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chefs de la Ligue, il fut même averti ponctuellement par fes efpions de tout ce qui fe paffoit dans leur armée, & il découvrit affez à temps à la Reine les mesures prifes pour enlever le Roy fon fils qui étoit déja parti pour aller à Vendôme; il étoit dans le bourg de Châtres, lorfque la Reine luy en fit donner l'avis, elle luy écrivit de fe retirer dans le château de Montlery, d'où elle le fit enfuite ramener à Paris par la bourgeoifie de cette Ville, foutenue par trois cens Gentils-hommes que le Comte avoit amenés avec luy. Cette bourgeoifie fe trouva affez nombreuse pour occuper tout l'efpace depuis Montlery jufqu'à Paris, au travers de laquelle le Roy paffa ayant toûjours ces trois cens Gentils-hommes auprès de fa perfonne réfolus de le bien défendre. Quoyque ceux de la Ligue euffent contre le Comte de Champagne tout le reffentiment qu'on peut s'imaginer à cause de sa désertion, & des avis qu'il avoit donnés à la Reine, ils crurent néanmoins qu'il étoit de leur interêt de le ménager, & ils fe perfuadérent le Comte étant naturellement inconftant, il ne feroit pas difficile de le ramener à leur parti en luy propofant des avantages confidérables, ou au moins qu'ils le rendroient fufpect au Roy. Ils fe fervirent pour cet effet du Duc de Bretagne, qui étoit de

que

meuré chef de la Ligue après que Thibault l'eut abandonnée ; ce Duc luy fit dire qu'il confentiroit qu'il épousât Ifabelle fa fille, (Princeffe belle & bien faite,) ou qu'il la donnât en mariage à un Prince de fa Maifon, pourvu qu'il rentrât dans les interêts de la Ligue.

Thibault écouta volontiers la propofition. L'affaire fut concluë, & le jour pris pour la cérémonie du mariage, qui devoit le faire au Monaftere du Val-fecret proche ChâteauThierry. Le Roy n'en fut averti que par les préparatifs qui fe firent pour l'exécution; il dépêcha auffi-tôt avec la Régente au Comte Thibault le Seigneur de la Chapelle, grand Pannetier de France, avec une lettre par laquelle il luy défendoit ce mariage. Le Comte qui étoit déja en chemin, changea de réfolution, retourna à ChâteauThierry, & refufa des offres fi avantageufes, dans la pensée que cette complaifance pour la Reine, jointe à fes autres fervices, produiroit enfin l'effet qu'il attendoit de fon amour depuis fi long-temps.

Les Ligués fe trouvérent plus offenfés de ce refus du Comte, que de fa défertion, ils entrérent dans une telle colere contre luy, qu'ils réfolurent d'employer toutes leurs forces pour s'en venger, & de laiffer pour cla le Roy & la Régente en repos.

Tandis que les Princes ligués fe préparoient à l'exécution de leurs deffeins, le Comte de Champagne étoit agréablement trompé des vaines efpérances qu'il avoit de réüffir enfin auprès de la Reine, dont la vuë le charmoir tous les jours de plus en plus. Cette habile Princeffe, qui connoiffoit de quelle importance il luy étoit de conferver dans fon parti un homme si puiffi fant, l'engageoit tous les jours davantage, tantôt par une parole obligeante, tantôt par un regard favorable, ce qu'elle fçavoit admirablement faire valoir. Cependant la Cour ne remarquant que trop les foins empreffés du Comte pour la Reine, quelques Seigneurs, pour l'en bannir, réfolurent de luy faire jouer un tour par Robert Comte d'Artois, l'un des freres du Roy. Ce Prince, qui fortoit à peine de l'enfance, commanda a un de fes Officiers de jetter un fromage moû au vifage du Comte, lorfqu'il entreroit dans le Palais du Roy: ce qu'il fit lorfque Thibault entra dans une falle où étoit la Reine. Le Comte fut fi choqué de cet affront, qu'il fe retira fur le champ de la Cour, & il connut que fi les ris, les plaifirs & les vaines efpérances fe trouvent à la naiffance de l'amour indifcret, les regrets & les repentirs affiftent à fes funérailles.

Cependant les Ligués ne s'endormoient

pas, ils conclurent entr'eux un traité particulier qui ferroit étroitement les nœuds de leur alliance; & afin de réüffir immanquablement dans le deffein qu'ils avoient formé de perdre le Comte de Champagne, ils eftimérent qu'outre la force ouverte il étoit bon d'employer encore l'artifice; ils fçavoient que la Reine Blanche avoit trop d'obligation au Comte pour l'abandonner entierement, & qu'elle fe ménageroit avec luy mais ils crurent luy donner le coup mortel en faifant venir Alix Reine de Chypre. Voicy de quelle maniere s'explique le Pere Daniel fur ce fujet : Alix étoit fille d'Henry, Comte de Champagne, qui avoit fuivi Philippe Augufte au voyage d'outremer. Il y demeura avec Richard Roy d'Angleterre après le départ de Philippe, & y époufa l'héritiere du Royaume de Jérufalem, qui luy apporta cette Couronne en mariage: de ce mariage étoit venuë Alix dont il s'agit, & elle fut depuis mariée au Roy de Chypre. Henry de Champagne, Roy ou Prince de Jérufalemn étant mort, Thibault fon frere cadet qui étoit demeuré en France, fe mit en poffeffion du Comté de Champagne. Philippe Augufte reçut fon hommage, & il paffa depuis pour l'unique & légitime héritier de ce Comté : il étoit le pere du Comte Thibault, contre lequel s'étoit for

mée la Ligue dont on parle. La question étoit fi Thibault frere d'Henry avoit cû droit de fe faifir du Comté de Champagne, & d'en fruftrer Alix fille d'Henry.

Dès le temps de Philippe Augufte, Errard de Brienne, mari de Philippote fœur d'Alix, avoit formé cette difficulté. Le droit de ces Princeffes auroit été, ce semble, incontestable, s'il n'eût pas été certain qu'Henry avant fon départ pour fon voyage d'outre-mer avoit fait ceflion à Thibault fon frere de fon Comté de Champagne, en cas qu'il ne revînt pas de la Terre fainte, comme en effer il n'en revint pas ; & fi le mariage d'Henry avec la Reine de Jérufalem pere & mere de ces mêmes Princeffes eût été conftainment légitime mais ce fecond point étoit au moins fort douteux. Les Papes n'avoient jamais voulu reconnoître ce mariage comme tel, & avoient fait défenses à Alix pour cette raifon de prendre le titre de Comteffe de Champagne avant qu'elle eût prouvé qu'elle étoit née d'un légitime mariage.

Sur ces entrefaites elle étoit venuë en France, & c'étoit ces droits prétendus que les Ligués faifoient valoir contre Thibault fon coufin, qui fervoient de prétexte à cette guerre, en laquelle il ne s'agiffoit pas moins que de la ruine totale du Comté de Cham pagne.

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