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Pace mihi liceat, cœlestes, dicere vestra,

Mortalis visu 'st pulchrior esse Deo.

Menagius

« Après ce Quintus Catulus - ajoute Egidius un autre poëte, dont le nom nous est inconnu, a heureusement employé cette même pensée en ces quatre vers:

Occurris cum mane mihi, ni purior ipsa

Luce nova exoreris, Lux mea, dispeream.
Quod si nocte venis (jam verò ignoscite Divi),
Talis ab occiduis Hesperus exit aquis.

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Gilles Ménage a raison : le premier distique est très-beau; ce lux mea, avec ce luce nova, est dit joliment, et je suis comme assuré que l'auteur n'a point vécu dans un siècle barbare.

Les poëtes italiens traduisirent ensuite l'épigramme de Catulle; Annibal Caro, entre autres, en fit ce sonnet :

Eran l'aer tranquillo et l'onde chiare ;
Sospirava Favonio, et fuggia Clori:
L'alma Ciprigna inanzi à i primi albori
Ridendo empia d'amor la Terra e'l Mare,
La ruggiadosa Aurora in ciel piu rare
Etc., etc...

Ce fut à qui le traduirait ici. Petits et grands, tout le bataillon sacré des rimeurs d'alors, même les vagabonds et les intrus qui

comme Colletet (1),

Attendaient pour dîner le succès d'un sonnet,

s'escrimèrent à qui mieux mieux là-dessus, en renchérissant encore, bien entendu, sur les concetti inséparables de la langue, de

de l'original

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l'époque et du sujet mêmes.

Je ne m'aviserai pas de vous donner toutes ces traductions, dont la meilleure ne vaut pas le diable,

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quoique Ménage trouve admirable cette meilleure, qui est de Voiture : je ne veux pas vous faire prendre en horreur le sonnet.

Avant Voiture, Méziriac

<< un des plus savants

hommes » du siècle avait dit :

-

Vous levant si matin vous troublez tout le monde,
Vous faites que le Jour chasse trop tost la Nuit,
Et que d'un pas hasté chaque estoille s'enfuit
Pensant que le Soleil sorte déjà de l'Onde...

Avant Méziriac, Olivier de Magny avait dit :

J'étois tout prest à saluer l'Aurore

Que je voyois de l'Orient sortir

Et de ses fleurs largement départir

Aux prez, aux champs, aux montagnes encore...

(1) François Colletet, poëte famélique, et non Guillaume Colletet, poëte ayant pignon sur rue et argent en poche. L'un est le fils, l'autre le père, il ne faut pas les confondre.

(A. D.)

Voiture, lui, traduisit ainsi, pour « plaire à Balzac » :

Des portes du Matin l'amante de Céphale
Ses roses espandoit dans le milieu des airs
Et jettoit sur les cieux nouvellement ouverts
Ces traits d'or et d'azur qu'en naissant elle estale,

Quand la Nymphe divine à mon repos fatale
Apparut, et brilla de tant d'attraits divers
Qu'il sembloit qu'elle seule esclairast l'Univers
Et remplissoit de feux la rive orientale.

Le soleil, se hastant pour la gloire des cieux,
Vint opposer sa flame à l'éclat de ses yeux,
Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore.

L'Onde, la Terre et l'Air s'allumoient à l'entour:
Mais auprès de Phillis on le prit pour l'Aurore,
Et l'on crut que Phillis estoit l'Astre du Jour.

<< Sonnet admirablement beau!» s'écrie Ménage en sa lettre à Conrart. « N'en déplaise aux Uranistes, ajoute-t-il, il vaut mieux mille fois que celuy pour Uranie qu'ils ont tant prosné. »

Mille fois mieux? C'est ce que nous allons voir bientôt, en brûlant la politesse à Malleville (1), à Tristan, à Marescal, à Rampalle et à Ægidius Menagius lui-même.

(1) A Rampalle, à Marescal et à Tristan, oui; mais à Claude de Malleville, secrétaire du maréchal de Bassompierre, et un des premiers membres de l'Académie française? Son sonnet sur la Belle Matineuse, si fameux, mérite bien l'honneur que je viens de faire à celui de Voiture ;

XIII

Car il était juge et partie là dedans, ce bel esprit, et si on l'avait confessé comme il faut, on eût certainement obtenu de lui l'aveu que le meilleur des sonnets composés en l'honneur de la Belle Matineuse, ce n'était pas celui de Voiture, mais le sien. Les poëtes ne dédaignent pas de louer les autres poëtes, mais c'est à la condition expresse qu'ils se loueront beaucoup plus et beaucoup mieux tout haut ou tout bas.

Et Ménage était poëte, du moins dans le sens qu'on donnait alors à ce mot: il rimait! On ne ronsardisait plus alors: on versifiait. On ne mettait plus son cœur dans ses vers, comme un parfum : on y mettait son esprit, comme un condiment. On ne

un de plus ou de moins, cela n'a pas d'importance, d'ailleurs, dans une Anthologie comme celle-ci. Je cite donc :

Le silence regnoit sur la terre et sur l'onde,
L'Air devenoit serein et l'Olympe vermeil,
Et l'amoureux Zéphyr, affranchi du sommeil,
Ressuscitoit les fleurs d'une haleine feconde.

L'Aurore deployoit l'or de sa tresse blonde
Et semoit de rubis le chemin du soleil;
Enfin ce Dieu venoit au plus grand appareil
Qu'il soit jamais venu pour esclairer le monde ;

chantait pas la passion: on quintessenciait la galanterie. L'amour était devenu un simple trope et les amants des grammairiens.

Ménage était donc un poëte de cette farine blutée et ressassée avec laquelle on eût pu difficilement faire ce pain divin qu'on mange à deux. Il était poëte en grec, en latin, en espagnol, en italien et même en français. Il eût été digne de figurer dans la galerie des doctes enthousiastes de la Puce de madame Desroches, et je comprends à merveille qu'il figure en tête de la Guirlande de Julie, — cette Puce du XVIIe siècle.

J'en veux parler un instant, de cette Guirlande fameuse que Huet a appelée le « chef-d'œuvre de la galanterie »: cela ne nous éloignera pas de notre sujet, puisqu'il y a là dedans un sonnet, et que ce sonnet est de Gilles Ménage.

En ce temps-là, rue Saint-Thomas-du-Louvre, était un hôtel bien connu de tout ce que Paris

Quand la jeune Philis, au visage riant.

Sortant de son palais plus clair que l'Orient,
Fit voir une lumière et plus vive et plus belle.

Sacré flambeau du jour, n'en soyez pas jaloux !
Vous parûtes alors aussi peu devant elle
Que les feux de la Nuit avoient fait devant vous.

Evidemment, c'est la même chose, mais dite d'une tout autre façon c'est la même femme vue avec d'autres yeux.

(A. D.)

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