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treprife, foit qu'il fe contentât de voir lá Couronne d'Angleterre dans fa famille, il ceda de bonne grace fes droits à fon frere. Guillaume Duc de Guyenne fit par fon testament Eléonor fa fille aînée héritiere de 1136. tous les Etats, à condition qu'elle épouseroit Loüis fils aîné du Roy Louis VI. lequel avoit été afsocié au Royaume par fon pere & couronné Roy de France. Ces offres ayant été acceptées, & Guillaume étant mort, le Roy ordonna qu'on préparât les équipages du jeune Roy fon fils, & il le fit partir aufsitôt accompagné de cinq cens Gentils-hommes choifis, à la tête defquels étoit Thibault, à qui les Hiftoriens donnent en ce temps-là la qualité de Comte de Champapagne; il étoit alors réconcilié avec le Roy. On peut voir dans l'Hiftoire de France les cérémonies du mariage & du couronnement de la Reine.

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Louis VII. ayant fuccedé à la Couronne de France, Thibault prit ouvertement les 1136. interêts contraires à ceux du Roy, qui n'avoit alors que vingt-quatre ans ; ce Prince étoit parfaitement bien fait de fa perfonne, doux, civil, infinuant, pieux, tendre & fenfible aux moindres maux de fes fujets; mais il étoit extrêmement jaloux de fon autorité,& il ne put fouffrir de la voir méprisée par Thibault fans en témoigner fon indignation

1141.

Voicy le fujet de leur différend.

Pierre de la Châtre fut élu à l'Archevêché de Bourges fans attendre le confentement du Roy, qui en fut offenfé: foit que la perfonne ne luy fût agréable, foit qu'il cût voulu que l'élection eût tombé fur celuy qu'il fouhaitoit; ce qui étoit néanmoins contraire à la liberté des élections qui ne doivent point êtte contraintes; le Roy défendit de le reconnoître pour Archevêque. Pierre de la Châtre, homme auffi pieux que fçavant, renonça à fon élection, quoy-qu'il fe crût canoniquement élu. Il alla à Rome, & rendit compte au Pape Innocent II. de ce qui s'étoit paffé à l'occafion de fon élection. Ce Pape avoit au Roy les dernieres obligations, car ce Prince luy avoit accordé fa protection contre la puiffante factionde l'Anti-Pape Anaclet, & le faifoit reconnoître par toute la France; ce Pape néanmoins facra Pierre de la Châtre, difant d'une maniere choquante pour le Roy, que c'étoit un jeune Prince qu'il falloit inftruire, & ne pas accoutumer à fe mêler ainfi des affaires eccléfiaftiques. Il renvoya Pierre de la Châtre en France, & luy enjoignit de fe mettre en poffeffion de ce Siége & d'en remplir les fonctions: mais fuivant les ordres du Roy on luy refufa l'entrée de Bourges, & il se retira fur les terres du Cointe de Champagne qui

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le reçut avec honneur ; & il mit dans l'interdit le domaine du Roy qui étoit dans l'étendue de cet Archevêché. Les chofes allérent fi avant, que le Pape excommunia le Roy & mit enfin le Royaume en interdit. Un autre incident aigrit encore les affaires. Raoul Comte de Vermandois, grand Sénéchal de France, premier Ministe & pro- 1141. che parent du Roy Louis VII. & étoit i en effet Prince du Sang Royal, répudia fa femme Gerberte, fous prétexte de parenté, (elle étoit fille, ou, felon d'autres, cousine germaine de Thibault Comte de Champagne,) pour épouser Alix Pernelle, fœur cadette de la Reine Eléonor; Thibault s'oppofa à ce divorce & en écrivit fortement au Pape qui fe déclara pour luy; il excommufia Raoul, & interdit les Evêques qui avoient prononcé la Sentence de féparation.

Le Comte de Champagne, tout brouillon qu'il étoit, avoit de la piété, étoit fort aumonier, grand protecteur des Eglifes & des Monafteres. Son zele pour l'Eglife luy avoit entierement gagné S. Bernard & tous les Moines, & fes ennemis difoient fouvent par raillerie que les Moines & les Convents. étoient les foldats & l'artillerie du Comte de Champagne. S. Bernard prit en main sa caufe, il en fit de grands éloges au Pape, & entreprit même de le défendre cuprde” diy

Roy; mais ce Prince irrité de ce qu'il avoit reçu l'Archevêque de Bourges dans fes Etats, & de ce qu'il avoit fait excommunier Raoul Comte de Vermandois par Yves Légat du Pape, luy fit la guerre & ravagea tout fon pais. Le Comte demanda quartier; la paix ne luy fut accordée qu'à condition qu'il agiroit pour faire lever l'excommunication prononcée contre Raoul & contre fa nouvelle époufe, & l'interdit que l'on avoit mis fur les terres de l'obéïflance du Roy. Le Comte en vint à bout; mais le Légat étant mort, le Pape trouva fort mauvais qu'il eût levé l'excommunication & l'interdit, & auffi-tôt que les troupes du Roy furent retirées, il la fulmina une feconde fois; ce qui fit croire au Roy que tout ce qui avoit été fait jufqu'alors, n'étoit qu'un jeu da Comte de Champagne pour l'amufer; il crut même que ce Comte tâchoit de luy débaucher Raoul fous main, pour l'engager dans fon parti. On l'aflura que pour s'appuyer du Comte de Flandre & du Comte de Soiffons, il négocioit fous main deux alliances avec ces deux Seigneurs ; & qu'il traitoit avec le Comte de Flandre pour faire époufer fon fils à la fille de ce Comte, & qu'il offroit fa fille au fils du Comte de Soillons.

Le Roy fe tint extrêmeinent offenfé de ce

procédé, & changeant fa douceur naturelle en un defir paffionné de fe venger, porta fes armes en Champagne que fes troupes défolérent,& ayant pris la ville & le château de Vitry en Perthois l'an 1144. le Roy fe laiffa emporter en une colere fi outrée, qu'il y mit tout à feu & à fang, & fit brûler miférablement dans la principale Eglife de cette Ville treize cens perfonnes qui s'y étoient refugiées comme dans un lieu d'afile, qui périrent tous fous les ruines & par le feu. Quelques Hiftoriens font monter le nombre de ces malheureuses & innocentes victimes de la fureur du Roy jufqu'à plus de trois mille cinq cens. Une action fi cruelle donna de l'horreur à tout le monde. Lorfque ce Prince fut revenu de cet étrange emportement & qu'il eut fait de férieufes réHexions fur une fi grande faute, il s'abandonna tellement à la douleur, qu'il en parut comme défefpéré. Sa confcience luy reprochoit à tout moment fon crime, & il s'attendoit de voir les foudres du ciel tomber fur la tête. Dans cette fâcheufe extrémité il négligea le foin des affaires de fon Royaume & de fa perfonne. Ce fut alors que S. Bernard Abbé de Clervaux, dont la réputation étoit fort grande dans toute l'Europe, s'employa de toutes les forces pour retirer ce Prince de cette mélancolie profon

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