Voyait fuir loin de lui la triste vérité; Et peut-être le ciel, que ce grand crime irrite, OEDIPE. Madame, qu'a-t-on fait de ce sujet fidèle ? JOCAST E. Seigneur, on paya mal son service et son zèle! Il était trop puissant pour n'être point haï ; On l'accusa lui-même, et d'un commun transport Là, depuis quatre hivers, ce vieillard vénérable, OE DIPE. (à sa suite.) Madame, c'est assez. Courez; que l'on s'empresse Qu'on ouvre sa prison, qu'il vienne, qu'il paraisse. Moi-même devant vous je veux l'interroger. J'ai tout mon peuple ensemble et Laius à venger. Sonder la profondeur de ce triste mystère. Et vous, dieux des Thébains, dieux qui nous exauccz, Soleil, cache à ses yeux le jour qui nous éclaire! OE DIPE. Dieux, que le crime seul éprouve enfin vos coupз! Donnez, en commandant, le pouvoir d'obéir, Que vos vœux parmi nous les forcent à descendre: FIN DU PREMIER ACTE. Voltaire. Théâtre, I. 4 SCÈNE I. JOCASTE, EGINE, ARASPE, LE CHOE U R ARASPE. Oui, ce peuple expirant, dont je suis l'interprète, D'une commune voix accuse Philoctete, Madame; et les destins, dans ce triste séjour, Pour nous sauver, sans doute, ont permis son retour. JOCASTE. Qu'ai-je entendu, grands dieux! ÉGINE. Ma surprise est extrême!... JOCASTE. Qui? lui ! qui? Philoctète ! ARASPE. Oui, madame, lui-même. A quel autre en effet pourraient-ils imputer 'Aux yeux de votre époux ne se cachait qu'à peine : La jeunesse imprudente aisément se trahit; Son front mal déguisé découvrait son dépit. J'ignore quel sujet animait sa colère; Mais au seul nom du roi, trop prompt et trop sincère, Esclave d'un courroux qu'il ne pouvait donater, Jusques à la menace il osa s'emporter: Il partit ; et, depuis, sa destinée errante Même il était dans Thèbe en ces temps malheureux Que dis-je ? Assez long-temps les soupçons des Thébains Entre Phorbas et lui flottèrent incertains : Cependant ce grand nom qu'il s'acquit dans la guerre, Ce respect qu'aux héros nous portons malgré nous, En vain sa gloire parle à ces cœurs agitės, PREMIER PERSONNAGE DU CHOEUR. O reine! ayez pitié d'un peuple qui vous aime; Livrez-nous leur victime; adressez-leur nos vœux : JOCASTE. Pour fléchir leur courroux s'il ne faut que ma vie, Hélas! c'est sans regret que je la sacrifie. Thébains, qui me croyez encor quelques vertus, SCÈNE II. JOCASTE, EGINE. ÉGINE. QUE je vous plains! JOCASTE. Hélas, je porte envie A ceux qui dans ces murs ont terminé leur vie. Quel état, quel tourment pour un cœur vertueux! ÉGINE. Il n'en faut point douter, votre sort est affreux! Ces peuples qu'un faux zèle aveuglément anime Vont bientôt à grands cris demander leur victime. Je n'ose l'accuser: mais quelle horreur pour vous Si vous trouvez en lui l'assassin d'un époux! JOCASTE. Et l'on ose à tous deux faire un pareil outrage! Cet amour si constant... JOCASTE. Ne crois pas que mon cœur pu nourrir l'ardeur; De cet amour funeste ait Je l'ai trop combattu. Cependant, chère Egine, Quoi que fasse un grand cœur où la vertu domine, On ne se cache point ces secrets mouvements De la nature en nous indomtables enfants ; |