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Le Roy pour appaifer entierement ces troubles, & donner des marques de fa juftice, ordonna au Comte de Champagne de payer à la Reine de Chypre pour les droits qu'elle prétendoit avoir fur la Champagne, deux mille livres de rente & quarante mille livres d'argent comptant, pour le rembourfement des frais qu'elle avoit faits en cette pourfuite ( ces fommes étoient confidérables en ce temps-là.) La Reine Blanche toûjours toute-puiffante fur l'efprit de ce Comte, l'engagea non feulement à acquiefcer à ce jugement, mais encore de vendre au Roy fon fils les Comtés de Blois, de Chartres de Châteaudun & de Sancerre, afin qu'il pût payer comptant cette fomme à la Reine de Chypre: ce qu'il fit.

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Les Princes ligués fe voyant par cet accord fruftrés de l'efpérance qu'ils avoient cûe de ruiner le Comte, & ne pouvant oublier l'outrage qu'ils croyoient en avoir reçu, l'accuférent d'avoir fait empoisonner le Roy Louis VIII. & ils fe foumirent aux peines portées par les loix contre les calomniateurs, en cas qu'ils ne l'en convainquiffent pas dans les formes.

Le Confeil du Roy fur affez long-temps irréfolu fur le parti qu'il avoit à prendre dans une conjoncture fi délicate: mais fon deffein principal étant de défarmer les Prin

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1230.

ces ligués, fans néanmoins perdre le Comte, qui promit qu'il prendroit la Croix & partiroit inceffamment pour aller en la Terre fainte faire la guerre aux Infideles, accompagné de cent Chevaliers entretenus à ses dépens, à condition que les Ligués défarmeroient & fe remettroient fous l'obéiffance de leur Souverain; cet expédient fut également agréable aux deux partis. Le Comte, dont le crime paroiffoit certain à tout le Royaume, depuis cette action intentée contre luy, y trouvoit les avantages, puifque non feulement cette punition étoit fort legere; mais on mettoit par là fa réputation à couvert en le faifant compagnon de tant de perfonnes innocentes qui s'engageoient tous les jours à faire ce voyage, par le feul defir de fe fignaler contre les ennemis du nom chrétien. Les Ligués y trouvoient aufli leur compte, en éloignant pour long-temps celuy qu'ils regardoient comme leur ennemi, en l'engageant dans une entreprife prefque toûjours fatale aux braves Chevaliers de l'Europe.

Au mois de Septembre de l'année 1230. la Cour étant à Compiegne, la Reine Blanche après diverfes négociations vint enfin à bout de réconcilier les Grands du Royaume entr'eux; & les Comtes de Flandre & de Champagne fe remirent bien avec le Comte de

par

Bologne. Le Duc de Lorraine & le Comte de Bar furent accommodés par la Reine & le Comte de Champagne. Tous promirent au Roy de luy être fideles, après que le Roy & la Reine fa mere leur eurent accordé la confirmation de leurs droits & de leurs priviléges felon les loix & les coutumes de l'Etat.

Peu après cet accord, Sanche le Fort Roy

de Navarre mourut fans enfans en l'année 1234. 1234. Ce Prince étoit le dernier de la race masculine de Dom Garcie Ximenès, laquelle avoit regné plus de cinq cens ans dans la Navarre, & comme felon la coutume de ce Royaume, la Couronne à faute d'enfans mâles, paffe aux filles, elle appartenoit de droit au Comte de Champagne, comme fils de Blanche de Navarre fœur de ce Roy & fon héritiere préfomptive.

Ce Prince, qui n'aimoit pas le Comte de Champagne, n'avoit rien négligé pour le fruftrer, s'il eût été poffible, de cette fucceffion; jufques-là qu'il fit propofer à Jacques Roy d'Arragon de s'adopter l'un l'autre, à condition que le furvivant hériteroit de la Couronne de l'autre. Cette adoption étoit auffi peu praticable, qu'elle étoit mal fondée; Jacques Roy d'Arragon n'avoit que vingtdeux ans & avoit des enfans, & Sanche Roy de Navarre, qui n'en avoit point, avoit plus de foixante & dix ans ; mais il n'étoit porté

1234.

à cette injuftice que pour favorifer les Arragonnois, & contenter l'ancienne paffion qu'ils avoient toûjours cûë de s'emparer de la Navarre, qui pour être voifine de l'Arragon étoit fort à leur bienféance.

Après le décès de Sanche, les Navarrois envoyérent une magnifique ambaffade au Comte de Champagne, pour l'inviter à venir prendre poffeffion d'une Couronne qui luy appartenoit par droit de fucceffion. He rendit peu de temps après à Pampelune, ville Capitale de ce Royaume, & il y fut folemnellement proclamé & couronné Roy -en la même année 1234.

En cette même année Gafton de Montcade, Seigneur de Bearn par l'élection des Bearnois, renouvella l'alliance que fon pere Guillaume avoit contractée avec Thibault, & voulut que Fortaner de Lefcun, l'un de fes Barons & premiers vaflaux, qui avoit fa Baronnie fituée fur le haut des monts Pyrénées proche les limites de Navarre & d'Arragon, s'obligeât particulierement au fervice & vaffelage du nouveau Roy de Navarre, recevant de luy en fief perpétuel pour foy & fes héritiers la ville & château de Saboda, dont Fortaner luy fit hommage au mois de Juillet 1 2 3 4. Quaffende Comteffe de Bearn & Gafton fon fils fignérent cet acte, & cautionnérent la

fidélité de Fortaner de Lefcun; Gafton fuivit depuis Thibault en fon voyage de la Terre fainte.

Thibault fe voyant paifible dans_fon Royaume de Navarre, y établit plusieurs belles loix, & ayant remarqué qu'il étoit peu cultivé en plufieurs endroits faute d'habitans, il fit venir des colonies de Champagne & Brie, qui le rendirent bien-tôt aufli peuplé & auffi fertile qu'aucune autre contrée de l'Efpagne; & après s'être mis en fureté autant qu'il le put contre les entreprifes du Roy d'Arragon, au cas qu'il voulût remuer contre luy pour faire valoir ses prétentions quoy-que mal fondées, il déclara qu'il vouloit accomplir le vœu que le Comte Thibault fon pere avoit fait d'aller en la Terre fainte. Il eft cependant à préfumer que ce fut plutôt en exécution du traité dont nous avons parlé cy-devant, que pour accomplir ce vœu.

Thibault avoit trouvé dans l'épargne de Dom Sanche, Roy de Navarre fon prédéceffeur, dix-fept cens mille livres, ce qui feroit aujourd'huy environ quinze millions. En cet état de puiffance il fe crut moins obligé que jamais à ménager le Roy.

prétendit que la ceffion qu'il avoit faite des Comtés de Blois, de Chartres, de Sancerre, & autres fiefs dont il avoit traité avec

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