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Par la Fête & les Jeux que je vais faire éclore,
Je veux, pour rechauffer leur prix,

Que la Baronne que j'adore,

Depuis trente ans que j'ai l'honneur particulier
De me dire fon Chevalier,

De fa préfence les honore.

Je vole, de ce pas, la chercher à Paffi,
Et je veux, avec elle, ouvrir le Bal ici.

Il fort.

SCENE II.

LA COMTESSE feule,

UN Hymen fi fubit m'inquiete & me trouble;

Je fçai que, da Marquis, le mérite est vanté ; Mais ce mérite eft tel que ma crainte redouble. On exagere fa beauté ;

Par cet endroit, on le cite, on le nomme ? Qu'on dife fimplement d'un homme, Qu'il eft bien fait, qu'il a l'air fin, fpirituel, Ce portrait-là prévient ; mais que par préférence On l'apelle le beau, le beau par excellence; C'eft l'éloge le plus cruel,

A mon gré, qu'on en puiffe faire: Pour ces aimables-là, j'ai naturellement Une haine particuliere,

Et qui dit beau, dit fot communement;
La plupart n'ont qu'un fentiment;
Celui de s'admirer, celui de fe complaire,
De s'aimer feuls fidélement;

Et le Ciel, libéral avec jufte mesure,
Ne les décore, & ne les enrichit
Des agrémens de la figure,
Qu'en rabattant fur les dons de l'efprit.
Je tremble, dans le fond de l'ame,

Que ce Marquis charmant, qui va fe préfenter,
Ne foit un fat, plus propre à coquetter,
Qu'à faire dans le fonds le bonheur d'une femme:
C'est un point capital, dont je veux m'éclaircir.
Voyons mon Frere, il pourra me fervir
Dans l'embarras où j'ai lieu d'être,
Et je vais le faire avertir

Par Crifpin que je vois paroître.

SCENE II I.

LA COMTESSE, CRISPIN.

LA COMTESSE.

Mon Frere eft-il rentré ? Je veux l'entretenir.

'CRISPIN.

Non, je l'attens, Madame, avec impatience;
J'ai devancé fe pas par fon ordre preffant;
Je fuis furpris qu'il tarde tant:

Le bal qui l'attiroit avec toute la France,
A dù céder la place au Soleil éclatant.

Comme il est déguifé fous les traits d'une brune,
Peut-être a-t-il trouvé quelque bonne fortune:
Mais on monte à grand bruit, & j'entens parler haut.

SCENE IV.

LA COMTESSE, DAMON déguisé en femme.

CRifpin

CRISPIN.

DAMON dans la Couliffe.

Rifpin! hola, coquin! hola, maraut!

CRISPIN.

Oh! pour le coup, c'eft lui, le voilà qui m'appelle
Par mon nom propre, & par mes attributs;
Maraut, Coquin, ces mots défignent mes vertus.
Je cours.... Mais il prévient mon zéle.
DAMON rencontrant Crispin.

Que ne viens-tu, faquin, quand tu m'entens crier ?
CRISPIN.

J'allois, Monfieur.

DAMON.

Viens, fuis-moi, que je quitte

Tout cet attirail au plus vite;

Je fuis brifé, rompu par ce maudit panier.

LA COMTESSE.

Mon Frere, arrêtez-vous, que je vous examine:
Comment! fous nos habits vous êtes tout au mieux.
J'admire vos bons traits, & votre bonne mine.

DAMON.

Vous badinez, ma Soeur; mais fçachez que mes yeux
Ont fait au Bal, des conquêtes fans nombre.
LA COMTESSE.

Mon Frere, je le crois, fous le mafque & dans l'ombre.
DAMON.

Non, à vifage découvert,

Pour ne rien dérober à l'honneur de mes charmes,
J'ai forcé trente coeurs à me rendre les armes.

LA COMTESSE.

Trente coeurs !

DAMON.

1

Oui; trente coeurs de concert,

Et fi vous me fàchez, j'irai jufques à mille :
Tout cede à mes attraits; j'ai le deftin d'Achille.
Adieu. Je fuis accablé de fommeil;
Vous fçaurez en détail, ce foir à mon réveil,
Les libertés que j'ai défaites.

LA COMTESSE.

Non, de grace, aujourd'hui reftez comme vous êtes.
Vous ferez déguifé pour le Bal de tantôt;
Vous êtes fi bien en cornettes :

DAMON.

Vous vous mocquez de moi.

LA COMTESSE.

Non, mon frere, il le faut;

Très-ferieufement fous cet habit propice
J'attens, & vous pouvez me rendre un grand service.
DAMON.

Mais ne le puis-je pas fans ce déguisement?

LA COMTESSE

Il eft effentiel au projet que je forme;
C'est un plaifir enfin que j'exige de vous.

Crifpin, un moment laiffez-nous.
crispin fort.

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Vous paira de la peine, & vous délaffera:

Je dis plus, c'eft une victoire

Digne de vos appas, & qui manque à leur gloire :
Mon difcours vous en convaincra.
DAMON.

Quel eft donc ce projet que je ne puis comprendre à
LA COMTESSE.

En deux mots je vais vous l'apprendre :

Le Marquis en ce lieu doit fe rendre aujourd'hui.
DAMON.

Oui, je fçai qu'on l'attend pour votre mariage.
LA COMTESSE.

Il ne me connoît pas ; il s'agit devant lui,
De jouet bien mon perfonnage;
Et de paffer pour moi fous cette robe-là.
DAMON.

L'étrange deffein que voilà !

Jamais rien de fi fou n'entra dans une tête.
LA COMTESSE.

Il doit par-là vous plaire. Il est très-fage au fonds:
DAMON.

Qui vous porte à cela parlez:

LA COMTESSE.

J'ai mes raifons.

C'eft un caprice, une folie.

On dit que le Marquis eft un aimable, un beau.
Je veux moi qui ne fuis tout au plus que jolie,
Je veux voir, admirer fa perfonne accomplie,
En fimple fpectatrice, & dans l'incognito,

Comme on admire un excellent tableau ;

DAMON.

Ah! vous voilà vous autres femmes :

Le nom de beau vous révolte d'abord,
Jette l'allarme dans vos ames:

LA COMTESSE.

Mais, Monfieur, dans le fonds avons-nous fi grand tort ? Sied-il aux hommes

DAMON.

No, j'en demeure d'accord;
C'eft ufurper vos droits, mes Dames,

Et c'est vous attaquer par votre foible.

LA COMTESSE.

Ou notre fort:

Ne penfez pas railler fur ce Chapitre ;

Rien n'eft plus révoltant que l'air & le maintien,
Plus mince que l'efprit, plus fot que l'entretien,

De

De ces beaux par état, de ces charmans en titre ;
Et c'est à les définir bien,

C'est un être équivoque, une efpece amphibie,
Qui vole notre fexe, & qui mafque le fien.
De tous deux à la fois, ah! qu'il mérite bien,
La jufte averfion, la vive raillerie !

Je vous dirai qu'en mon particulier
Je les honore, moi, d'un mépris fingulier,
Et d'une forte antipathie :

Que j'aurois de plaifir à les humilier!

DAMON.

Bon! ma fœur, jalousie, entre vous de metier.
Il ne faut pas qu'ici je vous le diffimule,

La beauté.

LA COMTESSE.

La beauté ! vous devez la cacher;

Il n'appartient qu'à nous de l'afficher;

Chez nous c'est un état, chez vous un ridicule.

DAMON.

Vous nous jettez dans l'embarras ;

Quand un homme eft né beau, voulez-vous, pour vous plaire,
Qu'il défigure fes appas :

Qu'il aille.

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LA COMTESSE.

Non, je veux, mon frere,

Qu'il les ignore, ou n'en faffe aucun cas.
DAMON.

Le Marquis, j'en fuis fûr, eft de ce caractere.
LA COMTESSE.

Voilà ce que je veux fçavoir,
Par le moyen dont je vous prie:

Pour prélude du bal qu'on prépare ce soirs
Je vais me déguifer, fans être traveftie.

DAMON.

Mais, moi, je le ferai d'une façon..

LA COMTESSE.

Jolie.

DAMON.

Quel rôle ferez-vous ?

LA COMTESSE.

Mais celui d'une amie.

En badinant, peut-être, que fçait-on ?

Il pourroit arriver. . .

DAMON.

Ah! ma foeur, vifion!

Extravagance pure! & changez de pensée;
Vous voilà bien embarranée,

B

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