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breufe troupe d'amis étroitement liez P'un à l'autre Epicure n'avoit-il point raffemblez dans une feule maifon de peu d'étendue! Tous les Epicuriens ne fuivent-ils pas encore fon exemple?

Mais on ne peut pas tout dire, revenons à notre question. Nos gens en parlant de l'amitié, en ont parlé de trois maniéres différentes. Quelques-uns nient que les voluptez qui regardent nos amis, foient pour nous à rechercher par elles-mêmes,comme celles qui nous regardent. En cela il femble que l'amitié foit un peu ébranlée : néanmoins ils foûtiennent affez bien leur opinion, à mon avis. Ils difent que l'amitié, auffi-bien que les vertus,eft inféparable de la volupté; que la vie d'un homme feul & fans amis étant expofée à de fi grands dangers, la raifon même nous porte à nous faire des amis › par le moyen defquels nous puiffions nous mettre l'efprit en repos; & qu'il eft impoffible que cela ne foit toûjours accompagné de la vue & de l'efpérance de quelque volupté.. Or de même que que

montant d'Orefte à Thésée, puisque Pythias Damon qui vivoient du temps de Platon, étoient par confequent bien au deffous du temps d'Orefte.

les haînes, les jaloufics, & les marques de mépris font entiérement contraires à la volupté de même rien n'eft plus propre à procurer la volupté, & à l'entretenir, qu'une amitié réciproque, qui non-feulement eft d'un commerce délicieux dans le temps même; mais qui nous donne lieu auffi de nous en promettre de grands fecours dans la fuite. Comme il est donc impoffible de mener une vie véritablement heureuse, fans l'amitié, & d'entretenir long-tems l'amitié, fi nous n'aimons nos amis comme nous-mêmes, alors il arrive qu'on aime fes amis de cette forte, & que l'amitié fe joignant ainfi à la volupté, on ne fent pas moins de joie ou de peine que fon ami, de tout ce qui lui arrive d'agréable ou de fâcheux. C'est pourquoi un homme fage aura toûjours les mêmes fentimens pour les intérêts de fes amis, que pour les fiens propres & tout ce qu'il feroit pour fe procurer à lui-même du plaifir, il le fera avec joie pour en procurer à fon ami. Voilà de quelle forte ce que nous avons dit, que la volupté eft inféparable. de la vertu, doit s'entendre auffi de l'amitié: & la même connoiffance, dit là-deffus Epicure, qui nous a rendus

fermes contre l'appréhenfion d'un malheur perpétuel, nous a auffi fait voir que l'amitié eft le fecours le plus affuré qu'on puiffe avoir dans toute la vie.

Il y a d'autres Epicuriens, qui craignant trop vos reproches, & appréhendant que ce ne foit détruire l'amitié,que de dire qu'elle n'eft à rechercher qu'à caufe de la volupté, font une diftinction ingénieufe. Ils demeurent bien d'accord que c'eft la volupté qui fait les premiéres liaifons de l'amitié: mais ils difent que quand l'ufage les a rendu plus étroites & plus intimes, il n'y a plus que l'amitié feule qui agiffe & qui fe faffe fentir; & qu'alors, indépendamment de toute forte d'utilité, on vient à aimer fes amis uniquement pour eux-mêmes. Car fi on aime les maifons, les temples, les villes, les lieux d'éxercice, & les promenades où on va ordinairement; fi on s'attache aux chevaux qu'on a accoûtumé de monter; & aux chiens avec lefquels on eft accoûtumé de chaf fer, à combien plus forte raifon l'habitude produira-t-elle le même effet à l'é gard des hommes ?

Enfin le troifiéme fentiment de quelques gens d'entre nous fur l'amitié, eft

qu'il y a une espèce de traité entre les gens fages de n'aimer pas moins leurs amis qu'eux-mêmes; ce que nous comprenons aifément qu'il fe peut faire puifqu'il arrive fouvent ; & qu'au fond rien n'eft plus propre à rendre la vie agréable qu'une parfaite liaison d'amitié. Par tout cela donc on peut juger que bien loin que ce foit détruire l'amitié, que de mettre le fouverain bien dans la volupté, il feroit même impoffible que fans cela il fe fit aucune liaison d'amitié entre les hommes.

Si ce que je viens de dire eft donc plus clair que le jour; s'il eft puifé dans les fources de la nature; s'il eft confirmé par le témoignage infaillible des fens ; fi les enfans, fi les bêtes mêmes dont le jugement ne peut être corrompu, nous crient par la voix de la nature, que rien ne peut rendre heureux que la volupté, & que rien ne peut rendre malheureux que la douleur, quelles graces ne devons-nous point rendre à celui qui ayant oui leur voix a fi bien entendu tout ce qu'elles veulent dire, qu'il a mis tous les fages dans le chemin d'une vie heureuse & tranquille ? Que fi Epicure vous paroît peu favant, c'est

qu'ila crûqu'il n'y avoit de science utile, que celle qui apprend à pouvoir vivre heureusement. Auroit-il voulu employer le temps, comme nous avons fait Triarius & moi par votre confeil, à feuilleter les Poëtes, dans lefquels on ne trouve que des amusemens d'enfant, & rien de folide? Ou fe feroitil épuifé, comme Platon, à étudier la Mufique, la Géométrie, les nombres, & le cours des aftres; occupations, qui étant toutes fondées fur une fuppofition fauffe, ne peuvent jamais nous conduire à la vérité, & lefquelles, quand elles nous y conduiroient, ne pourroient nous être d'aucune utilité pour mener une vie plus heureufe: Croyezvous qu'il eût voulu s'attacher à une étude femblable, pour quitter celle de l'art de bien vivre, qui demande tant de foins, & qui eft fi avantageufe? II n'étoit donc point ignorant : mais ceuxlà le font véritablement, qui croient que ce qu'il ne leur étoit pas honteux d'apprendre dans leur enfance, ils doivent continuer à l'étudier jusqu'à l'extrême vieilleffe. Vous voyez par là, ajoûta-t-il, quel eft mon fentiment; & je ne m'en fuis principalement ou

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