'Epine, ils la portérent dans la Chapelle. Ce prodige y attira une infinité de perfonnes, qui accoururent de toute la Champagne à cette Chapelle, où ils firent des of frandes confidérables qui furent recueillies, par les Marguillers de Melette & de Courtifols. L'Official de Chaalons averti des grandes fommes qu'avoient produites ces offrandes, voulut prendre connoiffance de l'employ qu'on en vouloit faire: mais il en fut debouté par Lettres Patentes du Roy de la même année 1400. avec pouvoir aux Marguillers d'en difpofer pour la conftruction d'une Eglife qu'ils avoient deffein de bâtir. Les Anglois tenoient alors prefque toute la France, Troyes & Reims leur obéilloient, Chaalons feul refufoit de les reconnoître. Cela paroit par une Sentence renduë en l'Of ficialité de ce lieu, dont y ayant cû appel à Reims ville Métropolitaine, les Marguillers de l'Epine refuférent d'y aller plaider, difant que c'étoit une Ville rebelle. Un nommé Patrice, habile Architecte, ayant appris qu'on vouloit bâtir une Eglife proche Chaalons, en donna un deffein qui fut approuvé & fuivi. On luy en remit la conduite, & par un traité il s'obligea de bâ→ tir le portail & deux groffes tours, moyenmant fix cens livres qu'on luy promit pour fes foins feulement, & pour caution il donna deux bourgeois de Chaalons. On employa plufieurs années à applanir le terrain & à y porter les bois, les pierres & les autres chofes néceffaires pour la conftruction de ce fuperbe édifice, & malgré les guerres continuelles qui défoloient alors le Royaume, on ne laiffa pas d'y travailler fans relâche; tous les habitans de Melette & de Courtifols quittoient leurs charrues pour aller chercher des pierres jufques dans le fond de la Lorraine. A mesure que l'on voituroit les matériaux, Patrice les mettoit en œuvre de forte que le portail tel qu'il est à présent & le clocher du côté des Minimes furent achevés en 1429. En la même année Charles VII. vint en Champagne dans le deffein d'affiéger Troyes, mais les Anglois ne l'y attendirent pas. Le Roy vint enfuite à Chaalons pour aller fe faire facrer à Reims, comme nous l'avons dit. Patrice, qui étoit Anglois, ayant pris la fuite dans le temps de ces troubles, & emporté l'argent qu'on luy avoit avancé, on fit affigner pardevant le Roy les deux Bourgeois qui luy avoient fervi de caution, & ils furent déchargés, à cause, difent les Lettres du Roy, de la force majeure. Le Roy fit préfent à l'Eglife de l'Epine d'une fomme confidérable, qui fut employée à construire le second clocher qui fut élevé plus haut que le premier, & que l'on couronna d'une couronne Royale, comme une marque de la protection du Prince. On continua enfuite l'ouvrage de l'Eglife que l'on poulla jufqu'à la Chapelle de S. Jean à l'endroit où l'on dit qu'étoit arrivé le miracle. Et Pierre Robert, Religieux de l'Abbaïe de Touffaints de Chaalons, Curé de Melette, Bénéfice qui dépendoit de cette Abbaïe, ayant demandé la tranflation de fon Eglife en celle de l'Epine nouvellement bâtie en partie, & où il y avoit des fonds & des ornemens, le village de Melette étant defert, & fes habitans étant venus s'établir à l'Epine, cette tranflation se fit par le Pape Pie II. en l'année 1459. Ainfi l'Eglife de l'Epine, qui auparavant n'étoit qu'un petit fecours, devint l'Eglife principale, à condition d'aller à Pâques chanter Vêpres à Melette & y célébrer la Meffe le jour de S. Leger qui en eft le Patron. On venoit de tous côtés vifiter cette nottvelle Eglife: Chaalons & Verdun luy donnérent des Reliques, & le Duc de Lorraine des cloches. Le Roy Louis XI. y fit un vœu pendant fa détention à Péronné par le Duc de Bourgogne; il l'accomplit en l'année 1472. qu'il vint à pied de Chaalons à l'Epine; il y fit préfent de douze cens écus d'ar * dont le Roy voulut que le fonds fervit pour l'entretien du Curé, & il donna pour cela fes Lettres Patentes. Un nommé Antoine Guichard, qui fe qualifie Maçon, acheva cette Eglife en l'année 1529. Les bourgeois de Chaalons y donnérent des vitres admirables: mais les Seigneurs de Châtillon qui étoient freres, s'en allant en Allemagne pendant les guerres de la Religion, entreprirent de détruire cette Eglise qui avoit de la réputation, à caufe qu'on y accouroit de toutes parts en dévotion. Ils l'afliégérent avec une bonne armée, le Sei gneur la défendit avec beaucoup de bravoure, ayant avec luy tous les habitans de Courtifols qui s'y étoient refugiés; mais les Cette vitre affiégeans ne pouvant la forcer firent une ft dans la décharge fur les vitres, dont ils cassérent nef du côté la plus grande partie; néanmoins celle où des Mini- l'hiftoire du miracle eft dépeinte fe trouve En confidération de la vigoureufe réfiftance que fit en cette occafion le Seigneur de l'Epine, l'Eglife fait préfent tous les ans à fes fucceffeurs de deux épées que le Curé doit lay mettre en main après les avoir benites, & qu'ils donnent enfuite aux jeunes gens des Villages circonvoifins qui les ont gagnées à la courfe, l'on diftribuë aufli des gands qui fervent de prix à ceux qui fautent un plus grand efpace de terrain. On tient qu'il s'eft fait en cette Eglife plufieurs miracles: ce qu'il y a de certain, c'eft qu'elle eft toûjours extrêmement vifitée, & un des plus fameux pelerinage de France. SAINTE-MANEHOULD, Ette Ville qui porte le titre de Comté; n'eft pas la moindre de la Champagne. Son affiette, fon ancienneté, fon château qui eft fur un rocher fort élevé, & le grand nombre de fiefs & d'arriere-fiefs au nombre de plus de deux cens cinquante qui relevent du Roy à caufe de ce château, la rendent confidérable. Elle eft fcituée entre Chaalons & Verdun; elle eft bâtie dans un marais entre deux rochers, fur le plus haut defquels eft le château, qu'on prétend être l'ouvrage de Drogon ou Dreux, fixiéme Duc de Champagne, dont nous avons parlé en l'année 693. Il étoit aufli Maire du Palais d'Auftrafie fous le regne de Childebert. Il fut appellé en ce temps Château-neuf ou Château für Aîne, riviere qui traverse la Ville & paffe au pied du château, & qui prend fa fource à un Village de ce nom à trois lieues de SainteManehould cette riviere eft petite, mais |