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XVII

Je viens de citer un sonnet-diamant: il est peutêtre à propos d'en citer un second de la même eau. Après le Régent, le Sancy (1). Il n'y a pas que les sottises qui aillent par troupes.

Il s'agit du sonnet de Des Barreaux.

Jacques Vallée, seigneur Des Barreaux, avait été ce qu'en son temps on nommait un libertin, et ce que du nôtre on nomme un bohème, un être sans foi ni loi, sinon sans feu ni lieu; sa jeunesse avait coulé gaiement et il l'avait regardée couler

Comme le vin d'un tonneau défoncé,

sans songer un seul instant à ce qui lui arriverait après la dernière goutte. On citait de lui des extra

(1) Et, avant le Régent et le Sancy, le KоHI-NOOR ! Cette montagne de lumière, auprès de laquelle vont pâlir le sonnet de Mile de La Vallière et le sonnet du Des Barreaux, c'est Alexandre Piédagnel, un modeste et doux poëte, qui l'a découverte et qui me l'a apportée. Ah! lisez, lisez vite, vous tous les amoureux fervents de la Muse! Lisez · et applaudissez :

Lorsque Jésus souffroit pour tout le genre humain,
La Mort, en l'abordant au fort de son supplice,

vagances charmantes, des excentricités que les bourgeois d'alors trouvaient dignes de la hart, et qui n'étaient que dignes des Petites-Maisons. C'était un original, le gros mot des gens sans originalité ! Il aimait toutes les choses aimables, les belles filles et les bons vins. Un païen adorateur de toutes les idoles souriantes. Pilier de cabaret et de brelan plutôt que d'église. Un fou! Ne changeait-il pas de maîtresses aussi souvent que de chemises? N'avaitil pas un logement différent pour chaque saison de l'année ? Un épicurien, enfin, un de ces spirituels

Parut toute interdite et retira sa main,

N'osant pas sur son maître exercer son office :

Mais Jésus, en baissant la teste sur son sein,
Fit signe à la terrible et sourde exécutrice
Que, sans avoir égard au droit du Souverain,
Elle achevast sans peur le sanglant sacrifice.

L'implacable obéit, et ce coup sans pareil
Fit trembler la Nature et paslir le Soleil
Comme si de sa fin le Monde eust esté proche;

Tout gémit, tout frémit sur la Terre et dans l'Air,
Et le Pécheur fut seul qui prist un cœur de roche
Quand les rochers sembloient en avoir un de chair !

Maintenant de qui ce merveilleux sonnet? D'un inconnu qui l'avait gravé sur la porte du cimetière qui entourait jadis l'église paroissiale de la Trinité, à Cherbourg. Mais de qui qu'il soit, c'est un pur chef-d'œuvre! (A. D.)

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raffinés auxquels Saint-Évremond disait avec raison qu'on devait l'erudito luxu de Pétrone.

Vous pensez bien qu'on n'est jamais seul à mener cette aimable vie. Les débauchés ont cela d'honnête qu'ils partagent toujours leurs plaisirs avec quelqu'un. Il leur faut des compagnons de table, comme il leur faut des compagnes de lit. Les inséparables de Desbarreaux avaient été Théophile et Des Yveteaux, deux fieffés épicuriens aussi.

Les épicuriens sont naturellement un peu athées,

plus qu'athées, indifférents. Le seul acte de piété qu'eût peut-être fait Desbarreaux dans toute sa vie, c'était d'avoir, comme Pajot de Linières, bu avidement le contenu d'un bénitier dont il lui avait semblé voir l'eau bénite frissonner de plaisir au contact du doigt ganté d'une de ses maîtresses. Ah! Desbarreaux n'avait pas fréquenté pour rien avec Théophile et Des Yveteaux: il sentait le fagot comme eux. Mais eux, du moins, fidèles à leurs mauvaises habitudes, conséquents avec leurs principes libertins, étaient morts impénitents, l'un à trente-six ans, en demandant un hareng saur en guise de viatique, l'autre à quatre-vingts ans, en faisant jouer une sarabande, afin que son âme passât plus doucement: Desbarreaux, de diable qu'il avait été, se fit ermite.

C'est dans son ermitage de Châlons-sur-Saône –

le meilleur air, disait-il, et le plus pur qui fût en France qu'il composa ce sonnet sur la Pénitence, qui eut tant de retentissement au moment où il parut :

Grand Dieu, tes jugements sont remplis d'équité,
Toujours tu prends plaisir à nous être propice ;
Mais j'ai tant fait de mal que jamais ta bonté
Ne me pardonnera sans choquer ta justice.

Oui, mon Dieu, la grandeur de mon impiété
Ne laisse à ton pouvoir que le choix du supplice;
Ton intérêt s'oppose à ma félicité,

Et ta clémence même attend que je périsse.

Contente ton désir, puisqu'il t'est glorieux !
Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux !
Tonne! frappe ! il est temps, rends-moi guerre pour guerre

J'adore, en périssant, la raison qui t'aigrit;
Mais dessus quel endroit tombera ton tonnerre
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ?

Il serait impertinent de faire remarquer à mes lecteurs les éclatantes beautés de ces vers: ils ont d'aussi bons yeux, - de meilleurs yeux que moi. On ne pouvait racheter son libertage passé par de plus remarquables mouvements d'âme ; assurément, Dieu ne pouvait tenir rigueur à un poëte qui s'amendait en un si grandiose langage. Par malheur, il est à peu près acquis à l'histoire sur la foi de plusieurs

contemporains, et notamment de La Monnoye que Desbarreaux n'est pas l'auteur de ce beau sonnet, et que, s'il a demandé pardon à Dieu, c'est en simple prose, comme le dernier des pécheurs. D'après Voltaire, ce serait à l'abbé de Lavau, qu'il faudrait attribuer tout l'honneur de ce chef-d'œuvre. Abbé de Lavau, je vous fais mes compliments!

XVIII

Je n'ai pas encore réglé tous mes comptes avec le XVIIe siècle ; j'ai encore à payer quelques dettes sympathiques et à enrichir d'autant le présent libelle, libellus.

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Jusqu'ici, on l'a remarqué, et peut-être s'en est-on scandalisé, je n'ai pas eu le moindre souci de l'ordre chronologique, enjambant des vivants pour parler de certains morts, sautant du commencement d'une époque à sa fin, pour revenir quelques lignes plus loin au milieu de cette époque. Qu'on veuille bien se souvenir, pour m'excuser, que je butine.

Ainsi, j'ai cité le sonnet de Desbarreaux, mort en 1673, et je n'ai pas soufflé mot de Jean-François Sarrasin, mort en 1654. L'occasion cependant était belle, quand tout à l'heure j'ai parlé de la grande

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