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& plus furprenans que les fiens. L'en treprife des deux Chevaliers qui vont chercher Renaud, mene le lecteur juf qu'à la vûe du nouveau monde;c'est une Geographie, non pas ramaffée comme dans une Table par un dénombrement qui affomme la memoire, mais difpofée comme dans une Carte par la route même des Voiageurs, ce qui foûtient l'imagination. Quel fage détail de l'ori- gine & des mœurs des peuples dont ils découvrent les rivages ! quelle heureu fe prédiction de la découverte prochaine de l'Amerique! qui d'Homere ou du Taffe a mieux fuivi l'idée d'Ariftote? qui dita, Qué dans le Poëme Epique qui est une narration, on peut fans peine faire voir tout à la fois plufieurs chofes qui s'exécutent en même temps & en differens lieux, & qui étant toutes propres au sujet, donnent à ce Poëme une étendue que la Tragédie n'a pas : Avantage fi confiderable, que par fon si moien le Poete jette de la grandeur & de la majefté dans fes Vers, promene fon Auditeur dans une varieté admirable d'avantures, & diverfifie fon Quvrage par quantité d'épisodes differens, ce qui ne fe peut dans la Tragédie: lequel

a Piël. 25.

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des deux Poctes a mieux fenti la verité de la réflexion que Mr Dacier ajoûte au texte d'Ariftote, lorfqu'il écrit, a que la narration donne au Poete le moien d'orner fon Epopée de quantité d'épisodes differens; car aiant le monde entier pour Theatre, il peut faire autant d'épisodes qu'il lui plait, & les diverfifier de maniere qu'il n'y en aura aucun qui fe reffemble. Mr D. quelques lignes plus bas, dit que fi nôtre Theâtre étoit rempli de gens auffi délicats & auffi éclairez que les Athéniens, on fentiroit la ref femblance qui regne dans les épifodes de la plupart de nos Tragédies. Cette cenfure eft affez vague, d'autant plus que nos bonnes Tragédies, n'ont jamais d'épifodes dans la fignification commune de ce terme : mais files Athéniens & tous les Grecs avoient été auffi difficiles que nous fur le Poëme Epique, ils auroient fenti la reffemblance ennuieufe qu que le manque absolu d'épisodes a mife entre prefque tous les livres de l'Iliade.

Difons plus, fans avoir recours à des épifodes tirez des feconds Perfonnages, le fujet propre de l'Iliade offroit un

a Post, Arift. p. 394

Poëme où les actions du Héros même devoient fe paffer en divers endroits; il n'y auroit eu pour cela qu'à fuppofer que la colere d'Achille l'auroit engagé à porter ailleurs fon fecours & fes exploits. Il eft dit au 1. 24. a, qu'Achille repaffoit dans fa memoire tous les travaux qu'il avoit foûtenus avec « Patrocle, toutes les fatigues qu'il avoit « effuiées, tant de combats livrez, tant « de mers parcourues, au milieu d'une « infinité de périls « D'où vient qu'on n'en voit pas le moindre détail dans un Poëme, dont il eft Héros ? d'où vient même qu'Homere ne les a pas fait entrer comme épifodes d'action dans le corps de fon Poëme? Le lecteur auroit fuivi Achille avec joie dans fes Voiages ou dans fes Conquêtes. Par cette idée le fujet de l'Iliade change entierement de face; de trés-borné qu'il eft dans Homere, il devient trésgrand & trés-étendu, foit par la varie-té des lieux & des évenemens, foit par le nombre des inftructions morales, politiques ou militaires qu'il auroit fourni quelles coûtumes, quelles mœurs, quelles loix, n'auroit point rapportées un Poëte fçavant, qui non feulement

a p. 349.

auroit voulu conferver à la pofterité les merveilles de fa nation mais qui auroit voulu inftruire fa nation des merveilles des étrangers? Achille feroit enfin revenu à Troie par une réconciliation, ou par d'autres motifs qu'il eft aifé d'imaginer, & auroit détermi né le deftin par la mort d'Hector que fon abfence feule auroit retardée. Je fuis bien-aife de faire remarquer à ce propos , que bien loin qu'une Critique Philofophique en s'exerçant fur la Poëfie, tende à la deffecher & à la priver des beautez qui lui conviennent, comme on auroit pû le craindre; c'eft au contraire, un Philofophe qui reproche ici à Homere d'avoir retreffi fon fujet, & de n'y avoir point emploić les ornemens dont il étoit fufceptible; parce que la vraie Philofophie rappel lant chaque Ouvrage à fes regles proptes & naturelles indépendamment de l'opinion qu'en ont eu tous les hommes du monde, elle s'apperçoit qu'Homere qui a paffe pour le plus fécond de tous les Poëtes, n'eft fécond qu'en répetitions.

F

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Que le fujet de l'Iliade eft une
inaction.

Aute de fuivre l'idée que nous venons de propofer, Homere a mis dans l'Iliade, par rapport au fujet, un défaut capital & contraire à toutes les regles des Anciens mêmes; c'est qu'elle n'eft dans fa plus longue partie & dans tout ce qui en eft annoncé par le Poëte, qu'une inaction. Le Poëte commence ainfi : « Déeffe chantez la colere d'Achille fils de Pelée : cette colere « pernicieuse qui caufa tant de malheurs aux Grecs ». Il eft certain que la co-re dere d'Achille n'a été pernicieufe aux Grecs que pendant qu'elle l'a retenu dans l'oifiveté, puifqu'elle leur éfst devenue avantageufe dés qu'elle l'a tiré de fa retraite pour le conduire contre Hector; il est donc certain auffy que le Poëte n'annonçant que la colere pernicieuse aux Grecs, ne prend pour le fond de fon fujet que l'oifiveté ou l'inaction de fon Héros ; & qu'ainfi les exploits d'Achille dans les trois ou quatre derniers livres de l'Iliade,n'entrant point du moins felon les termes de fa Pro

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