d'Herbert, fut extrêmement furpris de ce qu'il ne s'inclinoit pas en recevant l'honneur qu'il luy faifoit. Herbert, qui s'apperçut de la furprise du Roy, parut indigné de la maniere d'agir orgueilleufe de fon fils, & pour en couvrir la faute, il luy donna de sa main fur le col pour luy faire baiffer, en luy difant ces mots: Apprenez à faluer votre Prince avec le respect que vous luy devez. Cette colere feinte du pere & qui fembloit partir d'un cœur véritablement affectionné à fon Roy, & les confeils avantageux qu'il luy donna, ôtérent à ce Prince tous les foupçons qu'il n'avoit que trop juftement conçus contre Herbert, & il fut fi fimple qu'il alla quelques jours après le trouver à S. Quentin.

Ce Comte reçut le Roy avec tout le refpect qu'il luy devoit, & le logea & régala magnifiquement pendant deux jours: mais dès le troifiéme ayant fait entendre à ceux qui accompagnoient le Roy, qu'il avoit à conférer avec luy d'affaires de la derniere importance & fans témoins, il éloigna avec beaucoup d'adreffe toutes les perfonnes de fa fuite. Ainfi le Comte s'étant affuré fans peine de la perfonne du Roy, il le fit enlever pendant la nuit & conduire furement fous bonne escorte à Château-Thierry l'une de fes forterelles, où il le mit en prifon l'an 913. Il alla ensuite en Bourgogne rendre 913. E

compte à Raoul du fuccès de fa trahifon. Ogine feconde femme du Roy Charles, qui étoit fille d'Edouard I. du nom Roy d'Angleterre, fe fauva. dans le Royaume de fon pere avec le petit Prince Louis fon fils qui n'avoit que trois ans.

Herbert cependant n'eut pas toute la fatisfaction qu'il attendoit du Roy Raoul, à l'élévation duquel il avoit le plus contribué, pour le vanger de ce qu'il luy avoit re

&

fufe le Comté de Laon pour Eude son fils, il convoqua à Troley fur la riviere d'Aine entre Soiffons & Compiegne, un Concile de l'Eglife Gallicane environ l'an 927. contre la volonté de Raoul, qui en fut si offenfé, que partant de fon Duché de Bourgogne auffi-tôt qu'il en eut reçu la nouvelle, il vint ravager les terres du Comte.

Après que le Concile fut terminé, Herbert fe préfenta devant la ville de Laon pour s'en emparer, mais Raoul y ayant jetté des troupes, & luy-même étant entré dans le Château pour le défendre, l'entreprise du Comte échoüa. Il n'en demeura pas là, & voulant tout mettre en ufage pour ruiner Raoul il vint à Château-Thierry où de Roy Charles étoit prifonnier depuis quatre ans, il luy annonça l'heureufe nouvelle de fa délivrance, le pria d'oublier tout le paffé, & l'aflura de fa parfaite obéif

fance pour l'avenir. Le Roy luy donna toutes les marques les plus fenfibles de fon amitié & toutes les affurances qu'il pouvoit fouhaiter de luy pour l'avenir. Ils allérent de là à Saint-Quentin, où le Roy fut reçu avec les acclamations du peuple & des

troupes.

Herbert, pour faire connoître fon obéïffance au Pape, luy fit fçavoir qu'il avoit mis le Roy en liberté, ainsi qu'il luy avoit ordonné à peine d'encourir les cenfures eccléfiaftiques.

Dans ce temps-là le Château de Laon fut abandonné par Emine époufe de Raoul, Herbert s'en faifit, & vint à Reims avec Charles l'am 928. & enfuite il fe raccom- 928. moda avec Raoul, qui confentit qu'il reftât en poffeffion de la ville de Laon, & Herbert luy fit un nouveau ferment de fidélité, & remit Charles en prifon.

Quelque temps après Raoul étant venu à Reims, Herbert y fit amener Charles toujours bien gardé là ces Princes luy firent de grands préfens; mais tout aboutit à faire un accord entr'eux & luy, par lequel Charles ne pouvant rien faire de mieux, confentit à laiffer Raoul Gouverneur du Royaume, & apparemment avec le titre de Roy, mais avec une autorité très-bornée par celle que Hugues & Herbert avoient dans le Royau

me, & on accorda feulement à Charles

pour fon entretien les revenus du Château d'Attigny fur la riviere d'Aîne, où il est certain qu'il demeura quelque temps. Mais il ne jouit pas long-temps de ce petit adouciffement de fa captivité, car il mourut quelque temps après à Péronne l'an 929. 929. où il avoit été alors remis en prifon toûjours fous la puiffance d'Herbert; il y fut inhumé dans l'Eglife de S. Furcy.

Le Comte Herbert délivré par la mort de Charles, qu'il avoit fi cruellement offense, de l'inquiétude continuelle où il étoit pendant fa vie, devint plus fier que jamais. Il fçavoit que c'étoit à luy que Raoul étoit le plus redevable de fa Couronne, il voulut fe mefurer avec luy; mais Raoul ne pouvant fouffrir l'arrogance du Comte Herbert, les chofes allérent fi avant, que le Comte appréhendant le courage & l'autorité de Raoul, il eut l'adreffe d'engager dans fon parti Arnould Comte de Flandre & Giflebert Duc de Lorraine, & fe retira enfuite auprès d'Hen-, ry Roy d'Allemagne, où il fe déclara fon vaffal & luy fit hommage de fes terres.

Cette retraite du Comte ayant été prife par Raoul pour un attentat à l'autorité Royale & pour une rebellion manifefte, il entra accoinpagné de Hugues Duc de Franse fur les terres d'Herbert, & luy enleya

les villes d'Amiens, Laon, Saint-Quentin Péronne, Ham, Eu, Château-Thierry, Reims & Arras.

Herbert ne dormoit cependant pas, il vint en fon pais avec des forces confidérables qu'il avoit tirées de Lorraine, accompagné d'Eude un de fes fils, & il reprit en peu de temps Saint-Quentin, Ham & Château-Thierry; mais Raoul étant accouru au bruit des exploits du Comte, il les reprit avec la même facilité, & défola toute la Province.

Le Comte outré de tant de pertes, eut recours à la médiation d'Henry Roy d'Allemagne & de Rodolphe II. du nom Roy de la. Bourgogne Transjurane, par l'entremife defquels la paix fut conclue l'an 935. à ces conditions: Que Château-Thierry demeureroit à Raoul, & que Saint-Quentin & Péronne feroient rendus au Comte Herbert.

935.

Raoul.

Quelque temps après Raoul mourut rongé de vermine à Auxerre le 15. Janvier l'an Mart de 936. Après la mort Hugues le Grand fit rappeller le Roy Louis d'Outre-mer, fils de Charles le Simple; il alla le recevoir à Bo- 936. logne, & le conduifit à Laon, & le fit couronner. Chacun fe perfuadoit que ce Prince ne manqueroit pas de tirer une jufte vangeance du Comte Herbert, qui avoit fi indignement traité fon pere ; mais la colere de Louis ayant été appaifée par les bons offi