu'ils eftiment plus que tout le refte ils la fallent avec grand foin, & la ferrent enfuite dans de grands pots, pour s'en fervir dans leurs ragoufts au lieu de beurre, dont l'ufage leur eft defendu durant le tems de leurs Caremes. Pour ce qui eft du corps du poiffon, aprés l'avoir coupé par quartiers, ils en expriment de l'huile, ou bien ils le faupoudrent pour etre tranfporté dans toutes les Provinces de l'Etat, & meme dans les Royaumes voifins, où il s'en fait un debit fort confiderable.

Mais le plaifir que nous caufa cette peche curieufe durant les trois jours que nous fumes obligez de nous arreter au

millieu de notre trajet, fut extremement Nous fom. balancé par l'incommodité que nous enmes tour- durames de la part d'une armée de moumentez cherons qui s'eleve fur tout le Volga digieufe quelques momens avant & aprés le couquantité de cher du foleil. Leurs piquures tourmentent fi fort les hommes & les betes, que je n'ay point de peine à comprendre, que de toutes les playes qui defolerent autrefois l'Egypte, celle de ces petits infectes fut peutetre la plus facheufe & la plus infupportable.

mouche

rons.

Pour s'en garantir on porte ordinairement avec foy une petite tente dont on fe couvre dés qu'ils commencent à se fairę fentir mais comme nous ne nous etions point precautionnez contre ces ennemis

re

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