dénommés, fur les dîmes & fur les terres de l'Abbaïe de S. Denis, avec pouvoir de juger diffinitivement, & d'employer pour l'exécution, s'il étoit befoin, les cenfures eccléfiaftiques; mais l'hiftoire ne marque. point quelle fuite eut cette délégation.

Thibault époufa en l'année 1199. Blanche, fille de Dom Sanche, furnommé le 1199. Sage, Roy de Navarre, & fœur de Dom Sanche le Fort. Il fe croifa la même année, & comme ce Prince étoit jeune & magnifique, cette action fe fit avec beaucoup de pompe & d'éclat en une célebre affemblée de grand nombre de Seigneurs & de Gentils-hommes, qui s'étoient rendus au château d'Ecry fur la riviere d'Aîne, où felon la mode de ce temps il avoit fait publier un Tournois.

Parmi les exercices de Chevalerie il prit folemnellement la Croix avec le Comte de Blois fon coufin. Ils furent auffi-tôt fuivis d'un grand nombre de Seigneurs, Barons. & Gentils-hommes qui prirent la Croix à Mort de leur exemple.

Thibault

III. du

Le Comte de Champagne fut choifi pour douziéme chef de la croifade; mais il n'eut pas la fatis- Comte de faction de pouvoir accomplir fon vœu : car Champaétant tombé malade à Troyes, il y mourut âgé gne. de vingt-cinq ou vingt-fix ans le 25. May l'an1201. après avoir nommé Renauld, Comte 1201.

L ;

Sépulture

tom

MA

de Dampierre pour faire en fon nom ce voyage, & luy avoir donné la conduite de fes troupes particulieres, avec lefquelles il fe rendit à Venife pour joindre les Princes croifes.

Ce Comte fut inhumé dans le chœur de l'E

beau glife de S. Etienne de Troyes auprès du Comte gnifique du fon pere, fous un tombeau d'argent qu'on Comie Thi-y voit encore aujourd'huy, où il est réprébault 111. fenté en habit de pelerin. Il eut de Blanche

1212.

fon époufe une fille, qui fut mise en la garde du Roy, mais elle mourut peu de jours après & avant la naiffance de Thibault, dont Blanche étoit enceinte au temps de la mort du Comte fon époux, après la mort duquel Blanche conferva toûjours le titre de Comteffe de Champagne, & en l'année 1212. elle réforma en cette qualité les abus qui s'étoient introduits dans l'élection des Adminiftrateurs des Religieux & Religieufes de l'Hôtel-Dieu ( dit le Comte) de la ville de Troyes, & elle y établit un bon ordre pour la reddition des comptes, par la chartre qu'elle en donna dattée de Troyes au mois de Mars l'an 1212.

En l'année 1214. fur la fin du mois de Juillet fe donna la fameuse bataille de Bou1124. vines, que Philippe Augufte gagna, dans laquelle les troupes de Champagne fe diftinguérent par leur bravoure & contribuérent

beaucoup à la grande victoire que ce Prince remporta, dont la préfence fuppléa au défdu nombre, & aux inconvéniens d'une furprise & d'une attaque à laquelle on ne s'attendoit pas.

avantage

En l'annéé 1225. la Comteffe Blanche obtint que l'Abbé de S. Denis en France remît aux habitans de Nogent les dédommagemens aufquels ils avoient été condamnés.

THIBAULT quatrième du nom, treiziéme
Comte de Champagne & Brie.

Thibault, Hibault, dit le Pofthume, fut non IV. treiTfeulement Comte de Champagne zieme & Brie, mais encore Seigneur féodal des Comte de Comtés de Chartres, Blois & Sancerre, & Champa- . de la Vicomté de Châteaudun, & depuis gne. Roy de Navarre.

Il fut furnommé le Faifeur de chansons, parce qu'il en compofa plufieurs à la loüange de la Reine Blanche, époufe du Roy Louis VIII. & mere de S. Louis, qu'il fit tranfcrire & donner au public fous le titre de Chanfons du Roy de Navarre. Il fucceda en 1201. naiflant à Thibault III. du nom fon pere l'an L'Impri1201. Il étoit le Prince de la chrétienté qui merie n'éavoit les plus illuftres alliances. Sa mere étoit toit pas enfille&héritiere préfomptive du Roy de Navar- core en u re; fon ayeule fille d'un Roy d'Angleterre, & Sage & n'a fa trifayeule de la Maison Impériale de Sué- qu'en

commencé

1444.

ve. Il étoit de grande taille, & bien proportionné, vaillant & adroit dans l'exercice des armes, mais particulierement de la lance, qui étoit aloïs le plus en usage parmi les Chevaliers. Toutes fes inclinations étoient nobles; il étoit libéral & magnifique, qualités qui étoient comme inféparablement attachées aux Princes de la Maifon de Champagne qui les poffedoient éminemment, & qui les diftinguoient de tous les autres Princes de leur temps: mais fur toutes chofes il étoit inviolablement attaché à la Religion Catholique, & il eut toûjours grand foin d'en conserver la pureté dans fes Etats.

Il paroît par une chartre du mois de Décembre de l'an 1224. que ce Prince usant des droits de fa majorité, étant informé que la Comteffe Blanche fa mere à caufe des befoins de fon Etat n'avoit pas payé aux Religieux de Graminont qui étoient au bois d'Evry & depuis à Ifles à deux lieuës de Troyes, ce que le Comte Henry leur avoit donné, il répara ce defaut & leur donna Somme quarante livres de rente à prendre annuelleconfidéra- ment fur les revenus de la ville de Troyes. ble in ce Ce Prince avoit l'humeur douce & agréa temps-là ble, l'efprit vif & poli, qu'il avoit foigneufement cultivé par l'étude des belles lettres; mais parmi toutes ces bonnes qualités il eut tant d'ambition & d'amour (paffions les plus

ordinaires à ceux de fon rang) qu'il étoit bien difficile de reconnoître laquelle des deux le poffedoit davantage. Malgré le refpect qu'il devoit avoir pour le Roy Louis VIII. dont il étoit proche parent, il ne laiffa pas de faire ouvertement l'amour à la Reine Blanche fon époufe, quoy-que la vertu févere dont cette Princeffe faifoit profeffion ne luy permît pas même d'efpérer d'en être favorablement traité. Mais à quelles extrémités cette paffion ne porte-t'elle point un grand Prince, qui fe croit tout permis, & qui s'imagine qu'il n'y a point de vertu à l'épreuve de fes foins empreflés.

Il compofa des chanfons amoureuses à la louange de cette Princefle remplie d'un beau feu, mais qui font bien éloignées de la politeffe & de la délicateffe du temps où nous vivons. Ce Comte étoit regardé comme un excellent maître en poéfie, ainfi que le rapporte Dante dans fon livre de vulgari Eloquentia.

Ce Comte ne fe contenta pas de compofer luy-même des chanfons; il attira auprès de luy Meffire Gaces Brulez, qui en ce tempslà paffort pour excellent poéte, & qui pour cette raifon devint fon favori. Il compofa des chanfons par l'ordre & dans la pensée de ce Comte. Nous avons cru faire plaifir aux lecteurs de ces Mémoires de rapporter