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de la République, Publius Scévola, & Marcus Manilius, auront confulté enfemble fi l'enfant d'un esclave doit être regardé comme un fruit, qui appartient au maître de l'esclave? Marcus Brutus aura été là-deffus d'un avis différent du leur: & comme c'est une question de Droit affez fubtile, & qui eft de quelque ufadans la fociété, cela fe lira avec plaifir: on lira auffi avec plaifir d'autres chofes de même nature:& on négligera ce qui regarde le cours entier de la vie? De pareilles queftions peuvent être d'un plus grand débit ; ceci eft affuré ment plus important. Mais il faut en laiffer le jugement aux lecteurs.

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Cependant, je croi avoir expliqué ici de telle forte tout ce qui regarde la queftion des biens, qui font le plus à rechercher, & des maux, qui font le plus: à craindre; que non feulement j'en ai dit ce que je penfois ; mais que j'ai eu foin de marquer, autant que j'ai pû tout ce que les Philofophes des différentes fectes en on dit..

Pour commencer par le plus aifé, je vais examiner l'opinion d'Epicure, qui eft fi connue de tout le monde ; & vous verrez que je l'ai tellement éclaircie, que ceux qui la foutiennent ne fau

roient l'expofer mieux ; car je ne fonge qu'à chercher la vérité, & nullement à combatre, ni à vaincre un adverfaire.

Il y a déja long-temps que Lucius (12) Torquatus, homme d'un profond favoir,

(12) Ciceron, dans Brutus, ou de claris Oratoribus,parle de L. Torquatus, & de C. Triarius comme déjà morts, à peu près en ces termes L. Torquatus étoit un homme d'une grande & profonde érudition, & d'une mémoire admirable: il parloit avec beaucoup de dignité & d'élé gance; & ce qui ajoutoit un grand prix à tout cela, c'étoit la fageffe & l'intégrité de fa vie. Pour Triarius, je voyo's en lui avec plaifir dans un âge peu avancé, l'éloquence d'une favante vieilleffe. Quelle n'étoit point la gravité de fon air, & la force de fes paroles & qu'il écoit éloigné de fe laiffer Bien échaper d'inconfi éré?

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I loue encore le même Torquatus dans un autre endroit du même livre, & ce fut contre lui qu'il défendit lacaufe de P Cornelius Sylia, que Torquatus acculoit d'avoir eu part à la conjuration de Catilina. L'Oraifon de Ciceron fur ce fujet eft une de fes plus belles. Et comme Torquatus, en accufant Sylla, s'étoit échapé contre ciceron, qui le défendoit, jufqu'à dire : Regnum ejus ferre non poffu , qu'il n'en pouvoit fouffrir la domination: Ciceron répond à cela avec une force, une vehemenБе & une dignité inconcevable.

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Il eft fait auffi mention de Torquatus dans les Commentaires de Cefar, où il est marqué que dans les guerres civiles Pompée lui avoit donné le commandement d'une ville fur la côte d'Epire: mais que les habitans s'étant declarez pour Cefar

favoir, ayant entrepris de foutenir l'opinion d'Epicure fur la volupté, je lui répondis en préfence de Caius Triarius, jeune homme fage & de beaucoup d'efprit, qui fe trouva à notre difpute. Car l'un & l'autre m'étant venu voir dans ma maifon auprès de Cumes la converfation tomba d'abord fur les Lettres, qu'ils aimoient paffionnément tous deux. Après quoi Torquatus: Puifque nous vous trouvons ici de loifir dit-il, il faut que je fache de vous, non pas pourquoi vous haïffez Epicure, tomme font ordinairement ceux qui ne font pas de fon fentiment, mais pourquoi vous n'approuvez pas un homme que je croi être le feul qui ait connu la vérité, un homme qui à dé livré l'efprit des hommes de tant d'erreurs, & qui leur a donné tous les préceptes néceffaires pour pouvoir vivre fagement & heureufement. Pour moi,je m'imagine que ce qui fait que vous ne le goûtez pas, c'eft qu'il n'a pas eu le même foin des ornemens du difcours,

que

il fut obligé de fe fauver, & qu'il mourut enfuite en Afrique dans le parti de Pompée. Triarius mourut auffi dans le même parti, où il avoit cu le commandement de la flotte d'Afie.

que Platon, Ariftote & Théophrafte; car d'ailleurs je ne faurois me perfuader que vous ne foyez pas de fon fenti

ment.

Voyez combien vous vous trom pez, lui répondis-je. La façon d'é crire d'Epicure ne me choque point; il dit ce qu'il veut dire, & il le fait fort bien entendre. Je ne fuis pas fâché de trouver de l'éloquence dans un Philofo phe; mais ce n'eft pas ce que j'y cher che. C'eft uniquement fur les chofes mêmes qu'Epicure ne me fatisfait pas en plufieurs endroits. Cependant, autant de têtes, autant d'opinions, & je puis bien me tromper.

En quoi donc ne vous fatisfait-il pas, reprit-il? Car, pourvû que vous ayez bien compris ce qu'il dit, je ne doute point que vous ne foyez un juge trèséquitable.

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J'ai entendu (13) Phédre & Zénon, lui répondis-je, & à moins que vous ne les croyiez menteurs vous devez croire que je pofféde parfaitement la doctrine d'Epicure. L'exactitude avec laquelle

(13) Phedre Zenon étoient deux Philofophes Epicuriens, qui enseignoient à Athenes la doarine d'Epicure.

laquelle ils l'expliquoient, eft tout ce que j'en ai approuvé. Je les ai même entendus fouvent avec Atticus, qui les admiroit tous deux, & qui aimoit particuliérement Phédre. Quelquefois nous nous entretenions fur ce qu'ils avoient dit, & jamais nous n'avions de difpute fur l'intelligence des paroles, mais feulement fur les opinions mê

mes.

Encore une fois, ajoûta-t-il, fur quoi Epicure ne vous contente-t-il pas ?

En premier lieu, lui répondis-je, il n'entend rien à la Phyfique, fur la quelle il fe vante d'exceller: il ne dit prefque rien là-deffus que ce qu'a dit (14) Démocrite; & dans le peu qu'il y ajoûte de lui-même, il me femble qu'il change toûjours en mal ce qu'il y veut réformer. Les Atomes, felon lui (car c'eft ainfi qu'il appelle de petits corpufcules, qui font indivifibles, à

caufe

(14) Selon quelques uns Democrite étoit d'Ab dere dans la Thrace: felon quelques autres il étoit de Milet ville d'Ionie. Il fut contemporain de Socrate & de Platon, & il eft l'auteur de la do

rine des Atomes. De fon vivant on lui érigea des ftatues, & après avoir vêcu cent ans, il fut' enterré aux dépens du Public.

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