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Phédre (4): & il a crû qu'il falloit en ufer de même en toutes fortes de difpu-. tes: mais il a négligé une chofe trèsnéceffaire. Il ne veut pas qu'on définiffe rien, fans quoi pourtant il eft difficile que des perfonnes qui difputent enfemble, foient bien d'accord de ce qui fait le fujet de leur difpute, comme il nous arrive à préfent. Car ce que nous cherchons, c'eft le fouverain bien; & pouvons nous jamais convenir entre nous de ce que c'eft, fi auparavant nous n'éxaminons ce que nous entendons par fouverain bien? Or cette efpèce d'éxamen & d'éclairciffement des chofes cachées, par lequel on fait voir ce que chaque chofe eft en foi, eft ce que nous appellons définition; & vous même yous en avez fait quelqu'une fans y penfer, puifqu'en parlant de la derniere fin qu'on fe propofe en tout ce qu'on fait, vous avez dit que c'eft à quoi fe rapporte tout ce qu'on fait, & qui ne fe rapporte à quoi que ce foit. On ne peut rien de mieux. Je ne doute point même que s'il en avoit été befoin, vous n'euffiez défini le bien, & que

( 4 ) c'eft un dialogue que Platon a intitulé du nom de Phédre un de fes difciples.

que vous n'euffiez dit que le bien eft ce que la nature nous fait defirer; ou ce qui nous eft avantageux & utile, ou enfin ce qui nous plaît le plus. Et comme vous ne haïffez pas les définitions, je voudrois, fi vous le trouvez bon, que vous vouluffiez définir ce que c'eft que la volupté, dont il eft maintenant quef

tion.

Comme s'il y avoit quelqu'un, me répondit-il, qui ne fût pas ce que c'est que la volupté, ou qui, pour l'apprendre mieux, eût befoin d'une définition! Je dirois que c'eft moi qui ne le fais point, repartis-je, s'il ne me fembloit que je me fuis bien mis dans l'efprit ce que c'eft: mais je vous dis que c'eft Epicure lui-même qui n'en fait rien, & qui vacille en cela; & que lui qui dic fouvent qu'il faut avoir foin d'exprimer la force des termes, n'entend pas quelquefois celle du mot de volupté. Ĉela feroit plaifant, reprit-il en fouriant, qu'un homme qui dit que la volupté eft la fin où tendent tous les defirs &le plus grand de tous les biens, ne fût pas ce que c'eft que la volupté. Mais, ou c'eft lui, repliquai-je, ou c'est tout le refte du monde qui l'ignore. Comment l'entendez-vous, dit-il? C'eft, dis-je,

que

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que tout le monde prétend que la vo lupté eft ce qui excite agréablement les fens, & qui les remplit de quelque senfation délicieuse.

Et vous imaginez-vous, répliqua-til,qu'Epicure ne connoiffe pas cette forte de volupté? Il ne la connoît pas toûjours, lui dis-je; quoi qu'il ne la connoiffe que trop quelquefois; puifqu'il dit qu'il ne peut comprendre qu'il yait, ni qu'il puiffe y avoir d'autre bien que celui de boire & de manger, ou le plaifir des oreilles, ou celui des voluptez fenfuelles. Eft-ce que ce ne font pas là fes propres paroles? Comme fi j'en avois honte, répondit-il; & que je ne puiffe pas vous montrer dans quel fens il les dit. Je ne doute point, repris-je, que vous ne le puiffiez aisément; & je n'ai garde de croire que vous ayez honte d'être du fentiment d'un homme, qui eft le feul, que je fache, qui ait ofé s'appeller lui-même fage. Car pour (5) Métrodore, on croit qu'il n'en prit pas le nom de lui-mê

me;

(5) Métrodore étoit Athénien, & le principal difciple, & le plus intime ami d'Epicure, duquel, depuis le premier jour qu'il le connut, il ne fe fepara jamais que pendant fix mois. Il mourut à cinquante-trois ans fept ans avant Epicure.

me; mais feulement qu'il ne le refusa pas, lorfqu'Epicure le lui donna. Et quant aux fept qu'on a accoûtumé d'appeller Sages, ce ne fut point par leurs fuffrages propres, mais par celui de toute la Gréce, qu'ils en reçûrent le

nom.

Ce que je foûtiens,c'est que dans l'endroit que je viens de dire, Epicure a entendu la force du mot de volupté comme tout le monde l'entend. Car tout le monde demeure d'accord que ce que les Grecs appellent idov, & nous vo lupté, n'eft autre chofe qu'un mouvement agréable, qui réjouit les fens. Que demandez-vous donc de plus, repliquat-il? Je vous le dirai, repris-je : & plûtôt pour apprendre de vous que pour vous reprendre, ou pour reprendre Epicure. Et moi, reprit-il, je ferai aussi plus aife d'avoir à apprendre qu'à reprendre.

Vous favez bien, continuai-je, quel eft le fouverain bien,auquel Hieronyme (6) le Rhodien dit qu'il faut tout rap

porter?

(6) Hieronyme eft appellé Péripatéticien par Diogene Laerce, dans Areéfilas; foit qu'il ait été difciple d'Ariftote, foit que feulement il en ait suivi la doctrine en beaucoup de chofes. Il mettoit le fou verain bien à n'avoir aucune douleur.

porter? Oui, répondit-il, c'eft, felon lui, de n'avoir aucune douleur. Mais de la volupté, qu'en dit-il? Il foûtient qu'elle n'eft point defirable par ellemême. Il croit donc, repris-je, qu'autre chose est d'avoir du plaifir, & autre chofe de n'avoir point de douleur. C'est en quoi il fe trompe fort, répliqua-t-il: car, felon que je l'ai déjà montré, le dernier période de la volupté, c'eft la ceffation de toute douleur. Nous ver rons dans la fuite, lui dis-je, ce qu'il faut entendre par privation de douleur: cependant, fi vous n'êtes fort opiniâtre, il faut que vous avoüiez qu'avoir de la volupté, & n'avoir point de douleur, font deux chofes fort différentes. ferai donc opiniâtre en cela, reprit-il; car je tiens que ce n'eft que la même chose.

Dites-moi, je vous prie, lui dis-je, un homme qui a foif a-t-il du plaifir quand il boit? Qui peut en douter, répliqua-t-il? A-t-il le même plaifir quand la foif eft appaifée ? Non, dit-il, c'eft une autre forte de plaifir: car lors qu'il a étanché fa foif, il est dans la ftabilité de la volupté; & quand il l'étanche, il est dans le mouvement de la volupté. Pourquoi appellez-vous donc

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