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arriver? Et de-là vient que pour une volupté médiocre, peu néceffaire, & dont ils auroient pú fe paffer facilement, non feulement ils tombent dans de grandes maladies, dans l'infortune, & dans l'oprobre; mais que fouvent même ils en font punis par les loix.

Mais ceux qui favent s'adonner de telle forte à la volupté, qu'il ne puiffe leur en arriver aucun inconvénient, & qui font affez fermes dans leurs fentimens, pour ne se laiffer point emporter au plaifir, dans les chofes qu'ils ont une fois jugé qu'ils ne doivent point faire; ceux-là trouvent une grande volupté, en méprifant la volupté même. Ils favent auffi quelquefois fouffrir une douleur médiocre, pour en éviter une plus grande ; & par-là on voit que l'intempérance n'eft point par elle-même à fuir; & qu'auffi, lorfqu'on embraffe la tempérance, ce n'eft point comme étant ennemie des voluptez, mais comme pouvant procurer de plus grandes voluptez, que celles dont elle prive.

Je dis à peu près la même chofe de la force d'ame: car la fatigue du travail, ni la fouffrance des douleurs, ne font point à rechercher pour elles-mêmes; ni la patience, ni les foins, ni les veil

les, ni l'industrie, qu'on louë tant, ni la force même ne font point à rechercher de la forte : mais on fe porte કે tout cela, afin qu'on puiffe vivre fans inquiétude, & fans crainte, & qu'autant qu'on peut, on fe délivre le corps & l'efprit de tout ce qui peut faire de la peine. Comme donc la crainte de la mort trouble toute la tranquilité de la vie; que c'eft un miférable état de fuccomber à la douleur, ou de la fuporter avec foibleffe ; & que par une pareille lâcheté de courage, plufieurs ont abandonné leurs parens, leurs amis, leur patrie, & fe font enfin eux-mêmes perdus: auffi un efprit ferme, robufte & élevé, fe trouvant entiérement dégagé de toute forte d'inquiétude, méprife par une noble fierté la mort même, qui remet tous les hommes dans l'état où ils étoient avant que de naître : & fur le fujet de la douleur, il eft préparé comme un homme qui fait, que les extrêmes douleurs finiffent bien-tôt par la mort; que les légères font entremêlées de plufieurs intervales de relâche; &que pour lesautres, felon que nous les trouvons tolérables, ou non, nous fommes maîtres, ou de les fuporter, ou de nous en délivrer, en fortant de la vie

comme d'un théatre. Vous voyez parlà, que nous ne croyons point que la timidité & la lâcheté foient blâmables

par

elles-mêmes ; & que ce n'eft point non plus par elles-mêmes, que nous trouvons la force & la patience loüables: mais que ce qui fait que nous rejettons les unes, c'eft que d'ordinaire elles traînent la douleur à leur fuite; & que ce qui fait que nous eftimons les autres, c'eft qu'elles nous procurent de la volupté.

con

Il refte à parler de la justice, & nous aurons parlé de toutes les vertus. Mais ce qui a été dit des trois autres, vient encore à celle-ci : & ce que j'ai déjà montré de la fageffe, de la tempérance, & de la force, qu'elles étoient tellement jointes avec la volupté, qu'on ne les en pouvoit féparer, il faut l'appliquer à la justice, qui non feulement ne fait jamais mal à perfonne; mais qui met toûjours l'efprit en repos, & par elle-même, & par l'efpérance qu'elle donne, qu'on ne manquera jamais d'aucune des chofes qu'une nature non corrompue peut defi

rer.

Quand la témérité, la licence, & la lâcheté fe font emparées de l'efprit,

elles

que

elles l'agitent & lé déchirent fans ceffe, parce que d'elles-mêmes elles font turbulentes. Mais un efprit où la juftice réfide, demeure toujours tranquille, par cela feul qu'elle y réfide; & fi par hazard il lui prenoit envie de faire quelchofe de mauvais, il en feroit bientôt retenu, parce qu'il fait que ce qui fe fait le plus en fecret ne peut être toûjours caché. Pour les actions des méchans, d'abord le foupçon, le bruit qui court, & la renommée publique les découvre; enfuite l'accufateur les pourfuit, le Juge les punit, & quelquefois auffi les coupables viennent d'eux-mêmes fe découvrir, comme il arriva fous votre Confulat.

Que s'il y a des hommes affez puiffans pour être en état de ne point craindre le châtiment des loix, ils ne laiffent pas pour cela d'avoir peur des Dieux : & les foins qui les dévorent, les inquiétudes qui les déchirent nuit & jour, ils les regardent comme un fupplice que les Dieux immortels leur envoient. Ce qu'on pourroit donc retirer d'utilité ou de plaifir d'une méchante action, peut-il diminuer autant les maux & les peines de la vie, que la méchante action les augmente, foit par

C

les reproches qu'on s'en fait, foit par la punition des loix qu'on appréhende, foit par la haine publique qu'on s'atVire?

Il eft vrai qu'il y a des gens qui dans le comble des biens, des honneurs & des dignitez, & gorgez de toutes fortes de plaifirs, loin de pouvoir affouvir leurs cupiditez par une voie injuste, les fentent au contraire s'allumer davantage tous les jours; mais ces genslà ont plus befoin d'être enchaînez que d'être inftruits. La vraie raifon invite donc à la justice, à l'équité, & à la fidélité tous les hommes d'un efprit fain: car il n'appartient ni aux enfans, ni aux gens foibles de rien faire d'injufte, parce qu'ils ne le pourroient pas quand ils le voudroient: c'eft un pouvoir qui n'eft donné qu'à une fortune puiffante, ou à un efprit déja formé ; & lorfqu'on fait faire un bon ufage de fon pouvoir, on fe concilie l'eftime & la bienveillance publique, qui font les moyens les plus propres pour la tranquillité de

la vie.

Au fond, quel fujet pourroit-on avoir d'être injufte, quand on eft puiffant? Car les cupiditez, qui partent uniquement de la nature, font aifées à contenter,

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