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de vertu parmi les hommes. Vous dites fort bien, lui dis-je; mais ne faitesvous pas comme eux, quand vous dites qu'il n'y a rien de bien que ce qui est jufte & honnête: & quand vous ôtez toute forte de diftinction entre tout le refte? Si je l'ôtois, vous auriez raison, dit-il, mais je la laiffe. Comment cela, repris-je? Si la vertu feule, fi ce que vous appellez honnête, fi ce qui eft juste, loüable, & convenable (car je me fers de plufieurs mots pour me mieux faire entendre) fi, dis-je, cela feul eft l'unique bien, qu'aura-t-on de plus à rechercher ? Et s'il n'y a rien de mal que ce qui eft honteux, mal-honnête, indécent, méchant, vicieux & indigne (car c'eft encore pour me mieux faire entendre que je me fers de plufieurs termes) que peut-il y avoir de plus à éviter? Comme vous n'ignorez pas, dit-il, ce que j'aurois à vous répondre là-deffus, & que je vous foupçonne de vouloir tirer avantage de quelque courte réponse que je vous ferois je ne vous répondrai point féparément fur chaque chofe: mais puifque nous en avons le loifir, je veux bien, à moins que vous ne le jugiez inutile, vous expofer toute la doctrine de Zénon & des

Stoïciens. Cela ne peut l'être, lui dis je, & fervira même beaucoup à éclaircir ce que nous cherchons. Voyons donc, reprit-il, fi je pourrai en venir à bout, nonobftant ce qu'il y a d'ob. fcnr & de difficile à démêler dans leur doctrine. Car fi autrefois les mots Grecs dont on fe fervit d'abord pour l'expliquer, parurent étranges avant que l'ufage les eût rendus familiers, que ferace fi je viens à en introduire de nouveaux dans notre langue?

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Il n'y a rien en cela, lui dis-je, qui doive vous faire de la peine: car s'il a été permis à Zénon d'inventer de nouvelles expreffions, pour faire entendre ce qu'il avoit découvert de nouveau, pourquoi le femblable ne fera-t-il pas permis à Caton? Du refte, il ne fera pas toûjours néceffaire de rendre un mot Grec par un autre, comme les mauvais Interprétes, fur-tout lorfqu'on pourra mieux faire entendre la même chofe par quelque autre mot. Pour moi, quand il eft queftion de traduire, fi ce que les Grecs difent en une feule parole, je ne puis pas le rendre de même, je l'exprime en plufieurs mots ; quelquefois aufli je me fers du mot Grec, quand je n'en trouve point dans notre langue

qui puiffe y répondre parfaitement. Et c'eft, à mon avis, une permiffion qu'on doit nous donner, à moins qu'on ne prétende que c'eft un privilége réfervé aux mots (3) d'Ephippies, & d'Acratophores, & qu'il ne faut pas l'étendre à ceux de Proëgménes, & d'Apoproëgménes, qu'on pourroit pourtant rendre en notre langue par ceux de préférez, & de rejettez, ou par quelques autres femblables. Je vous fuis obligé de me fecourir, comme vous faites, me répon dit-il. Ainsi, à l'égard des termes que vous venez de me fournir, je m'en fervirai plûtôt que des termes Grecs; & dans les autres vous m'aiderez, fi vous voyez que je fois embarraffé. Je le ferai, lui dis-je ; mais courage, la fortune

aide

(3.) On voit par là que les mots d'Ephippies & d'Acratophores étoient dès lors en ufage à Rome, celui d'Ephippies, compofé de la prépofition in d'inos qui fignifie un cheval, étoit employé pour fignifier une felle, & veut dire proprement un fur-cheval, de même que nous difons un iur-cout, un fur-faix. Horace s'en eft fervi dans fa premiere Satyre. Optat ephippia bos piger, optar arare caballus. Celui d'acratophore qui veut dire proprement porte- vin, fignifioit un vase à mettre du vin, à porter du vin. Quant aux mois de Proëgments, & d'apoproëgmenes, ils font juff famment expliquez dans tout le livre.

aide aux braves gens : & que pourrions nous faire de mieux ?

Ceux dont je fuis la doctrine, reprit alors Caton, tiennent que dès que l'animal eft né ( car c'eft par là qu'il faut commencer) il eft naturellement enclin à s'aimer, & à aimer la confervation de fon être, & de tout ce qui y a quelque rapport; & qu'au contraire il est naturellement aliéné de tout ce qui en peut caufer la deftruction. Or cela fe prouve en ce que les enfans, avant que d'avoir aucun fentiment de plaifir ou de dou, leur, ont envie de ce qui leur est falutaire, & rejettent ce qui leur eft nuifible: ce qu'ils ne feroient pas, s'ils n'aimoient la confervation de leur être, & s'ils n'en craignoient la deftruction. Il feroit même impoffible qu'ils euffent alors aucune envie, s'ils n'avoient un fentiment par lequel ils fe fauvent euxmêmes: & c'eft de là que l'amour, que chacun a pour fa propre confervation, a pris fon origine.

La plupart des Stoïciens ne croient pas que parmi les principes naturels,par lefquels on eft porté à s'aimer, la volupté ait aucun lieu; & je fuis fort de leur fentiment; parce que fi la nature avoit mis quelque attrait de volupté

dans les premiéres chofes qu'elle fait defirer, il feroit à craindre que de là on ne pût tirer bien des conféquences honteuses. Du refte, une grande preuve que le premier defir que la nature a mis en nous, n'eft autre chofe que la confervation de ce qu'elle nous a donné d'abord, c'eft qu'il n'y a perfonne qui n'aime mieux avoir toutes les parties de fon corps dans une parfaite intégrité, que de les avoir contrefaites ou eftropiées.

Pour ce qui eft des connoiffances, & des compréhenfions de l'efprit, nous croyons qu'il eft naturel de les recher cher pour elles-mêmes, parce qu'elles ont en elles-mêmes quelque chofe qui embraffe & qui renferme une vérité: & cette inclination de la nature se voit dans les enfans, qui font ravis, lorsque d'eux-mêmes, & par leur propre raisonnement, ils ont découvert quelque chofe, qui d'ailleurs pourtant ne leur importe en rien. Selon nous, les arts méritent auffi d'eux-mêmes qu'on s'y applique, parce qu'ils font l'ouvrage de l'intelligence, du raifonnement, & de la méthode. Enfin, nous croyons qu'il n'y a rien pour quoi la nature nous ait donné plus d'averfion que pour un con

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