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heur de la vie : & c'eft pour cela que fageffe veut que le Sage la quitte, elle`même, fi elle le commande. Quant aux fous, quoi qu'ils foient toûjours miférables, comme le vice n'a pas affez de force pour le's porter à une mort vo

que

lontaire, ils doivent demeurer dans la vie, s'ils ont reçû de la nature plus de chofes qui puiffent les y retenir. Car puifqu'ils font également miférables, foit en vivant, foit en mourant, & ce n'eft pas la durée du temps qui fait leur mifère, ce n'eft pas fans caufe qu'on dit que quand ils ont beaucoup d'avantages naturels dont ils peuvent joüir, il faut qu'ils jouiffent de la vie.

Les Stoïciens tiennent auffi qu'il eft néceffaire de concevoir que c'eft la nature qui fait que les péres aiment leurs enfans; & que c'eft ce qui a donné origine à toutes les fociétez du genre humain. La configuration même de tous les membres du corps fait bien voir qu'elle a apporté une grande attention à tout ce qui appartient à la génération; & il feroit inconcevable qu'elle eût pris tant de foin de la formation des enfans, & qu'elle ne fe fût pas fouciée qu'on prît foin de les élever. La force de la nature fe fait en cela remarquer,

même dans les bêtes. N'eft-ce pas fa voix qu'elles entendent, & qui les foûttient dans toutes les peines qu'elles prennent, lorfqu'elles portent leurs petits, lorfqu'elles s'en délivrent, & lorfqu'elles les élévent? Comme il eft donc clair que c'eft elle qui nous donne de l'averfion pour la douleur, il eft clair auffi que c'est elle qui nous fait aimer ceux qui font fortis de nous.

C'eft d'elle pareillement que vient la liaifon naturelle entre tous les hommes; en forte que tout homme, en cela feul qu'il eft homme, ne doit point être étranger pour un autre homine. De même que dans le corps il y a des membres qui ne femblent faits que pour eux, comme les yeux, les oreilles ; & d'autres qui fervent à l'ufage des autres membres, conime les pieds & les mains; de même il y a de certaines grandes bêtes féroces qui femblent n'être nées que pour elles feules. Mais ce petit poiffon qu'on appelle Pinne, qui demeure toûjours dans une large coquille; & celui qui en fort de temps en temps comme aller à la découverte, qui y rentre pour comme pour l'avertir, & que par cette raifon on appelle Pinnothére; & les fourmis, les abeilles, les cicognes, &

une infinité d'autres animaux ne font

ils pas tous les jours quelque chofe les uns pour les autres ? Combien donc les hommes qui font nez pour la fociété, & pour vivre ensemble dans les villes, doivent-ils avoir entre eux une liaison mutuelle encore plus grande?

Les Stoïciens tiennent auffi que tout l'univers eft régi par la providence des Dieux; que l'univers eft en quelque forte la ville des Dieux & des hommes, & que chacun de nous eft une partie du monde entier ; d'où il s'enfuit que nous. fommes obligez de préférer l'utilité publique à la nôtre. Car comme les loix préférent le falut public au falut desi particuliers, auffi un homme fage, foumis aux loix, & inftruit des devoirs de la fociété, a plus de foin de l'avantage du public,que de celui de qui que ce foit, ni du fien propre. De forte que celui qui pour fa propre utilité, ou pour fa propre confervation, abandonne l'utilité, & la confervation publique, n'est pas moins coupable que celui qui trahit ouvertement la patrie.

C'est pourquoi on ne fauroit trop fouer, ni ceux qui s'expofent à la mort pour la République, ní ceux qui nous enfeignent que notre patrie nous doit

être plus chére que nous-mêmes; aur lieu qu'on doit regarder comme un fentiment déteftable, & indigne d'un homme, le fentiment de ceux qui difent, qu'ils ne fe foucient pas que tout périffe après eux, & que la terre foit embrasée par le feu, ce qu'on exprime d'ordinaire par un (7) vers Grec, que tout le monde connoît. Tout ce que je viens de dire étant donc incontestable, n'eft-il pas juste de fonger à ceux qui doivent venir après nous, & de pourvoir à leur avantage pour l'amour d'eux-mêmes ?

De cette propenfion générale de toust les efprits font venus les teftamens & les derniéres difpofitions de ceux qui meurent; & quand il n'y auroit que cela feul, qu'il n'y a perfonne qui voulût vivre feul, même dans l'abondance de toutes fortes de plaifirs, c'en eft affez pour nous faire voir que nous fommes nez pour la fociété, & pour vivre enfemble dans une liaifon réciproque. La même

(7) Ce vers Grec eft:

Εμὲ θανόντας γαια μιχθήτε πυρί.

Qu'après ma mort la terre & le feu fe mêlent enfemble. Et ceux qui ont voulu caracteriser les douze premiers Empereurs par quelques devifes, ont appliqué ce vers-ci à Caligula, parce qu'il l'avvie affez souvent dans la bouche.

même nature qui nous y porte, nous porte auffi à être utile aux hommes le plus que nous pouvons, fur-tout en les inftruifant, & en leur donnant de bons confeils; & l'inclination que nous avons non-feulement à apprendre, mais auffi à enfeigner, eft fi forte en nous, qu'il eft mal-aifé de trouver quelqu'un qui fache quelque chofe, qui ne veuille en faire part à perfonne.

De même que la nature porte les taureaux à combattre de toute leur force pour la défense de leurs petits contre les lions; de même ceux qui ont reçû d'elle de plus grandes forces que les autres hommes, ainfi que nous avons ouï dire d'Hercule & de Bacchus, font naturellement portez au fecours & à la - défense du refte des hommes. C'est pourquoi, lorfque nous appelons Jupiter très-bon, très-grand, falutaire, hof pitalier, & confervateur, nous voulons faire entendre que le falut des hommes eft en fa garde mais fi nous-mêmes nous nous abandonnons lâchement, comment pouvons-nous demander aux Dieux, qu'ils nous aiment, & qu'ils prennent foin de nous! De même aufli que nous nous fervons de nos membres, avant que d'avoir appris pour quel ufa

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