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dangereux exemple ne fût imité par les au tres Princes, & qu'ainfi il ne fût entierement abandonné. Il s'emporta contre le Comte jufqu'à le menacer que s'il fongcoit à quitter fon armée, il iroit porter le fer & le feu jufques dans les Etats.

La haine que le Comte portoit au Roy n'étoit pas moins grande que l'amour qu'il avoit pour la Reine. Il prétendoit qu'on en devoit ufer à fon égard avec plus de circonfpection, & qu'étant héritier de la Couronne de Navarre, on ne devoit pas le traiter comme un vaffal. Cependant il craignoit que cette menace du Roy n'eut fon effet, connoiffant parfaitement fon humeur & que fes menaces n'étoient jamais vaines. Ses Etats, qui depuis un fiécle n'avoient point reffenti les malheurs qui font les fuites inévitables de la guerre, étoient abondamment pourvus de toutes les chofes néceflaires à la vie, & il n'étoit pas poffible de détourner l'orage qui les menaçoit, à moins que de le prévenir.

Il ne pouvoit attenter à forces ouvertes à la vie du Roy, qui étoit dans une bonne place environnée de toute fon armée; il n'eût pas été moins difficile de le faire affaffiner il ne reftoit plus que la voye fecrette du poison, il s'y détermina, comme l'avancent quelques Hiftoriens, qui difent que

celuy qu'il fit donner au Roy fut lent, de crainte que s'il eût été violent, on en eût bien-tôt découvert l'auteur. Quoy qu'il en foit, le Roy tomba malade & ne s'en plaignit point d'abord, & bien-que la fiévre le tourmentât beaucoup, il fembla moins fouffrir de la douleur qu'elle luy caufoit, que des embarras dans lesquels elle le mettoit. Le Comte eut le plaifir fecret de voir avant fon départ le Roy en l'état où il le defiroit, & d'en auginenter confidérablement le cha grin par fa retraite.

A fon retour à Paris il fut affez hardi d'aller trouver la Reine, s'imaginant qu'elle ignoroit les bruits qui couroient de la cause de la maladie du Roy fon époux, ou fuppofé qu'elle l'eût appris, qu'elle feroit obligée de n'en rien faire paroître, parce qu'elle avoit befoin de fon crédit pour être déclarée Régente pendant la minorité de fon fils. En effet le Roy qui fentoit de jour en jour diminuer fes forces, déclara par fon teftament la Reine tutrice de Loüis fon fils aîné & Régente du Royaune, & il mourut à à Montpenfier le 7. Novembre l'an 1226. 1226. Il y a des Hiftoriens qui prétendent que le Roy ne mourut point de poifon, mais d'une fiévre maligne & contagieufe, dont fon armée étoit infectée, & que le Comte de Champagne étoit trop généreux pour

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commettre une action si détestable; que d'ailleurs il n'y pouvoit rien gagner, puifque la Reine n'étoit point d'accord avec luy, & qu'elle étoit alors âgée de quarante ans, & que par conféquent fes beaux jours étoient paffés. Ceux qui font du fentiment contraire, difent que l'amour du Comte pour cette Princeffe avoit commencé beaucoup auparavant, & qu'elle conferva la beauté jufques dans un âge fort avancé, que d'ailleurs ceux qui font atteints de fiévre maligne font emportés en peu de jours, & que le Roy fut long-temps malade avant que de mourir. Quoy qu'il en foit, ce Comte fut extrêmement de furpris voir que la Reine devenue Régente ne luy communiquoit aucune des affaires du Royaume & qu'elle n'étoit pas moins infenfible pour luy depuis qu'elle étoit veuve qu'auparavant.

Il ne faut pas être furpris de cette fage conduite de la Reine, dont la prudence, la présence d'efprit, l'activité, `l’adreffe & la fermeté furent toûjours le falut de l'Etat durant la minorité du Roy fon fils. Cette maniere d'agir de la Reine toute prudente qu'elle étoit, caufa du trouble dans l'efprit du Comte de Champagne. Il embraffa le parti des Princes qui la vouloient dépouiller de la Régence, & on n'eut aucune peine à l'y engager, parce qu'on vou

lut luy perfuader que l'indifférence de la Reine pour luy, venoit de la paffion qu'elle avoit conçue pour le Cardinal de Saint Ange, Légat du Pape qui étoit depuis quelque temps en France. Varillas remarque que ce Cardinal étoit très-bien fait, que perfonne ne l'égaloit en bonne mine, qu'il avoit de la délicateffe dans l'efprit qui paffoit pour merveilleux, & qu'on n'avoit pas encore vû dans l'Europe un fi parfait courtifan; il ajoute que la Reine Blanche le confidéroit trèsparticulierement, qu'elle le confultoit dans les affaires importantes, qu'elle préféroit quelquefois fon avis à celuy des autres, & qu'elle ne luy refufa aucune des petites graces qu'il demandoit pour fes amis. Il n'en fallut pas davantage pour donner de la jaloufie à Thibault, & pour fournir aux médifans des prétextes de femer de mauvais écrits contre l'honneur de la Régente, à quoy ils ne manquérent pas; & ce qu'il y eut de plus fâcheux, fut que des gens d'étude donnérent le plus de vogue à ces fatyres: mais tous ces faux bruits n'étoient, fuivant la remarque d'un Auteur Anglois, qu'un effet de l'animofité des Grands contre la Régente & contre la fermeté de cette Princeffe, dont le caractere parut toûjours être une vertu exa&te, & une piété conftante. Et notre ancienne Hiftoire rend par tout ce témoignage à

la vérité, felon les Mémoires de ce temps-13.

La Ligue fut donc concluë contre la Reine, & les mécontens élurent Thibault pour leur Général : mais cette Princeffe qui connoiffoit combien il étoit important de détacher de la Ligue ce Prince puiflant & amoureux, réfolut d'avoir pour luy de ces fortes de complaifances qui n'engagent à rien, jugeant bien que par cette conduite elle le rameneroit facilement à elle.

Elle luy manda qu'elle ne feroit pas fâchée de le voir; ce qui redoubla tellement le feu de fa paffion, qu'impatient de la faire connoître à la Reine dans toute fon étendue, il réfolut de quitter le parti de la révolte & de découvrir à cette Princeffe la confpiration que luy & fes alliés avoient faite de fe faifir de la perfonne du Roy; & bien-que ce Prinec dût être affez judicieux pour connoître que cette maniere d'agir de la Reine à fon égard ne pouvoit luy donner aucune efpérance d'en être jamais aimé, il fe flatta néanmoins qu'un fervice fi fignalé & ceux qu'il espéroit de luy rendre dans la fuite pourroient enfin toucher fon cœur. Dans cette pensée il quitta

le

camp de la Ligue fous prétexte d'enlever une partie de l'armée du Roy, & il Y joignit les troupes au même endroit par où il avoit feint de la vouloir attaquer. Cette retraite du Comte déconcerta les projets des

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